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Racisme

Derrière Griezmann, les cas de blackface se multiplient en France

La même semaine, les employés d'une grande entreprise du CAC 40 se sont peint le visage en noir lors d'une session de team building...
Photo issue du compte Twitter d'Antoine Griezmann, supprimée depuis.

Quand on voit apparaître un tweet d’Antoine Griezmann, on a généralement droit à une pub pour son équipementier ou une photo d'un de ces canassons. Mais ce dimanche 17 décembre, l’attaquant de l’Équipe de France et de l’Atlético de Madrid a posté une photo de lui grimé en joueur de basket noir, perpétuant ainsi une pratique historiquement raciste : le blackface.

Consistant à se peindre le visage en noir, le blackface est apparu au XIXème siècle aux États-Unis dans le cadre de spectacles appelés « minstrel shows », visant à se moquer des Noirs. Dès 1830, un acteur blanc, Thomas « Daddy » Rice, chantait sur les scènes du sud des États-Unis Jump Jim Crow, les mains et le visage peints en noir. Quelques années plus tard, le terme « Jim Crow » sera utilisé pour nommer les lois ségrégationnistes dans les États du sud.

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C'est sans doute la première fois qu'une personnalité aussi célèbre que Griezmann – la tête de gondole de l'équipe de France – s'adonne à cette pratique. Si le nombre de réactions est à la mesure de l'exposition du footballeur, les cas de blackface ne sont pas rares en France. Et pas toujours autant médiatisées.

Séminaire d'entreprise en mode blackface

« On parle énormément de cette affaire aujourd’hui, parce que le sport est un macroscope de la société », précise Ghyslain Vedeux, administrateur du Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN). « La semaine dernière, des employés d’Altran, le leader mondial du conseil en ingénierie, s’étaient peint le visage en noir au cours d’une session de team building. Personne n’en a parlé. Mais depuis ce matin, mon téléphone n'arrête pas de sonner… »

Rien que cette année, de nombreux cas de blackface ont été relevés par le CRAN. En novembre, l'association s'est ainsi mobilisée contre un livreur de FedEx qui postait des vidéos pour enseigner « l'art de se grimer en noir ». Depuis, l'homme s'est excusé et a effacé les fameuses vidéos. En octobre, c'est l'affiche d'un spectacle produit par la « Blackface Corporation » qui a choqué. Là encore, les affiches ont depuis été abandonnées, tout comme le nom de la troupe. À Lyon, un autre spectacle présenté aux Nuits de Fourvière en juin, qui mettait en scène des artistes avec le visage peint en noir, a été épinglé. Cette fois aussi, les scènes concernées ont depuis été retirées du spectacle. En février, le groupe de musique Polaroïd 3 a annulé un concert à Paris à cause d'un clip dans lequel les musiciens avaient le visage peint en noir.

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D'autres cas ont en revanche été plus suivis médiatiquement comme celui de cette journaliste du magazine ELLE, Jeanne Deroo, qui avait voulu « se déguiser » en Solange Knowles en 2013. En juin 2014, le CRAN avait saisi le Défenseur des droits suite à une « soirée négro » organisée par des policiers du Kremlin Bicêtre, grimés en noirs avec des bananes dans les mains. A l'époque, l’autorité dirigée par Jacques Toubon avait officiellement qualifié le blackface comme une pratique raciste. Mais, malgré tout, la pratique continue de perdurer en France et ailleurs.

« Aujourd’hui, en 2017, l’ignorance n’est plus une excuse », explique Vedeux, qui se demande bien pourquoi « les warnings » de l’entourage du joueur n’ont pas fonctionné. « Cet épisode montre en tout cas qu’un grand travail de pédagogie doit encore être effectué. Les gens ne savent toujours pas à quoi le blackface renvoie », estime le représentant du CRAN.

Quand on lui signale un cas de blackface, le CRAN prône la pédagogie : si la personne ou l’institution concernée est ouverte au dialogue, l’association demande la publication d’excuses publiques et la réalisation d’une action concrète contre le racisme, en complément d’une formation dispensée par des membres du CRAN.

Soirée "déguisée" à l'EDHEC

En novembre dernier, des élèves de l’école de commerce lilloise, l’EDHEC, s’étaient peint le visage en noir à l’occasion d’une soirée étudiante, pendant laquelle certains étaient « déguisés » en Samuel L. Jackson ou Whoopi Goldberg. Le CRAN a alors pris contact avec l’école, qui a publié des excuses, puis les étudiants se sont engagés à réaliser un site Internet contre les blackface.

Pour Griezmann, le CRAN demande à être reçu par le joueur, ainsi que par la Fédération française de football (FFF) et la Direction technique nationale (DTN), afin que l’attaquant présente des excuses publiques, s’engage à être formé par l’association sur ces sujets, et fasse de la prévention, parce que beaucoup d’enfants adulent le Mâconnais, rappelle Vedeux. Griezmann a encore du travail pour retrouver son statut de gendre idéal du football français.