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Culture

Entretien avec le journaliste le plus aimé des pornstars

Gram Ponante raconte les dessous d’une industrie aussi populaire que méconnue depuis plus de 15 ans.
Image via Twitter

Gram Ponante écrit depuis 2002 sur l’industrie des films pornographiques pour plusieurs publications, notamment AVN, Penthouse, Hustler et Playboy. Il s’est même autoproclamé « America’s Beloved Porn Journalist ». Dans son livre A Porn Valley Odyssey, paru en 2013, il raconte comment il en est venu, après avoir partagé de la lasagne et voyagé à Walt Disney World avec des pornstars, à produire la parodie pornographique de la série télé The Facts of Life. Il note sur son site web qu’il est surtout intéressé par la pornographie comme phénomène social et modèle d’affaires. Il apprécie les performeurs pour ce qu’ils sont, individuellement, beaucoup plus que pour ce qu’ils font comme actes devant la caméra.

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Il y a quelques années, il dit s’être senti déconnecté, ce qui l’a amené à se priver de porn pendant un an, sans toutefois désavouer l’industrie. Dans une critique de Babysitters Take On Big Dicks 3, il racontait, nostalgique, ne plus reconnaître les actrices : « J’avais l’habitude avant de regarder des films et je savais quelle voiture conduisait la star, à quel endroit travaillait son petit copain, comment elle était différente avant et après s’être fait maquiller. J’avais une connexion personnelle. Mais j’ai été absent un moment. Maintenant je me sens voyeur. J’aime inspirer la porn, pas la regarder. »

Il a accepté de répondre à mes questions, allant même jusqu’à proposer de me répondre en français, si écrire en anglais me rendait mal à l’aise. C’est un gentleman. Un gentleman qui a regardé plein de filles se chatouiller le clitoris avec de faux ongles.

VICE : Que voulais-tu faire comme travail à dix ans?
Gram Ponante : Je voulais être un auteur. Avant ça, je voulais être un pompier.

Quel est le premier contact que tu as eu avec la porn?
Je pense que plusieurs personnes ont une histoire similaire : j’ai trouvé une copie de Hustler, détrempée, derrière mon école secondaire. Peu après, j’en ai trouvé d’autres sous un pont et sur un chantier de construction. Elles étaient toujours détrempées! De la même façon que tu en viens à deviner de l’argent échappé à une distance lointaine, mes amis et moi avons développé l’aptitude de trouver des copies de magazines pornos détrempées n’importe où.

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Qu’est-ce que les performeurs pour adultes détestent comme questions? Avec toi se sentaient-ils plus libres de répondre à n’importe quelle question parce qu’ils savaient qu’il n’y avait pas de jugement?
Les questions qu’ils détestent le plus seraient de questionner un performeur sur sa position sexuelle préférée, et de suivre tout de suite après par « As-tu été victime d’abus sexuel pendant ton enfance? », « Est-ce que tes parents savent ce que tu fais? », « Quel est ton vrai nom? » et « Que feras-tu après la porn? »

Je crois que les performeurs ont besoin d’avoir confiance en la personne qui écrit sur eux. Ils doivent être certains que la personne les respecte et les écoute vraiment. C’est facile de dire « c’est comme tout le monde », mais il y a quelque chose à propos de la perception de disponibilité sexuelle qui rend les gens irréfléchis. Heureusement, il y a ces temps-ci un sentiment qui s’intensifie sur le fait que le travail du sexe est un vrai travail et que, même si des films sont idiots, les personnes qui y performent méritent le respect, non seulement parce qu’elles sont des êtres humains, mais aussi parce qu’elles se montrent aussi vulnérables et nues.

Qu’est-ce que les gens ne savent pas de la production de films pour adultes qui les surprendrait?
Les performeurs dans l’industrie de la porno se protègent vraiment mieux que la population en général. Ils sont régulièrement testés pour des infections transmises sexuellement et doivent prouver qu’ils n’ont pas d’infections pour pouvoir travailler.

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À Los Angeles, un projet de loi récent a eu des effets délétères, précipitant la production pornographique underground, parce que plusieurs performeurs s’objectent à l’utilisation des condoms. Sous des lumières très chaudes et une période prolongée de coït, les condoms deviennent douloureux.

Comment vois-tu la porn aujourd’hui? Comment a-t-elle changé depuis tes débuts?
La première fois que je suis allé sur un lieu de tournage, j’étais arrogant et prétentieux, mais je ne me sens plus comme ça maintenant. Les acteurs risquent beaucoup en faisant ce qu’ils font, même s’ils disent que c’est libérateur, utiliser son corps et sa sexualité comme une commodité. L’argent et l’attention peuvent aussi être exaltants. Mais être examiné ou surveillé a un prix. Les performeurs que j’admire le plus ont eu des déboires avec cette surveillance, et ce dédain et mépris qui viennent des trolls.

Comment les actrices réagissent en te croisant? J’ai lu dans ton portrait d’Amber Raynes, l’actrice canadienne qui s’est suicidée en 2017, qu’elle s’était fistée juste après t’avoir saluée. Quand je rencontre une star pour adulte dans son costume de « personne normale », c’est toujours plaisant. Je rencontre souvent des pornstars au Costco. Les compagnies de production pornographique ont toujours besoin d’acheter beaucoup de lingettes et de kits de lavement, et nous en sommes venus à savoir que Costco ne vendait pas que ça, il vend aussi un excellent poulet rôti à 4,99 $.

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Qu’est-ce que tu n’aimes pas quand les médias mainstream parlent de la porn?
Les médias mainstream n’ont aucune gêne lorsqu’ils manquent de respect à propos du travail et de la personne qui le fait. C’est une réponse élitiste à leurs propres insécurités par rapport à la sexualité. Ou, au pire, une réaction paresseuse. Au moins la porn maintient des standards assez transparents.

Quel est le tournage ou la rencontre que tu as préféré dans ta carrière?
Les tournages que j’ai préférés étaient ceux de Cousin Stevie’s Pussy Party. Ça durait toute une journée. Il y avait des collations, des breuvages et plein de femmes toutes nues. C’était décontracté et un hot mess, et ces jours-là me rappellent pourquoi les gens aiment autant la porn.

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Quels secrets l’industrie du divertissement pour adultes ne voudrait pas révéler, pour ne pas offenser?
C’est une industrie de vulnérabilité et d’excès, et des violations au consentement se produisent. Aucun degré de familiarité ne justifie de telles violations, et ce qui était cool il y a 20 ans n’est plus nécessairement cool maintenant.

Quelles scènes détestes-tu le plus?
La plupart des scènes sont idiotes. J’aime mettre un doigt dans la bouche des femmes; j’aime pas quand elles le font elles-mêmes comme si c’était un signal. Et pourtant c’est un porn trope.

Je n’aime pas non plus les scènes où un mec pénètre une propriété privée et espionne une babe tout huilée qui se fait bronzer dans une chaise longue. Il la regarde en se frottant le menton. Qui fait ça? Et pourtant c’est un détour facile dans la porn, qui n’existe pas dans mon monde. J’espère que les jeunes personnes qui trouveront des Samsung Galaxy détrempés derrière leur école, avec Pornhub ouvert, ne penseront pas que se frotter le menton est une sorte de préliminaire essentiel.

Quelle est la chose la plus importante dans la porno pour les performeurs?
Ils doivent se souvenir qu’ils n’ont que trois minutes pour briller!