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Santé

Dix questions à un gars atteint du syndrome de la Tourette qui a été diagnostiqué à seulement 35 ans

Il a traversé plusieurs périodes difficiles et essayé plusieurs choses pour diminuer ses symptômes avant d’obtenir un diagnostic précis.
Photo via Unsplash

Comme plusieurs personnes, je ne connais pas grand-chose du syndrome de Gilles de la Tourette. J'ai toujours eu l'impression que c'était du monde qui répondait « ostie de câlisse de tabarnak de ciboire » quand tu lui demandes ce qu'il veut dans son hot-dog.

J'en ai discuté avec Jean-François*, 38 ans, père de famille et professeur d'arts plastiques au secondaire atteint de ce trouble trop peu compris, qui m'a raconté son histoire.

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VICE : Ça fait combien de temps que tu as reçu ton diagnostic?
Jean-François : Quand j'étais plus jeune, c'était assez méconnu. On disait que j'avais la « danse de saint Guy », entre autres. Mes parents me disaient : « Arrête donc de faire tes osties de tics. » Même les médecins appelaient ça des « tics nerveux ». J'ai eu mon diagnostic officiel à 35 ans. Je suis allé voir un psychiatre pour autre chose et en me regardant aller, il l'a su tout de suite.

Est-ce que tu te doutais que tu étais atteint de la Tourette en grandissant?
Quand ils ont commencé à en parler à la télé en présentant principalement les cas spectaculaires, le 1 % de ceux qui envoient chier le monde sans se contrôler, j'ai comme flashé que c'était peut-être ce que j'avais. J'ai fait quelques recherches là-dessus. J'ai commencé à enseigner à 29 ans et j'avais quelques élèves qui étaient atteints, alors en lisant leurs dossiers, j'ai flashé.

Quels sont les symptômes au juste?
Pour être diagnostiqué, ça prend des tics faciaux, des tics moteurs complexes – des enchaînements de mouvements –, ça prend au minimum un tic sonore – pas nécessairement des mots, ça peut être un reniflement ou un toussotement – et souvent des TOC – des troubles obsessifs compulsifs –, ce que j'avais aussi. J'étais all in. J'ai ben des tics dans la face : les yeux clignent pas en même temps, des tics avec mon nez et ma lèvre d'en haut, des tics de cou.

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Plus jeune, j'en avais des solides. Dans le rang en deuxième année, je sautais dans les airs en me tapant les talons sur le cul et en swingnant mes bras par en avant. J'ai subi beaucoup d'intimidation à cause de ça. En plus, j'étais gros. Je me tenais avec tous les paumés et les rejets. J'ai beaucoup de tics de nez, je tousse. Mon tic sonore, que peu de gens ont entendu parce que je le fais jamais devant le monde, c'est ça [bruit de petit chien sans cordes vocales qui jappe… genre]. Ma voisine d'à côté était certaine que j'avais un chien.

Là, tu viens de me faire le bruit volontairement, est-ce que ça te procure une certaine satisfaction?
Je suis bon pour un petit dix minutes après. T'sais, quand tu sens un éternuement qui s'en vient, tu vas pouvoir le réprimer un bout de temps, mais à un moment donné, tu n'as pas le choix d'éternuer. Je peux les accumuler, mais à un moment donné j'ai pas le choix, faut que ça sorte. Entre mes périodes, quand je suis tout seul dans ma classe, j'en envoie un méchant paquet. Pis quand je reviens en char après ma journée, j'ai une demi-heure à faire, pis là, ça y va aux toasts! Je me mets de la bonne muze et je déload. Je rase de faire un accident de char une fois par semaine à cause de mes tics.

Pourquoi as-tu attendu jusqu'à 35 ans avant de demander un diagnostic?
Avec internet, ça m'a permis de faire des recherches et de connect the dots. Pendant un moment, ça allait crissement mal et j'ai vu une psychologue. Mais elle ne pouvait pas me prescrire de médicaments, alors elle m'a référé à un psychiatre qui m'a mis sur la Quétiapine, juste pour me resizer un peu. Et c'est là, en jasant avec ce psychiatre, que j'ai eu le diagnostic.

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Sinon, est-ce que tu t'automédicamentais avant?
Avant, après, moi, légal pas légal, je suis un pothead. Quand je fume mon bat le soir, les tics diminuent de facilement 50 %. J'ai pas trop tripé sur la Quétiapine, j'étais en train de virer plus fou que je l'étais. Je n'avais plus de sentiments. J'avais la plus petite dose, mais c'était capoté, tu deviens comme un genre de robot. Tu te câlisses de tout. Au début, ça faisait du bien d'arrêter le hamster, pis, à un moment donné, tu deviens frette: pas de hauts, pas de bas. Alors, j'ai arrêté ça.

As-tu essayé d'autres médicaments, l'alcool ou d'autres drogues pour essayer de calmer les symptômes?
C'est une roue qui tourne, hein? Plus tu es stressé, plus les symptômes ressortent. J'ai essayé le crack même pour calmer mes symptômes à un moment donné. Je venais de me séparer et j'ai rencontré une fille, assez toxico, pas mal sur la poudre.

Qu'est-ce que ça a donné?
J'avais presque rien pris comme dope au secondaire. Je me considérais même straight edge. Au cégep, en arts, je prenais une tasse en tabarnak par contre. Je fumais un peu de weed. T'sais, tu fumes du weed et tu fais une toile de huit pieds. Ça fait bohème.

Mais là , à la première puff de freebase, la douleur physique s'est arrêtée quasiment instantanément. Parce qu'avec la Tourette, j'ai mal au dos, aux vertèbres, je suis tout le temps pogné. Pis juste avec une puff, par magie, tout a relâché. Je n'avais jamais ressenti ça. Plus aucune douleur. Le crack, ça dure vraiment pas longtemps. Tu as un peak, pis après ça drop, alors tu en fais non-stop pour que ça revienne. Je me sentais bien physiquement, mais ça n'a pas pris de temps, quelques mois seulement, que je n'avais plus une crisse de cenne et que j'étais en train de menacer ma mère avec une chaise de cuisine pour qu'elle me donne du cash.

Comment as-tu fait pour arrêter?
J'étais conscient que c'était de la marde. Je me suis pogné une job dans un domaine que j'aimais, ma blonde et moi, on s'est dit qu'on se plaçait, qu'on arrêtait ça. À 26 ans, j'ai eu un kid. À 29 ans, je suis devenu prof d'arts plastiques au secondaire. Dans le fond, pendant deux, trois ans, tout ce que j'avais pas fait au secondaire, en étant straight edge, je l'ai fait.

Est-ce qu'il y a des avantages, tu penses, à avoir ce genre de syndrome?
On dit que les gens atteints de la Tourette sont très intelligents, avec une grande capacité d'analyse, parce que souvent on revire chaque situation de tous les côtés possibles en analysant tout. Par contre, ça fait aussi des bons candidats pour toutes les théories de conspirations. Aussi, je déconstruis toujours les mots dans ma tête, alors je trouve toujours des jeux de mots. J'essaye de me contenir, mais des fois j'en pousse un petit sur Facebook. Au niveau de l'empathie, ça m'aide. Je travaille avec des élèves qui ont ce genre de trouble, alors ils tripent souvent sur mon cas. Je suis très open et négociant avec les kids. J'ai un côté très empathique envers les gens qui ont des difficultés. Je pense que c'est le plus grand avantage.

* Prénom fictif utilisé pour protéger l'anonymat de la personne interviewée.