De « shopping addict » à minimaliste
Illustration par Mathieu Rouland 

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Dossier sobriété

De « shopping addict » à minimaliste

Les dettes sont payées et le ménage dure beaucoup moins longtemps.

Le minimalisme, ce n’est pas seulement vider ses placards et jeter ses coussins décoratifs, c’est aussi et surtout la volonté de remplir sa vie avec autre chose que des biens matériaux. Mais pour la plupart des adeptes du minimalisme, avant cette simplicité volontaire, il y avait une addiction à la consommation. Le réflexe d’acheter toujours plus et l’accumulation de dettes, c’est désormais du passé pour les deux minimalistes qui nous racontent leur parcours.

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« Aujourd’hui, j’ai un jean dans mon tiroir. Il y a deux ans, j’en avais plus de 20 », raconte Frédérique, 26 ans, étudiante en communication. « Je n’ai que 15 pièces de vêtements en tout, chaussures incluses. » Cette ancienne « shopping addict », comme elle se décrit elle-même, a eu besoin d’une année entière pour se défaire de plus de 4000 objets qu’elle avait achetés au fil des ans, et qui ne « servaient à rien ». « Et ce n’est pas une mode, explique-t-elle. Je déteste quand on me dit : “Tu fais ça parce que c’est à la mode”. L’idée de vivre avec le moins de choses possible, c’est vieux! »

C’est vrai que l’on peut retracer le minimalisme et le concept de « vie simple » à l’Antiquité. Et après tout, le personnage de Jésus était un adepte. Voici ce qu’il aurait dit à ses disciples, les « followers » de l’époque : « Il leur prescrivit […] de n'avoir ni pain, ni sac, ni monnaie dans la ceinture; de chausser des sandales, et de ne pas revêtir deux tuniques. » Bien avant Jésus, Bouddha prônait déjà le minimalisme, Diogène voulait vivre dans un tonneau de vin et, un peu plus tard, au XIXe siècle, l’auteur Henry David Thoreau s’est isolé dans une cabane dans les bois. Non, le minimalisme n’est donc pas une nouvelle mode.

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Reconstitution de la cabane dans laquelle Henry David Thoreau a vécu sur les berges de l’étang de Walden aux États-Unis. Photo: WikiCommons

Ce qui change, c’est qu’on peut désormais compter les nouveaux disciples du minimalisme, et ils sont nombreux. Plus de 13 millions de résultats pour le #minimalism sur Instagram, des millions de vues pour les youtubeurs minimalistes et des best-sellers comme l’ouvrage La magie du rangement de Marie Kondo.

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Au Québec, le blogue Vivre avec moins reçoit 100 000 visites par mois. Vicky, 25 ans, est la créatrice de ce site. Elle est devenue minimaliste le jour où elle a réalisé qu’elle avait 16 000 $ de dettes : « J'ai fait des recherches sur “comment rembourser ses dettes”, “comment économiser”, et je suis tombée sur des articles sur le minimalisme. Je ne connaissais pas ça à ce moment-là, et ç’a été une révélation. Du jour au lendemain, vraiment du jour au lendemain, j'ai changé mon mode de pensée. Je me suis mis à désencombrer, à réaliser tout l'argent superflu que j’avais dépensé dans des objets inutiles. »

Vicky aimait la mode, et son argent partait principalement en dépenses liées aux vêtements, chaussures et accessoires : « Je m’endettais en me disant : “Je suis encore jeune, lorsque je vais avoir une vraie job, j'aurai l'argent pour rembourser”. À l'époque, je travaillais moins de 20 heures semaine au salaire minimum, mais je m'endettais de 500 $ par mois. »

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La chambre de Vicky avant l'adoption de son mode de vie minimaliste.

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Vicky pouvait dépenser jusqu’à 200 $ par semaine en vêtements. « Je passais la majorité de mon temps à magasiner en ligne et dans les magasins. J’achetais énormément de choses inutiles. Des talons hauts que je ne portais jamais, beaucoup de décorations pour la maison… »

La dépendance de Frédérique était aussi liée à l’achat compulsif de vêtements. Elle dépensait en moyenne 500 $ par semaine pour s’acheter des chaussures et des sacs. « Dès que je voyais quelque chose dans une vitrine que j’aimais, j’achetais, quel que soit le prix, raconte-t-elle. Je croyais chaque année que j’allais être riche l’année d’après. Mais en fait, je me suis retrouvée avec 28 000 $ de dettes. »

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Lors d’un voyage en Italie il y a trois ans, Frédérique a loué l’appartement d’un adepte du minimalisme : un matelas sur le sol, une table, et rien sur les murs. Frédérique s’est immédiatement sentie chez elle. « Je m’étais rarement sentie aussi calme que chez ce gars. En rentrant, j’ai fait des sacs. Tu vois les plus gros sacs poubelles de 45 litres? J’ai dû donner au moins 30 sacs poubelles comme ça, remplis de vêtements. C’était vraiment bon, comme quand tu jettes enfin des poubelles qui puaient dans ta cuisine. J’ai donné mes affaires à mes copines, elles étaient vraiment contentes de mon changement de vie! J’essayais de leur dire : “Attendez, écoutez pourquoi je fais ça”, mais ça ne les a pas trop intéressées. »

Aujourd’hui, l’appartement de Frédérique ressemble à celui de son hôte italien, et elle regarde sans regret ses anciens vêtements portés par ses amies, qui ne sont toujours pas convaincues par son nouveau style de vie.

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Une fois que la dépendance est vaincue, les minimalistes doivent parfois tout de même faire face à leurs anciens démons. « Étant une ancienne surconsommatrice, il m’arrive quand même de ravoir ces pulsions, explique Vicky. Cette envie d'acheter plein de trucs. Mais ça m'arrive peut-être trois fois par année, au lieu de tous les jours comme avant. Donc, personnellement, je ne me sens pas encore 100 % libérée parce que j'aime beaucoup la mode et je la vois tous les jours. Donc même si maintenant je suis conscientisée et que je fais mes achats de manière réfléchie, il m'arrive de succomber. L'important c'est de s'en rendre compte et de comprendre comment c'est arrivé. »

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Sur la page Wikipédia consacrée au minimalisme, on peut lire : « Le minimalisme ou “vivre simplement” est à distinguer de vivre dans la pauvreté, car c'est un choix de vie volontaire. » Le fait que cette distinction ait été estimée nécessaire amuse Frédérique : « C’est vrai qu’en arrivant chez nous, certaines personnes pensent que je suis pauvre, parce que j’ai trois meubles et qu’il n’y a rien sur les murs. Il y en a qui me demandent si je viens d’emménager, ou parfois ils ont de la peine pour moi. Mais pourtant je n’ai jamais eu autant d’argent. J’ai remboursé mes dettes et réussi à mettre de côté presque 10 000 $ en trois ans. »

Même si elle parle d’une longue liste de bienfaits, comme la créativité dont on doit faire preuve, l’appréciation de ce qu’on a et le ménage qui dure beaucoup moins longtemps, les économies financières en sont le principal selon Vicky, qui organise minutieusement son budget. « Je n’ai plus de dettes, j’ai des économies maintenant! »

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Cette conséquence sur le porte-monnaie est certainement celle qui convaincra le plus de potentiels adeptes du minimalisme. En décembre, on apprenait que le paiement des dettes des Canadiens est au plus haut depuis dix ans.