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Culture

Love coach : « au plus fort de #metoo, j’ai perdu 50 % de mes clients »

Alors que le harcèlement de rue sera bientôt puni par la loi en France, que sont devenus les experts en séduction ?
Photo : Bertrand Guay / AFP

À l’heure de #metoo et de #balancetonporc, la drague de rue n’a plus bonne presse. Pour Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, un certain nombre de ce que l’on a longtemps appelé les « dragueurs lourds » se rendent coupables d’outrage sexiste – et pourront bientôt être sanctionnés pour cela. Une bonne nouvelle pour les associations féministes, qui demandent depuis de nombreuses années que soit officiellement opérée une distinction entre l’inoffensive « mademoiselle, vous êtes charmante » et l’insupportable « allez, fais pas ta connasse, donne-moi ton numéro ! ». Mais que pensent de ce projet de loi ceux qui ont fait de la drague de rue un business florissant ? Ces love coachs et autres experts en séduction qui jouent, depuis de longues années, sur l’ambiguïté entre le fait de courtiser une inconnue et… le harcèlement pur et simple. Tous ont encaissé, d’une façon ou d’une autre, la vague #metoo – et chacun a trouvé sa propre parade.

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Ceux qui n’ont rien lâché…

Clément Rodriguez, 30 ans, coach en séduction à Bordeaux, est droit dans ses bottes : « Depuis le début de cette polémique, j’ai continué à faire des coachings de rue. Et cela n’a posé aucun problème ». Une conséquence, assure-t-il, de sa méthode personnelle : « Moi, j’apprends aux hommes à aller vers les femmes de manière courtoise », tient-il à préciser. Avant d’ajouter : « certains de mes élèves ont montré une pointe d’inquiétude, bien sûr. Mais c’est avant tout une question de conditionnement de l’esprit - si on se dit qu’on va harceler les meufs qu’on aborde, évidemment, on se met des barrières ! ». Bref, à croire que rien ne s’est passé depuis plusieurs mois dans la société française… Pour cet ancien conseiller clientèle, qui a quitté son job en 2012 pour se consacrer au coaching, si la drague de rue à « une sale image », c’est avant tout la faute de certains hommes qui ne savent pas s’y prendre. « Le truc, c’est que la majorité de ceux qui abordent les femmes dans la rue est malpolie, et incapable d’encaisser un refus ». Pas faux, mais là où Clément Rodriguez va trop loin, c’est quand il prétend que les raisons sont sociales : « Je ne fais aucun racisme, mais c’est un problème d’éducation. Généralement, ce sont des mecs qui viennent d’un milieu défavorisé qui se comportent mal ». Porter un costume serait donc un gage de bonnes manières ? Une fin de soirée dans les quartiers chics suffit pourtant à se convaincre du contraire…

Même aplomb du côté de Patrick Harris, 47 ans et « premier coach en séduction de France » - c’est lui qui le dit. Professionnel du genre depuis 25 ans, il est l’auteur de trois livres, de deux scénarios de films et assure être passé « 21 fois à la télévision ». Un palmarès qui le conforte dans le bien-fondé de sa démarche : pourquoi changer une méthode qui a fait ses preuves ? Accent du Sud-ouest, à mi-chemin entre premier et second degré, il explique la clé de méthode. « Pour que la rencontre se passe bien, il est nécessaire que le séducteur n’apparaisse pas comme un dragueur manifeste. Pour ça, il doit d’abord se renseigner. Par exemple, si tu es dans la rue, tu demandes à la femme convoitée : « où est la rue Mallarmé ? », puis « y a-t-il bien une FNAC dans cette rue ? », après tu enchaînes : « Vous avez l’air de bien connaître le quartier, j’aimerais acheter un appartement ici. Pouvez-vous me dire s’il y a des choses sympas dans ce quartier ? » Là, la femme ne se sent pas du tout agressée. Et ensuite, tu peux prendre son numéro avec un truc comme : « quand j’aurai acheté l’appart, je ferais une crémaillère avec des copains, ça vous dit de venir ? » Avec ma méthode la fille ne sait même pas qu’elle est en train d’être draguée, alors harcelée… ». Clairement, on est au bord de la manipulation et ça fait froid dans le dos.

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Ceux qui se sont adaptés…

C’est le cas de Kamal Jahid, responsable du site seductionbykamal.com, qui, en 2014, est devenu la bête noire des associations féministes. Il faut dire que l’homme avait publié sur son site un article intitulé « Comment bien baiser ? » qui relevait franchement de l’incitation au viol. L’auteur – qui n’était pas Kamal lui-même, mais un contributeur régulier de son site – conseillait notamment : « Ne lui demandez pas si vous pouvez la pénétrer comme un animal, faites-le ! ». Depuis, #metoo oblige, Kamal a calmé le jeu – nettoyant son site de ce genre de propos : « La polémique m’a conforté dans une idée que j’avais déjà avant », tient-il à faire savoir. Avant d’ajouter : « Notre site a fait une transition de « fort esprit de conquête » à « esprit de collaboration entre hommes et femmes ». Par exemple, si je parle plus lifestyle aujourd’hui, c’est pour que mes clients se concentrent sur la création d’une vie riche. Et qu’ils ne ressentent pas le besoin d’aller draguer dans la rue ».

Nicolas Dolteau a, lui aussi, opéré une transition manifeste. En 2010, il s’était fait connaître par ses caméras cachées, diffusées sur YouTube, où on le voyait ramasser à la pelle des numéros de téléphone de femmes abordées dans les rues de Paris. 100 000 abonnés plus tard, en décembre dernier, le coach en séduction de 33 ans a révélé sa véritable identité : Yann Piette est, dans la vie, consultant en informatique. Une information glissée en pleine vague #metoo. « Une simple coïncidence », assure-t-il. Et comme le hasard fait bien les choses, sa nouvelle chaîne YouTube délaisse la séduction pure et dure pour s’orienter vers… le développement personnel. « Je le faisais depuis longtemps déjà avec mes clients. Finalement, accroître ses capacités de séduction est utile dans d’autres domaines – quand on cherche un boulot, qu’on veut monter sa boîte, apprendre à s’exprimer en public… ».

Ceux qui ont failli tout perdre…

Mike, 29 ans, administrateur du site dragueurdeparis.com, a toujours continué de travailler comme chef de projet, en parallèle de son activité de coach. Un choix judicieux car la « pression médiatique » née de #metoo, aurait pu lui faire mettre la clé sous la porte : « Il y a trois ou quatre mois, quand l’affaire battait son plein, il y a eu un gros impact en termes de clients. Les hommes, guidés par ce qu’ils lisaient sur internet ou voyaient dans les médias, ont moins contacté les coachs en séduction. Concrètement, j’ai perdu 50 % de mes clients, à ce moment-là. Maintenant, ils reviennent ». Passé les mois d’inquiétude, Mike a retrouvé confiance en l’avenir de son business : « Il y aura toujours des hommes timides qui auront besoin de coachs pour approcher les femmes ».