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Les adeptes du microdosage sont plus joyeux et créatifs, d’après une étude

On a parlé à un chercheur derrière l’une des premières études sur le microdosage.
Les adeptes du microdosage sont plus joyeux et créatifs, d’après une étude
Photo via Wikimedia commons.

Cet article a d'abord été publié sur VICE Canada.

Le microdosage n’est plus un sujet dont on entend parler au bureau par un dude qui a été à Burning Man une fois.

Au contraire, prendre de minuscules quantités de drogues psychédéliques pour augmenter ses capacités cérébrales a indéniablement la cote ces temps-ci. Le microdosage a été décrit par certains « leaders » de la Silicon Valley comme ayant amélioré leur productivité. Plusieurs livres ont vanté sa capacité à améliorer la vie des gens, comme A Really Good Day : How Microdosing Made a Mega Difference in My Mood, My Marriage, and My Life, ou encore Microdosing Psychedelics: A Practical Guide to Upgrade Your Life. La liste des blogues, youtubeurs et animateurs de podcasts (y compris Joe Rogan) qui traitent du sujet est sans fin.

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Le hic, c’est qu’outre ses adeptes, on ne connaît pas grand-chose du microdosage.

C’est ce qui a mené deux doctorants ontariens, Thomas Anderson et Rotem Petranker, à effectuer l’une des premières études sur le microdosage. Ce faisant, Anderson et Petranker ont constaté qu’il y avait du vrai dans les dires des amateurs du microdosage. Ceux qui pratiquaient le microdosage ont ainsi obtenu des résultats plus élevés dans des catégories comme la sagesse – qu’ils définissent comme la capacité « de considérer plusieurs perspectives, d’apprendre de ses erreurs, d’être en phase avec ses émotions et les gens et avoir un sentiment de connexion aux autres. » Leurs résultats étaient également plus bas pour des critères comme les attitudes dysfonctionnelles, définies comme étant des « croyances comme “la valeur de ma personne dépend grandement de l’opinion que les autres ont de moi”, ou “poser une question me fait paraître inférieur” », de même qu’une négativité émotionnelle plus basse.

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Thomas Anderson and Rotem Petranker. Photos fournies.

Le duo précise d’emblée que l’étude n’a pas prouvé qu’il y existait un lien causal, puisqu’ils ne savent pas « si le microdosage était effectivement la cause de ces différences » chez les sujets testés. Mais ils espèrent poursuivre leurs recherches, y compris en effectuant des tests en laboratoire.

Pour mieux comprendre l’étude, VICE a téléphoné à Petranker pour discuter des effets possibles du microdosage et des manières créatives d’utiliser des couteaux et des briques (on y reviendra).

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VICE : Salut Rotem. Pour commencer, qu’est-ce que le microdosage?
Rotem Petranker: Le microdosage consiste à consommer une quantité non perceptible d’une drogue psychédélique, ce qui a été décrit de plusieurs façons. Pour nous, une microdose se situe à 10 pour cent ou moins de ce qui est considéré comme une pleine dose de la drogue en question. On était particulièrement intéressés par la psilocybine et le LSD. Pour le LSD, une dose normale est de 100 à 200 microgrammes, alors notre plafond était à 20 microgrammes, tandis que pour les champignons magiques, c’est deux à trois grammes, alors notre limite était de 0,2 à 0,3 gramme.

Comment avez-vous effectué l’étude?
On a préparé un sondage et on l’a diffusé en ligne. On demandait aux gens de répondre sur une base volontaire, parce qu’on n’avait pas d’argent pour les payer. On s’est retrouvés avec 1390 réponses uniques. L’une des manières dont on avait diffusé le sondage était par le fil Reddit sur le microdosage, puis on a également utilisé d’autres subreddits, Twitter et Facebook.

Qu’avez-vous découvert grâce à l’étude?
Beaucoup de choses [rires]. Il y a un article qui a été accepté par Psychopharmacology, un deuxième article qui est en cours d’évaluation et un troisième article qu’on est en train de rédiger. Ce qui en est ressorti, c’est qu’il y a des adeptes du microdosage qui sont plus créatifs, ont un indice de sagesse plus élevé, sont plus ouverts d’esprit et ont moins d’attitudes dysfonctionnelles et d’émotions négatives. C’est une partie des résultats.

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On a également effectué une analyse plus qualitative. On a demandé aux gens quels étaient les trois principaux avantages et inconvénients du microdosage. Les trois principaux avantages étaient la créativité, l’amélioration de l’humeur et une meilleure concentration. Le plus grand inconvénient était de loin l’illégalité de la chose, ce qui n’est pas un inconvénient propre à la substance elle-même, mais qui en est un de politique publique. Les gens ont rapporté qu’ils avaient de la difficulté à trouver leurs doses parce qu’ils devaient se les procurer sur le marché noir, que les substances étaient différentes d’une fois à l’autre et que ça prenait du temps. Le deuxième inconvénient le plus répandu était l’inconfort physiologique (comme se sentir un peu malade ou avoir les pupilles dilatées).

