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Entrevue avec l'étudiant canadien qui risque 8 ans de prison en Hongrie

Arrêté dans une manifestation à Budapest, Adrien Beauduin comparaîtra prochainement devant la justice hongroise.
Adrien Beauduin

Adrien Beauduin a été arrêté lors d’une manifestation à Budapest mercredi. Ce Belgo-Canadien de 32 ans, étudiant dans la capitale hongroise, participait à un rassemblement devant le Parlement pour soutenir les travailleurs hongrois. La manifestation avait lieu après le vote d’une modification du Code du travail qui permet aux employeurs d’exiger jusqu’à quatre cents heures supplémentaires annuelles à leurs salariés. Les syndicats et l’opposition au gouvernement du premier ministre Viktor Orbán qualifient le texte d’« esclavagiste ». Adrien est sorti de prison ce matin, il attend de connaître la date de son procès.

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VICE : Comment te sens-tu?
Adrien Beauduin : Ça fait du bien d’être sorti de prison, j’ai retrouvé mes amis, j’ai pu parler à ma famille. Et je suis en train de revoir les vidéos [de la manifestation], parce qu’on essaie désespérément de trouver le moment exact de mon arrestation. Puisque, malheureusement, comme c’est le cas dans beaucoup de pays, la parole d’un policier a toujours priorité sur celle des autres, donc j’ai vraiment peur que, si on ne trouve pas de vidéo de mon arrestation, je doive retourner en prison.

De quoi es-tu accusé?
Je suis accusé de violences en réunion contre un représentant de l’ordre. En fait, on est cinq à avoir été arrêtés plus ou moins au même moment, quand la police a chargé, mais on ne se connaît pas du tout. Ce sont des gens que je n’avais même pas particulièrement remarqués pendant la manifestation. Il était tard, presque minuit, et il y avait déjà moins de gens sur la place, peut-être un millier seulement. Un peu plus tôt, il y avait eu beaucoup de tension, beaucoup de poivre, de matraquage. Disons que ce n’était pas super violent, mais on s’est pris quelques coups dans les reins quand ça a chauffé vers 22, 23 heures.

Vers minuit, des gens ont mis le feu à un traîneau qui faisait partie des décorations de Noël sur la place. Moi, je n’ai pas vraiment porté attention à ça et je me suis rapproché d’un groupe de personnes qui faisait face au mur de la police. Je m'apprêtais à rentrer à la maison et, au moment où j’étais juste à côté d’un groupe qui faisait face à la police, c’est là que la police a chargé. J’ai lu plus tard que, selon la police, ils voulaient éteindre le feu et on était dans leur chemin. Donc on est accusés de les avoir attaqués.

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Quand ils ont chargé, je me suis retrouvé projeté vers le feu, il y avait des gens qui tombaient, c’était assez épeurant. Je me suis retrouvé derrière la ligne de la police, je suis tombé à terre et deux policiers m’ont littéralement ramassé, emmené plus loin et arrêté.

Adrien Beauduin Budapest

Adrien Beauduin, à droite, avec une tuque noire, lors d’une manifestation à Budapest

Que s’est-il passé ensuite?
On a été emmenés à un poste de police en périphérie de la ville. On était debout pendant trois heures, puis on ne pouvait pas aller à la toilette. Après, ils nous ont tous fait faire des tests d’urine, pour voir si on avait bu ou pris de la drogue.

Pendant la nuit de mercredi à jeudi, un interprète est venu, c’était plus facile parce que mon niveau de hongrois est plutôt élémentaire. Et le lendemain matin, c’est là que j’ai découvert… J’étais très surpris d’être accusé d’un crime aussi sérieux. Non seulement d’attaquer un policier, mais en plus de l’avoir fait en groupe. Heureusement, mes amis ont contacté une bonne avocate spécialiste dans la défense des libertés civiles.

Après ma déclaration, j’ai rejoint les quatre autres dans une cellule chez le procureur. J’ai pu faire connaissance avec eux. Ce sont tous des jeunes Hongrois, pas des gens spécialement très politisés, mais des gens qui sont complètement tannés de travailler 60, 70 heures semaine pour 700, 800 piasses par mois.

Qu’est-ce que tu risques?
Pour le crime dont je suis accusé, ça va de deux à huit ans de prison. J’espère vraiment qu’on va trouver une vidéo de mon arrestation. Avec mes amis, on passe au peigne fin toutes les vidéos, tous les live. Heureusement, il y a déjà beaucoup de vidéos qui montrent que j’étais pas agressif envers la police. Mais c’est sûr que je suis un peu pessimiste quant à l’indépendance de la justice, je ne sais pas s'ils voudront faire un exemple de moi. Je suis conscient qu’il y a un peu de politique dans tout ça. En tous cas, ils m’ont traité très correctement pendant tout le processus.

As-tu eu des contacts avec le gouvernement belge ou canadien?
Oui, je dois remercier l’ambassade canadienne qui a été très présente, l’ambassade belge suivait aussi. J’ai eu la visite des autorités consulaires canadiennes ce matin. Ils étaient là en soirée pour m’accompagner, donc je suis reconnaissant.

Quelles sont les prochaines étapes pour toi?
J’ai vraiment la chance de compter sur mes amis. Ils sont venus m’apporter tellement de bouffe, mais j’étais tellement nerveux que j’ai presque rien mangé! Quand, la deuxième journée, ils m’ont emmené en prison de garde à vue, j’étais seul dans une chambre pour deux. Ça a ses bons et ses mauvais côtés. C’est sûr qu’on se repasse le film de la soirée et on se demande : est-ce que j’aurais vraiment fait ça? Mais je n’avais rien bu, je n‘avais pas pris de drogue, donc je suis sûr que je n’ai pas attaqué de policier.

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