La pop star hologramme Hatsune Miku fait encore déplacer les foules après 10 ans d'existence

FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

La pop star hologramme Hatsune Miku fait encore déplacer les foules après 10 ans d'existence

Et la diva n'a pas pris une ride.

Qui aurait cru qu'un jour un hologramme humanoïde à la voix synthétique saurait rassembler et faire vibrer une communauté de plusieurs millions de fans partout dans le monde. Considérée comme l'icône Vocaloid la plus populaire de tous les temps, la pop-star virtuelle Hatsune Miku 初音ミク vient de souffler ses dix bougies, mais, bizarrement, il semblerait que la diva soit restée scotchée sur son sweet sixteen.

Publicité

Du haut de ses 158 cm, la gamine aux très longues queues de cheval turquoise est devenue, en l'espace d'une décennie, l'un des produits incontournables de la culture pop contemporaine japonaise. Phénomène marketing inédit, l'attrait de cette idole en dit long sur la complexité d'une société nippone excentrique, à la fois fascinante et incomprise. Avouons qu'il n'est quand même pas si simple de comprendre comment l'hologramme d'une jeune chanteuse virtuelle épargnée par la puberté se démerde pour faire du gros sold-out dans des stades et des salles immenses. De même, comment expliquer pourquoi femmes, enfants et hommes de tous âges s'agglutinent par milliers à ses concerts pour agiter énergiquement des glowsticks \ (•◡•) / pendant 3 heures et chanter en cœur les titres phares d'une pop-star faite de 1 et de 0.

Pour ces millions de fans et d'otakus du monde entier qui iront même jusqu'à lui sociofinancer un sanctuaire, cette cyber-celebrity est, malgré elle, un personnage d'intérêt public. Au-delà de sa popularité qui dépasse les frontières physiques de l'archipel, Hatsune est également une influenceuse mode, lifestyle et musicale invétérée. Mais n'oublions pas qu'elle a été avant tout un simple personnage et accompagnement visuel pour l'une des premières voix offertes par le logiciel de synthèse vocale Vocaloid.

Un logiciel musical développé par Yamaha est à l'origine de la diva

C'est Yamaha, la multinationale experte en motos et motoneiges, mais aussi en matos musical, qui a développé Vocaloid. Ce logiciel de synthèse vocale permet à n'importe quel être humain doté d'un ordinateur de générer des chansons en tapant ses propres paroles et en les associant à une mélodie déposée sur un piano roll telle une pétale de rose. Bien évidemment, la J-Pop reste le genre le plus représenté, mais si le rap vous fait encore plus kiffer, libre à vous d'essayer de faire de la concurrence à T-Pain.

La magie opère cependant lorsqu'on utilise sa propre créativité, l'étendue de sa culture musicale, la puissance de son cerveau et, enfin, la tonne d'options et de configurations offertes par l'interface. Jouer avec l'intensité des prononciations, aiguës ou graves, timbre adulte ou enfant, ou balancer quelques vibratos pour donner un peu de dynamisme et de kawaï-itude, par exemple, sera la clé pour gratter un statut de gars respectable parmi la communauté geek Vocaloid. Celle-ci est très présente sur YouTube, sur les forums et wikis spécialisés et bien évidemment sur Reddit.

Publicité

À l'achat, le logiciel comprend une banque de voix (préenregistrées avec de vrais acteurs et chanteurs) qui diffère selon la version, et chaque box correspond à un personnage-icône ayant une apparence et une personnalité propre à sa voix. Par exemple, une édition ayant une banque vocale féminine sera forcément rattachée à un personnage féminin. Beaucoup de ces protagonistes resteront bloqués sur la plateforme et le parcours Vocaloid « classique », mais une poignée d'autres réussiront à atteindre un marché un peu plus large et lucratif. Hatsune Miku en est le plus bel exemple.

Du logiciel à la scène internationale et au marketing de masse

Offerte depuis la version VOCALOID2 (on en est à la 4e mise à jour maintenant) dans une box comprenant le logiciel et sa banque de voix, Hatsune s'affranchit finalement de l'identité visuelle, du packaging et de l'interface logicielle qui est habituellement réservée aux personnages de la Character Vocal Series de Crypton. Certes, le programme qui a permis à Miku de s'exprimer a été développé par Yamaha, mais elle doit son existence à Crypton Future Media, une compagnie japonaise experte en technologie musicale. Cette même compagnie a créé la diva en se servant du logiciel, en détient donc les droits d'exploitation et, dans la foulée, en fait un produit marketing foutrement rentable.

Rien à redire sur la stratégie déployée par Crypton : c'est presque trop facile. Le groupe inonde le marché du goodies de produits dérivés à l'effigie de Miku et l'entreprise se gratte des collaborations qui sentent bon le dollar notamment avec Google, SEGA et Toyota. Ajoutez à cela une quantité non négligeable de shows à guichets fermés à Berlin, L.A., Taipei, Hong Kong, Singapour, Tokyo, New York et Toronto, où Miku performe dans sa version holographique, mais également les quelques jeux sortis sur les consoles Sony et Nintendo, qui, même s'ils n'ont pas été à la hauteur des attentes (ils sont merdiques, en vrai), remettent une bonne couche de visibilité bien grasse.

Publicité

Hatsune Miku, Still Be Here © Image : LaTurbo Avedon, Crypton Future Media, Inc. 2007

Une communauté qui lui est dévouée corps et âme

Au-delà de l'énorme coup de pouce marketing que lui donne la compagnie qui l'a vu naître, la communauté de fans contribue également à la prospérité de Miku. La collaboration est un point primordial dans le processus, et l'aspect open source est d'ailleurs fortement encouragé par Crypton, qui, logiquement, a porté Miku sous licence Creative Commons en 2012. D'autres plateformes comme PIAPRO.jp offrent à la communauté la liberté de façonner l'idole à son image, et le succès est alors plus que garanti.

Ce sont plusieurs centaines de milliers de chansons et des millions de visuels créés, plus de 200 000 vidéos YouTube mises en ligne et un nombre assez important de forums alimentés chaque jour qui témoignent d'un engouement massif faisant vivre la pop-star en dehors de l'espace confiné de sa franchise. Parmi les collaborations célèbres, bien évidemment celle avec l'artiste avatar LaTurbo Avedon pour Still Be Here, un projet-performance présenté devant le public intransigeant du festival berlinois CTM-transmediale en 2016, n'a pas été dégueu.

On ne sait pas du tout où tout ça va s'arrêter, ni comment ça va évoluer, mais une chose est certaine, la communauté toujours aussi active n'a pas l'air de vouloir lâcher le morceau.

En attendant, si jamais vous voulez creuser un peu plus sur les idées « reçues » à propos de l'archipel nippon et avoir un regard un peu plus sociologique de la (pop-)culture japonaise (dont Hatsune est devenue une des ambassadrices), je vous conseille de jeter un coup d'œil à La fascination du Japon, un ouvrage rédigé par le chercheur, japonologue et universitaire français, Philippe Pelletier.

Benoît est secrètement fan de Hatsune Miku. Il est aussi présent sur les internets ici .