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LA CULTURE DU FOOTBALL

Avant les Alouettes, il y avait les Stallions de Baltimore

La petite histoire de la fois où LCF a essayé de s'aventurer au Sud de la frontière.
Linda Nguyen, Presse Canadienne

Les Alouettes de Montréal ont invité VICE à passer la saison 2018 au sein de l’équipe. Notre dossier spécial sur la culture du football est disponible ici .

Baltimore, 1993. Les partisans de football de la ville sont dépourvus d’équipe professionnelle depuis qu’on leur a arraché des mains les Colts en 1984, quand le propriétaire, insatisfait du stade, les a fait déménager à Indianapolis.

Depuis, les fans sont à la recherche d’une solution de rechange pour assouvir leur passion du ballon pointu. Et avec des plans pour la construction d’un nouveau stade, ils ont bon espoir d’avoir un nouveau club à encourager. Ils attendent avec impatience l’expansion de la NFL de 1995. Ils savent que la ligue considère ajouter une franchise à Baltimore ou à Jacksonville.

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Mais le problème, c’est que Baltimore est à quelques dizaines de kilomètres de Washington, un territoire en majeure partie occupé par les Redskins. Et leur propriétaire, Jack Kent Cooke, n’aime pas l’idée de partager le marché avec un nouveau rival et de perdre d’éventuels revenus.

Il se trouve que ce même Jack Kent Cooke est bien chum avec le commissaire de l’époque, Paul Tagliabue.

Les mauvaises langues prétendent que, dans un jeu de coulisses, ils réussissent à convaincre les autres directeurs généraux de voter contre une expansion à Baltimore. À l’issue du vote, 26-2 en faveur de Jacksonville, le commissaire déclare même publiquement que la ville de Baltimore devrait songer à construire « un musée plutôt qu’un stade ».

Disons que cette déclaration ne passe pas bien.

Piqués à vif, les fans sont plus que jamais motivés à prouver qu’ils habitent une ville capable de soutenir une équipe professionnelle de football.

C’est à ce moment-là que la Ligue canadienne de football (LCF) entre en jeu. Elle veut implanter une division américaine au sud de la frontière. Baltimore est une destination de choix, la LCF saute sur l’occasion. L’équipe sera baptisée « les Stallions ».

C’est ainsi que l’on a vu les fans de football américain de Baltimore, habitués au terrain de 100 verges et aux séquences offensives de quatre essais, lire attentivement les dépliants informatifs distribués par les propriétaires de leur toute nouvelle équipe, pour connaître les particularités du foot canadien.

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C’est un défi de convaincre une population habituée à la crème de la crème, aux Johnny Unitas et autres grandes vedettes, d’accepter le compromis d’une « ligue B ». Pour les fans, c’est une ligue de niveau inférieur où se retrouvent leurs busts et leurs joueurs universitaires non repêchés.

Alors, pour faire en sorte que la foule soit présente dans les estrades, il faut leur offrir un très beau spectacle. Et sur ce plan, les Stallions sont à la hauteur. L’équipe se rend en finale de la coupe Grey en 1994, et s’incline seulement sur le tout dernier jeu du match.

Le public est conquis. Le stade est plein, 37 000 spectateurs par match en moyenne.

Mais la rumeur d’un retour de la NFL à Baltimore gronde déjà. La ville est réapparue sur le radar de la ligue américaine, elle est à nouveau considérée comme une option attrayante. C’est ainsi que, sans le savoir, en connaissant autant de succès, les Stallions contribuent à leur propre perte.

Tracy Ham et Mike Pringle, novembre 1995. (Presse Canadienne)

Mike Pringle, porteur de ballon qui a connu de glorieuses saisons avec les Alouettes de Montréal, fait partie de l’équipe inaugurale. « Quand je repense à nos deux années à Baltimore, se rappelle-t-il, j’aurais quasiment aimé qu’on connaisse moins de succès. Ça nous aurait permis de ne pas être dans les radars, et de rester plus longtemps à Baltimore, qui sait? »

La saison 1995 débute pourtant mal, avec deux défaites.

Pringle se souvient : « On était sur la route, une affaire de fou avec deux matchs en cinq soirs, quelque chose comme ça. On a perdu les deux matchs avant de revenir à la maison. On était en pleine pratique quand on a entendu des bruits dans le tunnel menant au terrain. En s’approchant, on a vu une trentaine de gars en équipement en train de s’échauffer! La direction nous envoyait un message clair, devenez meilleurs ou on vous remplace… »

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Les Stallions n’ont perdu aucun autre match cette saison-là.

Au début des éliminatoires de 1995, l’engouement pour la LCF à Baltimore est à son maximum. Le 4 novembre, les Stallions défont aisément les Blue Bombers de Winnipeg pour accéder au tour suivant. C’est deux jours après que le retour de la NFL à Baltimore est annoncé.

« On n’a pas porté attention du tout à ça, insiste Mike Pringle. On pensait au match suivant, tout simplement. On comprenait que c’était peut-être notre dernière chance de remporter la coupe Grey avec Baltimore, et on concentrait nos énergies là-dessus : donner une coupe Grey aux fans de Baltimore. »

C’est exactement ce qu’ils parviennent à faire. Le 19 novembre 1995, Mike Pringle et ses coéquipiers battent les Stampeders de Calgary. Une gang d’Américains vient de prouver que lorsqu’il est question de football, peu importe les règles imposées, peu importe la longueur du terrain et la température extérieure, ils vont remporter la partie.

Les Stallions n’ont jamais eu la chance de parader dans les rues de Baltimore à la suite de leur victoire. Mais elle a laissé des traces indélébiles, selon Mike Pringle : « On a séduit des fans, là-bas. Je connais un groupe de fans, des diehard, qui venaient nous voir à chaque entraînement. Ils sont encore des mordus de la LCF et assistent chaque année à la coupe Grey. Je pense qu’on a contribué à ramener une équipe de la NFL à Baltimore. Si on n’avait pas connu autant de succès, ç’aurait été plus long avant de voir les Ravens débarquer. »

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L’année suivante marque la fin de l’expérience américaine de la LCF. Les équipes ferment ou déménagent. Les Stallions sont transférés à Montréal le 2 février 1996, où ils deviennent les Alouettes.

Dans leurs archives, les Alouettes ne tiennent pas compte des victoires et statistiques de leurs prédécesseurs, et se considèrent comme une franchise distincte. Leur première coupe Grey est officiellement celle de 2000. Mais avec Mike Pringle en poste dans l’édition de 2000 des Alouettes, et avec Don Matthews à la barre de celle de 2002, il y a indéniablement un peu des Stallions dans leurs victoires.