Pour RrKelly, l'important c'est de « ne pas rester stuck dans le passé »
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Culture

Pour RrKelly, l'important c'est de « ne pas rester stuck dans le passé »

« À toutes les époques, il y a eu du bon rap, je ne renie pas ce que j’écoutais avant, mais j’ai vraiment hâte à ce qui va se passer dans le futur, je m’ennuie de rien! »

Active de près ou de loin dans la scène hip-hop depuis la fin des années 90, Kelly St-Pierre, alias Rr Kelly, est une touche-à-tout qui connaît la scène comme le fond de sa poche ou presque. DJ, organisatrice de soirées ou créatrice d’une collection de t-shirts, elle a été témoin de l’évolution de la scène montréalaise depuis plus d’une quinzaine d’années. VICE l’a rencontré pour en apprendre plus sur son parcours, de son passé de gérante et acheteuse pour le magasin de streetwear Off The Hook à ses soirées Rap Mommies qu’elle organise avec son amie directrice de création Françoise Cournoyer, mais aussi pour savoir comment elle perçoit le futur de cette scène en pleine ébullition.

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VICE : D’où ça vient, le nom Rap Mommies?
Rr Kelly : C’est Simahlak et Sagewondah qui nous ont appelées les premiers Rap Mommies. Dans ce temps-là, avec mon amie Françoise, qui est la host de notre soirée, on ne sortait presque jamais, à part quand on allait à leur party Moonshine au En Cachette. À cette époque, on était tellement contentes d’avoir un break de nos vies de mamans! On dansait toute la soirée et on rappait toutes les chansons, c’est de là d’où vient le nom. Un jour, ils nous ont proposé de faire une soirée avec eux pour voir si ça pouvait fonctionner. Françoise a fait le flyer : le concept, c’était de prendre une mère connue et de lui photoshopper un grillz. La première soirée a été un succès et, depuis cinq ans, on continue sur notre lancée.

Crédit | Dja Photographie

T’as clairement plusieurs cordes à ton arc, t’es qui exactement?
Je ne serais pas trop comment me définir, je pense que je suis intimement liée à la culture rap. C’est ce qui m’a inspirée étant jeune et, finalement, c’est le point commun entre toutes mes activités. Il n’y a pas seulement une chose qui m’intéresse et que je poursuis tout le temps. Le fil rouge dans ma vie, c’est que j’ai toujours arrêté un projet parce que j’en commençais un autre. Pour te donner un exemple, j’ai fait du rap de 14 ans à 18 ans, puis après j’ai eu une émission de radio sur CISM pendant plusieurs années. D’un autre côté, ma période au Off The Hook m’a permis de rencontrer toute la scène et de connecter différemment. Aujourd’hui, je m’implique autrement, depuis sept ans, je travaille en pub et j’essaye de mieux connecter ce milieu avec celui du rap.

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C’est ta passion pour le rap qui t’a conduite à te lancer dans le streetwear?
J’imagine que oui, c’était un peu comme une suite logique. J’ai travaillé au Off The Hook pendant huit ans, mais j’ai aussi créé en parallèle ma propre ligne de t-shirts Rated Rookies avec le designer Jeremy Wirth. On a vendu des chandails au Japon, aux États-Unis, en France et en Suisse. On a eu quelques hits comme les t-shirts « Danse la poutine » qu’on a faits pour Omnikrom et TTC. Grâce à ça, Colette, la Mecque du steetwear à Paris nous a commandé des t-shirts qui ont été sold out en un rien de temps. En parallèle, j’organisais au Off The Hook des événements accessibles seulement aux filles avec des artistes comme Kid Sister, Flosstradamus ou TTC.

Crédit | Chris Macarthur

C’était quoi ton premier gig de DJ?
I guess c’est le moment où je dis que Jeanbart d’Omnikrom, c’est mon baby daddy? Quelqu’un lui a demandé s’il voulait être DJ pour le premier Bloc Party d’Osheaga. Au final, on s’est retrouvés à mixer tous les deux. Je me rappelle avoir pratiqué pendant deux mois pour ce show. Quand j’ai commencé à jouer mes premières tracks et que j’ai vu que les gens réagissaient à ce que je jouais, ça m’a donné une énergie que je n’avais jamais ressentie. J’ai vite compris que je voulais revivre ça. Par la suite, il y a plusieurs amis DJ qui m’ont invitée à mixer à leurs soirées, puis à partir de là, j’ai eu un paquet d’offres et ça ne s’est juste jamais arrêté.

