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Au mois d’octobre, un résident de Québec, Michael Riverin a été arrêté pour menaces de mort par le SPVQ. Photo tirée de Facebook. 

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Deux ans après l'attentat, l'extrême droite se radicalise-t-elle à Québec?

« Pour eux, l’important, c’est de montrer qu’ils occupent l‘espace public. Un peu comme dans une cour de récréation. »

« On n'a pas de problème de radicalisation à Québec, disait Régis Labeaume, de passage à Tout le monde en parle, au mois de mai dernier. Il ne faut pas créer quelque chose qui n'existe pas. » Le maire réagissait alors aux plans d’ouverture d’un bureau du Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRMV) dans sa ville.

Des données rapportées par le SPVQ cette semaine semblent lui donner raison. Deux ans après l'attentat de la Grande mosquée de Québec qui a fait six morts et huit blessés, le nombre de signalements de crimes ou d’incidents haineux a dégringolé. Il est passé de 85 en 2017 à 27 en 2018. En 2016, on en dénombrait 58. Des chiffres à prendre avec un grain de sel, puisque tous les cas ne sont pas nécessairement rapporté.

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Depuis deux ans, le responsable de l'équipe de recherche du CPRMV, Benjamin Ducol, observe néanmoins une tension de confrontation grandissante entre les groupes identitaires et l’extrême gauche antifasciste et antiraciste. Même si le centre n’a toujours pas d’antenne officielle à Québec, il y a néanmoins des employés.

« C’est vrai qu’il n’y a pas de filière extrémiste à Québec prête à commettre des attentats, dit-il. Mais il existe tout de même des groupes qui peuvent poser problème. Il y a un climat qui peut déboucher vers de la violence et des règlements de compte. On observe ça aussi à Montréal, mais à Québec, c’est plus visible, puisque c’est un microcosme. »

Professeur au département de théologie de l’Université Concordia, André Gagné s’intéresse lui aussi à la radicalisation. Il souligne qu’une baisse des signalements n’équivaut pas nécessairement à un recul des activités des groupes extrémistes. « De mon côté, je remarque de plus en plus de polarisation politique, dit-il. Il faut être attentif à la radicalisation du discours anti-immigration. »

Depuis deux ans, on dénombre d’ailleurs plusieurs cas d’actes violents attribués à la mouvance identitaire et ciblant l’extrême gauche.

Durant la nuit du 15 décembre dernier, un groupe s’en est pris à un individu qualifié d’« antifa », avant de le rouer de coups. Le principal suspect, Louis Fernandez, 24 ans, a été arrêté par la police et accusé de voies de fait causant des lésions. Sur les réseaux sociaux, Fernandez entretient des relations avec plusieurs membres d’Atalante Québec, dont son leader, Raphaël « Stomper » Lévesque. Le SPVQ n’a pas retenu ce cas comme étant un crime haineux.

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Louis Fernandez. Photo tirée de Facebook.

Une semaine plus tôt, le samedi 8 décembre, la librairie anarchiste de Québec, La Page noire, était la cible d’actes de vandalisme, pour la troisième fois en deux ans. Des fenêtres ont été fracassées et une porte sabotée. « XOXO les gaucho [sic] » a aussi été écrit à l’aérosol sur un mur. Aucune plainte n’a été faite aux autorités dans ce dossier.

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Vandalisme à la Page noire. Photo tirée de Facebook.

Au mois de novembre, un spectacle organisé par des groupes antifascistes, notamment la Jeune garde, qui devait se tenir au bar le Scanner de Québec a été reporté et déménagé à la suite de menaces proférées contre le propriétaire. Celui-ci a reçu deux faux cocktails Molotov sur lesquels on pouvait lire « Kaboom ». Le spectacle a finalement eu lieu le 30 novembre au café étudiant du Cégep Limoilou.

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De faux cocktails Molotov reçus au bar le Scanner de Québec.

Au mois d’octobre, un résident de Québec, Michael Riverin a été arrêté pour menaces de mort. Il souhaitait commettre des actes de violence de masse, selon le SPVQ . Sur sa page Facebook, il se définit comme skinhead néonazi et partage des publications d’Atalante ainsi que du groupe Légitime Violence. Sur sa page, il s’en prend aussi aux groupes antifascistes et aux punks. Chez lui, les policiers ont saisi deux armes paralysantes, une machette, un poing américain et du répulsif à ours.

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Michael Riverin. Photo tirée de Facebook.

Questionné par VICE Québec, le porte-parole de la Ville de Québec, David O’Brien n’a pas souhaité émettre de commentaires au sujet de ces événements.

Du côté du SPVQ, la porte-parole Cyndi Paré n’observe pas de nouvelle dynamique sur le territoire desservi. « Il y a toujours existé une certaine tension palpable entre ces différents groupes. Par contre, nous ne remarquons aucune montée significative pour l’instant. »

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Le responsable de la recherche du CPRMV prend quant à lui ces menaces très au sérieux. « Si on l’écrit sur internet, ça veut nécessairement dire qu’on y a pensé, dit M. Ducol. C’est une demi-action. »

D’ailleurs, en juin 2017, alors que le centre voulait ouvrir un bureau permanent à Québec, le leader d’Atalante Québec, Raphaël « Stomper » Lévesque avait publié un message d’intimidation sur Facebook à ce sujet. « Pour l'ouverture d'un de ces centres à Québec, après il ne manquera plus qu'un bidon d'essence et une allumette question de bien se marrer », pouvait-on lire sur sa page personnelle.

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Benjamin Ducol croit qu’il s’agit d’une démonstration de force symbolique de la part des groupes identitaires. « Il y a eu quelques épisodes de violence et il est difficile de savoir si c’est coordonné. Mais il est évident qu’un groupe comme Atalante n’est pas extérieur à tout ça. »

Le chercheur remarque une augmentation de la tension depuis deux ans, exacerbée par la plus grande visibilité d’Atalante dans l'espace public. « Il y a aussi une légitimation de la violence du côté antifasciste, mais le rapport de force est un peu plus en faveur d’Atalante et des Québec Stompers [groupe de rue associé à la formation Légitime Violence]. Ça leur donne une certaine confiance à pouvoir s’afficher publiquement. Pour eux, l’important, c’est de montrer qu’ils occupent l‘espace public. Un peu comme dans une cour de récréation. »

Simon Coutu est sur Twitter.