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politique

Voici les gagnants du dernier débat électoral

[Insérer musique dramatique] It’s the final countdown. Tululu-lu, tu lu lu tu tu.
Photo : Capture d'écran/TVA

Jeudi soir était le théâtre du troisième et dernier débat des chefs. À dix jours du vote, la pression sur les chefs est intense, telle une bouteille de 7Up brassée à outrance par un enfant de 6 ans surexcité d’ingérer son poids en glucides.

Avec une performance peu flamboyante au premier débat suivi d’un cafouillage notoire sur le système d’immigration, l’auto proclamée non « génie en herbe » François Legault en a pâti. L’analyse publiée jeudi par Qc125 indiquait que la Coalition avenir Québec (CAQ) a glissé en deuxième position, avec 30,5% des intentions de vote. Le Parti libéral (LPQ) est demeuré stable avec 30,8 %, tandis qu’on a observé une légère montée chez Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ).

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Bref, on prédisait toujours un gouvernement caquiste jeudi, mais l’avance s’affaiblit. Dans ce contexte, le débat est crucial.

Qui sont les gagnants?

La plus grande amélioration : Manon Massé

Lors du premier débat, Manon Massé était plus effacée : elle a parlé quatre minutes de moins que ses adversaires, et ses premières interventions manquaient de vigueur.

C’est une tout autre Manon Massé qui s’est présentée au débat de jeudi : elle était à l’aise et défendait plus habilement les idées de son parti, notamment sur l’imposition des grandes compagnies et des citoyens plus fortunés, la sortie du pétrole, la gratuité scolaire et l’assurance dentaire pour tous.

Elle n’est pas entrée dans le détail des propositions de son parti, mais elle a gagné en clarté.

Le format « face à face » l’a aidée à faire sa place, elle le reconnaît. Elle a également su demander l’appui de l’animateur pour mieux s’imposer, et le faire elle-même en sommant son adversaire de la laisser répondre. Bref, contrairement au premier débat où elle a avancé qu’elle n’avait pas eu sa place parce qu’elle était une femme, Manon a incarné ici le grl pwr.

Le chapeau d’âne : Jean-François Lisée qui tente de piéger Québec solidaire

Début du débat. Thème : la santé. Il est question d’accès à un médecin de famille. Jean-François Lisée sort du thème pour emprunter un drôle de sentier : il laisse entendre qu’il y a un chef interne caché à Québec solidaire.

  • J’ai un genre de question préalable à vous poser. Ici, c’est le débat des chefs. On se connaît bien. Une fois, je vous ai demandé sur un sujet : « Qu’est-ce que votre parti va dire? » Vous m’avez répondu : « Je vais en parler à mon patron. » Et là j’ai réalisé que c’est vrai, que vous êtes la co-porte-parole, vous n’êtes pas le chef de Québec solidaire. Qui est le chef, et pourquoi il n’est pas au débat des chefs?
  • On parle des médecins, a répondu Pierre Bruneau, avec un rictus un peu incrédule
  • Je tiens à poser cette question, parce que c’est important comme question préalable.

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Manon Massé a commencé à répondre, puis Pierre Bruneau a tenté de réorienter le débat sur la santé. Lisée est revenu à la charge, en rappelant ce qu’il s’est passé il y a plus d’un an lorsque QS avait récusé sa signature sur une feuille de route pour l’atteinte de la souveraineté, un effort de groupe qui regroupait le PQ, QS, Option nationale et le Bloc québécois.

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Le chef du PQ avait accusé le parti d’être dirigé secrètement par un Politburo, nom donné à l'obscure instance communiste qui dirigeait l'URSS.

Bref, contester la structure interne de Québec solidaire lors du débat, c’était assez inattendu, et surtout complètement hors sujet. On se demande bien ce que M. Lisée tentait d’accomplir.

Pour ce curieux moment de malaise, mais aussi pour sa performance nettement moins maîtrisée que lors du premier débat, VICE remet au chef péquiste le chapeau d’âne de la soirée.

Au moins, ça a donné place à de bons gags.

À noter que ce curieux échange a permis à l’équipe de TVA de corriger la petite erreur qui s’était glissée dans le titre de Mme Massé.

Le prix « Two plus two is four, minus one that's three, quick maths » : Jean-François Lisée

On ressort ces légendaires paroles de Big Shaq pour souligner que Lisée s’est servi des mathématiques pour attaquer efficacement son adversaire François Legault au sujet des maternelles 4 ans, une proposition phare de la CAQ.

« Vous avez dit en Ontario, une des raisons pour laquelle leur taux de diplomation est tellement bon, c’est qu’ils ont [implanté la maternelle 4 ans]. Mais M. Legault, en Ontario, ils ont commencé à faire ça en 2011. Le premier diplômé va arriver en 2022. C’est pas vrai que ça a aidé la diplomation, on ne le sait pas encore. Ce que vous avez dit est incorrect ».

