FYI.

This story is over 5 years old.

société

Les hommes sont cadres dans des domaines traditionnellement féminins, bien sûr

On connaît le plafond de verre. Voici maintenant l’ascenseur de verre.
Illustration: Ashley Goodall

Stacey, une professeure au secondaire en Nouvelle-Zélande, a travaillé dans quatre écoles différentes. À chacune d'elles, elle a remarqué une constante : les hommes gravissent les échelons, et ce en dépit d'une vaste majorité de femmes parmi ses collègues. « Je n'ai pas remarqué de biais au niveau de l'enseignement en classe, dit-elle, mais ça devient évident quand on examine la hiérarchie d'une école, même si une femme est à sa direction. »

Publicité

Les données du ministère de l'Éducation confirment les observations de Stacey. Il y a autant d'hommes que de femmes au poste de directeur d'école même si 74 % du personnel enseignant sont des femmes.

Pour Stacey, un exemple frappe l'imaginaire : un professeur qui n'était pas apprécié de ses collègues a reçu une promotion en raison de ses années d'expérience; si elle ou les autres professeures avaient moins d'ancienneté, c'est qu'elles avaient eu des congés de maternité.

« Beaucoup de mes collègues professeures qui jonglent avec les responsabilités familiales et professionnelles n'ont pas de promotion parce qu'on estime qu'elles sont moins assidues, dit-elle. Je ne dis pas que les hommes n'ont pas de responsabilités, mais je pense qu'on devrait faire plus pour reconnaître les différents rôles des femmes. »

Si le plafond de verre désigne la limite à l'ascension des femmes dans la hiérarchie qu'impose la structure patriarcale au travail, l'ascenseur de verre, lui, illustre la rapidité et la facilité avec laquelle les hommes montent dans la hiérarchie.

C'est Christine Williams, sociologue de l'Université du Texas, qui a créé le terme. En 1995, elle s'est penchée sur les expériences des hommes dans des professions traditionnellement féminines : infirmière, professeure au primaire, bibliothécaire et travailleuse sociale. Les hommes, a-t-elle découvert, ont monté les échelons vers les postes de cadre à un rythme disproportionné par rapport aux femmes. En général, leur sous-représentation a joué en leur faveur.

Publicité

« Beaucoup des hommes voyaient un avantage à être un homme dans un milieu dominé par les femmes en matière d'embauche et de promotion,écrit la sociologue. J'ai demandé à un professeur de l'Arizona si l'enseignement au primaire était un milieu inhabituel pour un homme en comparaison à d'autres secteurs de l'éducation et il m'a répondu : "Oui, beaucoup. Je suis très commercialisable en éducation spécialisée. Ce n'est pas pour cette raison que je suis dans ce domaine, mais je suis extrêmement commercialisable parce que je suis un homme." »

Outre le fait d'être un homme, elle attribue ce phénomène à une variété de facteurs, dont l'impression stéréotypée que les hommes sont plus intelligents et ont plus de leadership. Par conséquent, ils ont des salaires plus élevés, même dans des domaines où ils sont en minorité.

Selon Rachel Mackintosh, vice-présidente du Council of Trade Unions de la Nouvelle-Zélande, l'équité salariale est au cœur du problème : les professions où les femmes sont en majorité payent moins bien que les professions dominées par les hommes parce qu'on accorde moins de valeur aux « professions de femmes » qu'aux « professions d'hommes ».

« Pensons à l'aide aux personnes âgées, dit-elle. La personne, en général une femme, peut devoir composer avec une personne souffrant de démence, peut-être même qu'elle est violente. Elle doit la transporter aux toilettes, la laver. Les responsabilités ne sont pas très différentes de celles d'un gardien de prison, par exemple, mais la différence de salaire est énorme. »

Publicité

Photo : Sean Locke sur Stocksy

Les salaires dans les domaines où les femmes sont majoritaires sont souvent faibles parce que la société juge que les femmes ont moins de valeur, selon elle. Ainsi, les hommes progressent plus vite s'ils choisissent ces domaines : la discrimination structurelle les avantage.

Alistair Duncan, porte-parole du syndicat E tū, qui représente 10 000 personnes dans des secteurs où les femmes sont majoritaires, comme le travail social, affirme que de mauvaises lois du travail et le manque de syndicalisation exacerbent le problème.

« Si l'on ne connaît pas le salaire de tout le monde, on ne sait pas combien on devrait gagner, dit-il. En plus, si un homme demande à être payé à sa juste valeur, on considère qu'il a de l'assurance, alors que dans le cas d'une femme, on juge qu'elle est prétentieuse. »

Elizabeth Tennet, PDG du Community Law Centre, pense que la solution au problème de l'ascenseur de verre serait de mettre en place des règles de promotion qui donnent des chances égales aux femmes. En ce moment, le système désavantage les femmes à cause du manque de transparence en ce qui a trait aux salaires, de l'absence d'indemnités pour s'occuper des enfants, du manque de compensation pour les congés de maternité ou de l'impossibilité de s'absenter pour prendre soin d'un proche malade, une responsabilité qui incombe souvent aux femmes.

Prendre congé pour soigner un proche est vu comme une interruption ou une nuisance dans le monde du travail, dit-elle. Par conséquent, des femmes obtiennent moins de promotions ou sont carrément poussées à démissionner. « Si elles prennent un long congé, elles doivent pratiquement repartir à zéro à leur retour sur le marché du travail. »

Cette impression que les femmes « abandonnent » se traduit par une ascension plus rapide pour les hommes sur le marché du travail dans la plupart des contextes, selon la PDG. Toutefois, ce n'est pas dans l'intérêt de la société, car les « femmes apportent une perspective différente pour les prises de décisions. Parce que la diversité représente mieux la société, ces décisions tendent à être plus profitables. »

La solution est simple, dit-elle. « Ceux qui ont le pouvoir de décider doivent être proactifs et favoriser les échanges à propos de l'égalité et l'équité des chances. Plus nous reconnaîtrons qu'il y a un problème, plus grandes seront nos chances de changer ces conceptions. »