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Culture

En visite chez David, le métalleux collectionneur

Mort et renaissance d’une colossale collection de t-shirts de métal
David Métras

Cet article fait partie de la série « Les vraies affaires ».

Le soir du 10 janvier dernier, David Métras a vécu le pire cauchemar d’un collectionneur. En service dans son ambulance à Saint-Jérôme, il a reçu un appel d’un ami qui lui a appris que sa maison, à Mont-Laurier, était en feu. Il ne pouvait rien faire d’autre que d’attendre que les flammes s’éteignent, et de voir un côté positif.

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« La première chose que j’ai dit, c’est : “Au moins j’ai réglé mon problème de souris!” » s’esclaffe-t-il.

La lueur rouge-orange qui flottait sur le lac devant sa maison semblait tout droit sortie du vidéoclip d’une chanson de death métal, mais la réalité était encore plus sombre. Ce soir- là, il a perdu sa colossale collection de t-shirts et de vinyles, l’incarnation de son obsession pour la musique; il avait fallu plus d’une décennie pour l’assembler et seulement quelques minutes pour la détruire.

« C’est juste weird, au début je savais pas quoi penser, dit-il. Je suis ambulancier et là, la Croix-Rouge se pointe pour m’aider — c’est dans le sens inverse. » Ce sentiment a fait place à l’anéantissement. Ce qui l’a aidé à sortir de l’enfer du collectionneur, ce sont les amis de la communauté du métal qui ont organisé des concerts à Québec, Trois Rivières et Montréal. Grâce aux contributions de groupes locaux de grindcore, ces spectacles ont permis de recueillir des milliers de dollars pour aider à alléger le poids financier et émotionnel de l’incendie, qui, a-t-il entre-temps appris, était d’origine électrique.

David Métras

Et la bonté ne s’est pas arrêtée là. En raison de son dévouement pour la musique — pour assembler sa collection, mais aussi pour organiser son festival, Earslaughter —, il était impensable pour les autres fans et artistes de ne pas donner un coup de main. Dans les semaines qui ont suivi, des groupes de grindcore du monde entier ont commencé à lui envoyer des t-shirts et des vinyles pour l’aider à reconstituer sa collection.

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Pour les non-initiés : le grindcore est un sous-genre de métal particulièrement agressif, souvent caractérisé par son côté punk hardcore avec penchant politique et par ses récurrents blast beats dans des chansons d’une trentaine de secondes. Si le grindcore peut sembler un coup de poing dans la face, sa communauté en revanche s’est montrée capable d’une générosité qui a surpris même David Métras.

« Quand le monde de la scène grind ont vu passer la nouvelle, ils ont tous eu une petite pincette au cœur disant : “Crisse, qu’est-ce que je fais si je perds tous mes vinyles, tous mes t-shirts.” J’ai reçu des boîtes de t-shirts par la poste de partout dans le monde, de l’Australie, la Pologne… »

David Métras

Comme beaucoup de jeunes Québécois, David a commencé par collectionner des cartes de hockey et il en a encore des boîtes pleines héritées de son père et de son grand-père. Mais il a pris une nouvelle direction quand il a commencé à assister à des spectacles de métal à l’adolescence. À ce moment, les t-shirts sont devenus un moyen de collectionner les expériences musicales.

« À tous les shows, c’est le passage obligé, je veux avoir un souvenir de chacun. C’est mon rituel, je fais la file pour acheter le t-shirt de la tournée. Un t-shirt de Metallica, tu vas trouver ça assez facilement, mais un t-shirt d’un groupe moins connu, qui fait moins de tournées, c’est rare et précieux. Ils impriment une quantité limitée, donc tu sais que tu es presque le seul à l’avoir. »

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David Métras

Pour lui, collectionner les t-shirts est aussi une façon concrète de soutenir les artistes d’une scène musicale qui font tout eux-mêmes et qui l’ont aussi soutenu. « On sait tous que les groupes font peu d’argent avec la vente de musique. Et les groupes moins connus ne peuvent pas charger 60 $ à la porte de leur concert, il faut qu’ils paient leur gaz et des affaires de même. Mais là où ils vont pouvoir faire de l’argent, c’est avec des t-shirts à 20 $, donc il faut les soutenir comme ça. »

Et bien que le budget continue d’être un aspect crucial de la vie de collectionneur, son but n’est pas d’ordre financier. « Je sais que ces affaires ont de la valeur, j’ai des t-shirts que je pourrais vendre à 200 $, mais c’est pas intéressant pour moi. Mettons que je suis mal pris et ma maison brûle encore, je pourrais pitcher des t-shirts par la fenêtre. Je sais qu’il y a de la valeur et qu’il y a toujours des acheteurs, mais je collectionne pas pour revendre, je collectionne parce que c’est ça qui me rend heureux. Ça va au-delà de juste collectionner. »

David Métras

En fin de compte, la nouvelle collection de David Métras n’est pas qu’une quantité d’objets : c’est un rappel qu’il fait partie d’une grande et altruiste communauté. « C’est ce qui m’a aidé traverser ce moment difficile, conclut-il. Passer au feu, c’était terrible, mais, en même temps, ça m’a permis d’ouvrir les yeux sur la scène grindcore et de voir à quel point les gens sont généreux. Ça me donne le goût d’acheter encore plus de t-shirts et d’encourager la scène encore plus. »

Cet article a été publié grâce au soutien de la Banque Nationale.