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C’était bien envoyé.

Le meilleur spin : François Legault sur l’immigration

S’il y avait une cible peinte en rouge sur un candidat dès le début de la soirée, c’était sur M. Legault et sa position sur l’immigration.

C’est l’animateur Pierre Bruneau qui a lancé le bal avec une question incisive, qui mériterait son propre prix : «Vous voulez diminuer le nombre d’immigrants au Québec. Vous voulez imposer des tests de français et des tests de valeurs. Vous voulez expulser les immigrants. Mais depuis une semaine, votre position change constamment. Le nombre de reprises de tests est maintenant limité. Ceux qui échouent auraient droit à un délai supplémentaire d’un an. Au bout du compte, la procédure d’expulsion est complètement floue. Enfin bref, personne ne s’y retrouve. M. Legault, les électeurs se demandent si vous avez les compétences pour gérer des dossiers importants comme celui-là. »

François Legault s’est bien gardé de répéter qu’il n’expulserait qui que ce soit. Il a plutôt indiqué que les immigrants qui échouent les tests ne seraient « pas acceptés ».

Lorsque Pierre Bruneau a souligné qu’il avait changé d’idée, Legault a sorti son nouveau catchphrase :

« Les seuls qu’on veut expulser, c’est le Parti libéral! »

Tout le reste de son message était orienté sur une meilleure intégration des immigrants, il a répété qu’il voulait intégrer, intégrer, intégrer, intégrer.

Le take away du débat : «Intégrer», c’est la nouvelle maternelle quatre ans de Monsieur Legault.

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Le mieux habillé : Pierre Bruneau

Le panéliste Mario Dumont ne serait peut-être pas d’accord, lui qui a trouvé que la veste bourgogne de Mme Massé ressortait très bien sur le fond bleu, ce qui aurait joué à son avantage.

VICE souligne l’élégance intemporelle de l’animateur du débat.

La peau de banane évitée : Philippe Couillard et l’épicerie à 75 $

Dans un contexte où la lutte se resserre, c’est sûrement avec délice que l’équipe caquiste (ainsi que les autres adversaires) ont regardé la toile s’enflammer dans la journée de jeudi, lorsque Couillard a avancé qu’il était possible de payer une épicerie pour une famille de 2 enfants avec seulement 75$ par semaine. On lui demandait sur les ondes d’Énergie s’il était d’accord avec l’ancien dragon François Lambert, qui avait avancé une telle chose.

« Je penserais que oui. Par contre, les menus ne seront pas très variés et on sera pas mal sur le végétal », a-t-il répondu assez candidement.

Il a été vertement critiqué sur les réseaux sociaux, et encore ce soir, François Legault l’accusait d’être déconnecté de la réalité.

Mais tel un joueur aguerri de Mario Kart, Philippe Couillard a su sauter par-dessus sa propre peau de banane, s’évitant ainsi de périr dans une mare de lave.

Il en a fait une question de justice sociale. « La situation elle est regrettable. Moi je connais des gens, je parle à des gens qui le font, malheureusement. Et ici même à Montréal, cette semaine, il y a des familles qui font leur épicerie, malheureusement, avec ce budget-là. Il faut le reconnaître, sinon c’est manquer de sensibilité à leur égard. »

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Il en a profité pour parler de son plan de lutte qui, selon lui, va « sortir 100 000 personnes de la pauvreté »

En général, Couillard a bien su mener le débat, se présentant calme, en contrôle et prêt à bien défendre son bilan, malgré les multiples attaques de ses adversaires. Il a offert une performance solide.

La meilleure blague pour millenial : Jean-François Lisée

« C’est pas des farces, les libéraux sont au pouvoir depuis avant l’invention de Facebook! »

Comme disent les anglais : nourriture pour pensée.

La grande absente de la soirée : Madame Chagnon

Au premier débat, lorsque Patrice Roy lui a demandé si les candidats l’avaient éclairée sur sa question sur les conditions de vie en CHSLD, Mme Chagnon a marqué le Québec avec son incisif « Pas tellement ». Elle s’est attirée instantanément l’amour du public, au point de faire une apparition aux Gémeaux le dimanche suivant. Nous n’avons rien vu d’aussi flamboyant en ce dernier débat. Extrêmement décevant.

Roi et reine du bal : Manon Massé et Philippe Couillard

Pour les raisons nommées ci-haut, VICE déclare le chef libéral et la porte-parole solidaire roi et reine de la soirée. Avec son cafouillage sur l’immigration, Legault ne mérite pas de couronne, mais comme il ne s’en est pas trop mal sorti, il pourrait se consoler d’un titre de duc.