FYI.

This story is over 5 years old.

Sports

La femme qui a caché son identité pour être la première participante inscrite au marathon de Boston

Kathrine Switzer, 20 ans, a fait fi des règles pour courir le marathon, et un homme a tenté de l’en exclure physiquement.
Kathrine Switzer
Photo par Antony Matheus Linsen/Fairfax Media via Getty Images

Il y a un peu plus de 50 ans, on ne voyait pas de femmes dans les marathons. Pour les médecins, la course à pied était jugée dangereuse pour les femmes, rien de moins. On croyait des idées aussi bêtes que le risque pour elles de se masculiniser ou que leur utérus tombe.

Ces idées frustraient Kathrine Switzer, qui avait alors 20 ans, et ont fini par l’inciter à s’inscrire au marathon de Boston de 1967. Journaliste stagiaire et étudiante à l’Université de Syracuse, elle s’est inscrite sous le pseudonyme de K.V. Switzer afin d’éviter qu’on la refuse.

Publicité

Son histoire maintenant célèbre est documentée par des photos considérées aujourd’hui comme iconiques, illustrant la dynamique hommes-femmes plus que déséquilibrée de la fin des années 60. Un membre de l’organisation du marathon tente d’attraper Kathrine Switzer par derrière et de lui arracher son dossard après qu’on s’est rendu compte qu’elle était une femme.

Son chum, qui participait aussi au marathon, a poussé l’homme au sol pour qu’elle puisse continuer sa course.

1553540504803-GettyImages-591900346

Photo par Paul Connell/The Boston Globe via Getty Images

Dans un passage de son autobiographie, Marathon Woman , Kathrine Switzer écrit qu’elle ne se doutait pas de ce qu’allait représenter sa participation au marathon.

« Je n’ai jamais pensé que j’allais entrer dans cette histoire, raconte-t-elle. Je ne courais pas à Boston pour prouver quelque chose. J’étais juste une fille qui voulait courir son premier marathon. »

Le scepticisme au sujet de sa volonté de participer au marathon et la conviction que les femmes ne pouvaient pas et ne devaient pas courir découlaient du climat culturel des années 60, où les opinions misogynes régnaient et servaient de fondement pour décider de ce qui était mieux pour les femmes.

« Les membres de l’establishment sportif et médical avaient en horreur les femmes en général et Katherine Switzer en particulier, parce que, dans les années 60, ils croyaient fermement qu’elles étaient par nature inaptes à l’exercice physique intense, a expliqué à VICE Natalia Mehlman Petrzela, historienne et professeure à la New School de New York et animatrice du podcast Past Present.

Publicité

« La [communauté] médicale s’inquiétait du risque que l’exercice intense, comme la course de fond ou l’haltérophilie, soit un danger pour la fertilité de la femme. Ces idées se sont répandues parce qu’elles correspondaient à des inquiétudes culturelles. Les groupes militant en faveur du droit des femmes à l’exercice physique se mesuraient à l’idée que les sports développeraient les muscles et la compétitivité, qui passaient pour des traits masculins indésirables. »

1553542018518-GettyImages-637450930

Photo par S&G/PA Images via Getty Images

Empêcher les femmes de participer aux marathons, voire de courir, était une décision essentiellement patriarcale. Ceux qui ont établi les règles du sport et ont décidé qui pouvait y participer et qui ne le pouvait pas agissaient en conformité avec les normes sociales de l’époque.

« Il est important de savoir que les femmes n’ont pas été également exclues de tous les sports, a ajouté Natalia Mehlman Petrzela. La course de fond, à cause de son intensité, mais aussi parce que c’était un sport qu’elles pouvaient pratiquer seules dans les rues, était particulièrement jugée inappropriée pour les femmes. Mais dès le 19e siècle, le golf, la danse en groupe, le tennis sur gazon et la gymnastique ont été jugés appropriés. »

Pour plus d'articles comme celui-ci, inscrivez-vous à notre infolettre.

Kathrine Switzer n’était pas la première femme à participer au marathon de Boston. Roberta Gibb l’avait fait l’année précédente, mais sans s’être inscrite, plutôt qu’en donnant un pseudonyme. Cette ruse, bien qu’elle n’ait pas été illégale parce qu’aucune règle officielle ne stipulait que les femmes ne pouvaient pas participer, a été un point de bascule nécessaire qui a montré que les femmes étaient tout à fait capables de non seulement participer à une compétition sportive exigeante, mais aussi d’exceller.

Les femmes n’ont pas été officiellement autorisées à participer au marathon de Boston avant 1972. Auparavant, les femmes n’avaient pas le droit de participer à des courses de plus de 1500 mètres, ce qui réservait les marathons aux hommes. Mais dans les décennies depuis, elles ont massivement adopté la course de fond. D’après un rapport de Running USA publié en 2013, la proportion de femmes participant aux marathons est passée de seulement 11 % en 1980 à 42 % en 2012.

En 2007, dans un essai publié dans le New York Times , Kathrine Switzer a raconté son marathon de 1967. Elle a aussi écrit que l’attrait du marathon chez les femmes « a aidé à changer les opinions sur les capacités physiques des femmes et à redéfinir leur rôle économique », en plus « de donner du pouvoir aux femmes et hausser leur estime de soi, tout en valorisant le conditionnement physique accessible et abordable ».

Avant le marathon de Boston de 1967, Kathrine Switzer ne se préoccupait que d’être une participante officiellement inscrite et courir. Mais après les innombrables articles, entrevues et témoignages de reconnaissance qui ont suivi, entre le fil d’arrivée et aujourd’hui, sa participation est devenue un acte militant pavant la voie non seulement aux futures coureuses, mais aux femmes qui ont envie de montrer leur force sans complexe, dans tous les sports.

« Les femmes ont gagné le droit d’y participer, et elles le font avec une si grande puissance, qui inspire les autres », écrit-elle dans son essai. « Les femmes étaient qualifiées d’intruses et, 40 ans plus tard, elles sont acclamées comme des étoiles de ce sport. »