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C’est comme ça qu’est né Rap Mommies ?
Un peu oui… Pour être honnête, le premier Rap Mommies, c’était mon quatrième gig. On a commencé au En Cachette, puis maintenant la soirée a lieu au Artgang et peut rassembler jusqu’à 500 personnes. Mon meilleur souvenir pour le moment, c’est le dernier Rap Mommies où j’ai booké trois filles que j’adore (Shaydakiss, Nana Zen et Maddilonglegz) pour célébrer la Journée de la femme. J’avais envie qu’elles voient notre soirée comme moi je la perçois, c’est-à-dire un événement rassembleur, qui mixe les générations et les origines sociales. Ça reste avant tout un party fait pour que les gens dansent et où tu peux croiser autant Anne-Marie Withenshaw que Joe Rocca ou Imposs. Il y a aussi beaucoup de mères ou de femmes de 30 ans et plus qui se disent qu’elles ne peuvent plus sortir à des partys parce qu’elles se sentent dépassées.

Crédit | Myriam Ménard

Est-ce que, selon toi, il y a encore des clichés sur les femmes DJ ?
À mes débuts, on hatait sur moi soit parce que des gens disaient qu’on me bookait uniquement parce que j’étais une fille ou parce que je jouais avec un contrôleur. Avant, je m’en faisais beaucoup avec ça, mais, par la suite, j’ai complètement dépassé ça et j’ai décidé d’essuyer mes larmes avec mes chèques [rires]. Ce qui est drôle, c’est que ces mêmes haters viennent maintenant à Rap Mommies! Je pense avant tout que c’est une affaire de gars parce qu’il y a aucune fille qui va diss une autre fille parce qu’elle commence à mixer.

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D’ailleurs, quelle vibe t’as essayé de créer musicalement avec cette soirée?
Ce qui m’a le plus inspirée, ce sont les partys Sharp à l’os en 2007-2008 au Zoobizarre. C’était la soirée de Figure8 et JF Dumais hostée par Omnikrom. Ils mixaient les nouveaux bangers de rap avec des morceaux un peu plus old school, du R’nB, du ‘ 90s dance et whatever ce qui leur tentait de jouer. C’est dans cet esprit que j’ai bâti Rap Mommies. Je ne voulais pas que ça soit un style particulier : il fallait que les gens puissent écouter des tracks cheesy entrecoupées d’affaires assez hard. Comme ça, personne ne peut t’en vouloir si t’as dansé sur une chanson des Spice Girls, car après ça va être la nouvelle track de Cardi B. Je souhaitais que le monde cool se sente à l’aise à cette soirée-là et que les gens qui pensent ne pas l’être se trouvent cool d’y être.

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Comment vois-tu l’avenir du rap keb?
Il y a de beaux success stories qui se sont produits et qui s’en viennent. C’est la période la plus fun du rap keb que j’ai vécue. Les jeunes ont faim, c’est inspirant de voir ça, ça donne l’impression que le futur du rap keb est bright. Quand je travaillais au Off The Hook, on riait des rappeurs qui nous disaient qu’ils travaillaient sur une mixtape, mais qui ne sortaient jamais rien. Si j’avais un conseil à donner : un projet de sorti a beaucoup plus de valeur que quelque chose de parfait qui ne sortira jamais. Les kids comme Rowjay et Mike Shabb l’ont bien compris : ils sortent des trucs au lieu de juste dire qu’ils vont en sortir. À un moment donné faut arrêter de trop parler et faire ce qu’on dit.

Alors, est-ce que le rap, c’était mieux avant ?
Les gens qui pensent ça doivent se poser une question : est-ce qu’ils aiment le rap ou ils aiment juste le rap des années 90? Depuis que j’ai 13 ans, j’écoute du rap fait par des jeunes de 19 ans, ça a toujours été le cas et je pense que ça va le rester. À chaque fois, ce sont des rappeurs de cet âge qui m’ont fait retomber en amour avec le rap over again. Pour moi, c’est important de ne pas rester stuck dans le passé.