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Quand l'extrême droite empêche les ONG de secourir les migrants en Méditerranée

Un groupe européen d'extrême-droite navigue en Méditerranée pour empêcher les migrants de rejoindre l'Europe depuis la Libye. Les ONG craignent que cela déclenche un dangereux du jeu du chat et de la souris avec les équipes de sauvetage humanitaires.

La mission, intitulée « Defend Europe [Ndlr, Défendre l'Europe] », est le projet de Génération Identitaire, un mouvement pan-européen opposé à l'immigration – notamment celle des populations musulmanes – sur le continent. Fondée en France en 2002, Génération Identitaire a recours à des stratégies de communication rodées, qui se déclinent à la fois sur les réseaux sociaux et par des coups médiatiques, comme l'occupation d'une mosquée française.

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Pour leur dernière campagne, le groupe a réuni près de 100 000 euros pour affréter un navire de 40 mètres, le C-Star, afin de s'opposer directement aux ONG qui opèrent en Méditerranée.

Les Identitaires estiment que les bateaux de sauvetage encouragent les migrants à tenter la traversée vers l'Italie, qui a remplacé la Grèce comme principal point d'entrée en Europe. Cette année, 85 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes – 20 pour cent de plus que l'année dernière.

Environ 40 pour cent des nouveaux arrivants sont arrivés en Italie après avoir été secourus par des bateaux de sauvetage des ONG. Certains, notamment en Italie, estiment que les humanitaires offrent une sorte de « service de ferry » vers l'Europe une fois que les canots des passeurs ont sombré.

Des procureurs italiens ont ouvert des enquêtes afin de savoir s'il existe une collaboration entre les passeurs et les ONG. Rome vient de mettre au point un code de conduite pour les humanitaires qui opèrent en Méditerranée, leur interdisant de contacter les passeurs par téléphone ou grâce à des fusées de détresse – qui pourraient faire office de signaux pour les passeurs.

Les organisations humanitaires rejettent ces accusations, indiquant qu'elles font un travail vital pour sauver des vies dans ses eaux qui ont emporté tant de migrants. Plus de 5 000 personnes sont mortes en essayant de traverser la Méditerranée l'année dernière. Et plus de 2 150 migrants ont déjà perdu la vie cette année.

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Defend Europe assure que sa mission est de documenter les activités des ONG, d'exposer toute collusion avec les passeurs, et d'intervenir si elles agissent illégalement. Eleonora Cassella, une membre de Defend Europe installée à Catane (le QG de l'organisation), a dit à VICE News que l'équipage va essayer de récolter des preuves pour montrer que les ONG s'entendent avec les passeurs.

« Plus les gens tentent la traversée, plus les bateaux viennent les récupérer. Donc de plus en plus de gens essayent de passer parce qu'ils savent qu'on viendra les aider, » dit Cassella.

Lors de sa levée de fonds, le groupe a assuré vouloir « bloquer » les bateaux de sauvetage – ce qu'ils ont déjà essayé de faire en mai, quand un groupe de militants secouant des drapeaux a tenté de bloquer un gros bateau qui partait de Catane pour les côtes libyennes. Mais le groupe a depuis fait marche-arrière. Ils assurent ne plus vouloir bloquer les bateaux, mais simplement les suivre.

« Pour le moment, on veut comprendre comment ils font, comment ils discutent avec les trafiquants d'êtres humains, comment ils réagissent quand ils voient des trafiquants, » dit Cassella.

Mais les organisations humanitaires qui opèrent dans la région s'inquiètent malgré tout de leur présence. « Le fait que des militants d'extrême droite veuillent gêner des opérations de sauvetage est extrêmement inquiétant, » indique à VICE News une porte-parole de Save The Children, responsable du sauvetage de 4 000 personnes cette année.

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« Sans les ONG et d'autres acteurs du secteur, beaucoup d'autres vies seront perdues. Ces militants veulent empêcher que ces gens se retrouvent en sécurité. »

La porte-parole assure que son organisation ne gère pas un « service de ferry ». « Nous ne communiquons pas avec les trafiquants ou les passeurs. Nous travaillons avec les gardes-cotes italiens et nous répondons aux appels de détresse uniquement sous leurs ordres, » explique-t-elle. « Quand vous arrêtez d'envoyer des bateaux de sauvetage, le bilan humain grandit, les gens continuent de tenter la traversée. »

Nick Lowles, directeur du groupe anti-raciste britannique Hope Not Hate, dit que Defend Europe pose un « risque certain pour la survie en haute mer. » Le groupe représente une « menace internationale grandissante, » explique-t-il, récoltant le soutien de militants d'extrême droite installés de partout dans le monde.

Si la mission n'est composée que de quelques dizaines de militants, Defend Europe a réussi à faire parler d'elle – et lever de l'argent – grâce à des campagnes sur les réseaux sociaux. Bloquée par PayPal, la levée s'est poursuivie sur une autre plate-forme, où le groupe a pu remplir ses objectifs.

Le groupe s'est aussi fait connaitre dans le monde anglo-saxon, quand la blogueuse d'extrême droite Lauren Southern et la journaliste britannique, Katie Hopkins, ont rejoint la mission à Catane. « Ces bateaux de sauvetage sont aussi facile à héler qu'un Uber après une grosse soirée à Birmingham, » a tweeté Hopkins ce mercredi.