Le troisième article est plus épidémiologique, alors il vise à comprendre la population en question. Comprendre leur statut socio-économique, s’ils ont plus ou moins de troubles mentaux, s’ils utilisent plus ou moins les substances, ce genre de choses.

Certaines personnes, comme moi d’ailleurs, peuvent avoir des préjugés envers les fans du microdosage et les voir comme des hippies ou des bros du domaine technologique ou quelque chose comme ça. Est-ce une conception erronée?
[Soupir] Si la présupposition est que la personne est hippie, alors oui. On a demandé aux gens ce qu’ils faisaient dans la vie et les réponses étaient très variées. Il y avait des programmeurs, des enseignants et des gens de tous les horizons. L’âge variait beaucoup également. Il y avait beaucoup de jeunes de 18 à 35 ans et beaucoup de personnes plus âgées.

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De manière générale, ça semble être le cas également. Les gens m’abordent beaucoup depuis que nous avons fait l’étude, et il y a parmi eux des agents immobiliers et des entraîneurs physiques. Il semble que n’importe qui peut s’y adonner.

Y a-t-il une grande communauté en ligne?
Tout à fait, du moins si on se fie à Reddit. Je pense que le subreddit a quadruplé dans les deux dernières années, alors la communauté grandit de manière exponentielle. Les gens qui pratiquent le microdosage ne savent pas toujours ce qu’ils font, et c’est une inquiétude que nous avons. Ils peuvent ignorer les risques potentiels ou ne pas savoir comment en tirer les bénéfices de manière optimale.

Je ne sais pas à quoi attribuer cette croissance, c’est peut-être juste une mode. C’est très populaire en ce moment, les gens ont commencé à s’y adonner à Silicon Valley et peut-être que les gens ont vu ça comme quelque chose de cool. Il y a aussi eu un livre sur le sujet. Je pense que c’est juste dans l’air du temps.

Quel est votre objectif en tant que chercheurs?
Je crois que ce domaine de recherche naissant fournit une excellente occasion de fixer la barre haute pour la recherche en général. Je ne crois pas que je serai le premier en quoi que ce soit, mais ce qu’on veut faire, c’est de démontrer combien il est important de bien effectuer la recherche et que ce n’est pas aussi difficile qu’on peut le croire.

Y a-t-il beaucoup de mauvaise recherche dans le domaine des drogues psychédéliques?
Oui. Ma crainte, c’est que la recherche sur les drogues psychédéliques prenne le même chemin que la recherche sur la pleine conscience. Les études sur la pleine conscience avaient beaucoup de problèmes du point de vue méthodologique. Elles étaient effectuées par des adeptes qui voulaient prouver que ça fonctionnait plutôt que vérifier si ça fonctionnait, et leurs méthodes n’étaient pas très bonnes. Je faisais de la recherche dans ce domaine-là auparavant, mais je suis arrivé un peu trop tard. Toutefois, il n’est peut-être pas trop tard pour les drogues psychédéliques.

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Dans l’article, vous mentionnez que les adeptes du microdosage ont trouvé des « utilités plus pratiques, inhabituelles et uniques » à une brique et un couteau que ceux que ne le pratiquaient pas. L’originalité de la question m’a étonné. Pourquoi poser une question comme celle-là?
On essayait d’obtenir une estimation quantitative à savoir s’il était vrai que les gens qui pratiquent le microdosage étaient plus créatifs, parce que c’était une chose que les gens affirmaient de manière générale. Les gens disent toujours qu’ils le font parce que ça augmente leur créativité, alors on voulait voir si c’était vrai. Ce qui se dégage de notre étude et d’une autre étude néerlandaise, c’est que le microdosage pourrait augmenter ce qu’on appelle la créativité divergente.

C’est une manière fascinante d’aborder la question de la créativité. Y a-t-il des réponses à la question de l’utilisation créative d’un couteau qui vous ont étonné?
Oui, comme je le mentionnais, je veux effectuer la recherche de manière scientifique et rigoureuse, je ne veux pas le faire à la légère. Alors certaines réponses qu’on a eues étaient : pelle, rideau de douche, faire des signes à un avion. Beaucoup de gens ont dit « tourne-vis ». Certaines personnes ont répondu de manière très précise : dessiner sur le plancher, outil de gravure, fausse moustache.

Que nous réserve l’avenir en matière de recherche sur le microdosage?
Je crois que pour la suite des choses, il pourrait s’agir d’effectuer une étude à double insu en laboratoire. On doit vérifier si ça fonctionne vraiment, parce que je soupçonne fortement qu’il y a d’autres variables en jeu. C’est là-dessus qu’on travaille actuellement.

Personnellement, je suis doctorant en psychologie clinique, alors j’espère que d’ici à ce que j’obtienne mon doctorat, il y aura suffisamment de preuves pour qu’il soit possible d’intégrer les drogues psychédéliques à la psychothérapie, parce que mon intuition me dit que c’est prometteur. Mais, au bout du compte, je suppose qu’on verra.

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