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Culture

Un festival DIY pour donner une voix aux minorités

Le Ritz P.D.B. était paré de ses plus beaux apparats avec des brillants, des ampoules rouges et son papier iridescent jeudi soir dernier pour l’ouverture du Festival Slut Island.

Comme le nom de l'événement l'évoque, il n'y a aucune tolérance pour le slut-shaming ou le body-shaming. On prône l'ouverture d'esprit à travers l'art. Parce que, même si ça semble aller de soi, ces principes sur lesquels le festival s'est fondé sont encore tellement loin d'être acquis. Il y a entre autres des concerts, de l'art visuel, des DJ.

Par exemple, l'artiste et libre-penseuse avant-gardiste J. Ellise Barbara présentait Black Space samedi. Elle a créé un groupe composé uniquement de musiciens noirs pour normaliser leur présence sur la scène indie, mais en allant au-delà de perspective racialisée. Ensemble, ils s'inspirent de différentes époques et de divers styles musicaux comme le funk des années 80 et l'underground des années 70 pour en arriver à un heureux mélange pop-funk-no wave.

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Autre exemple, TRANSmission, qui se tiendra le 27 juillet, est une « performance, comédie musicale, projet de vie » qui s'inspire de la vie et du point de vue de l'artiste trans Candi. Elle aborde les questions de genre, d'identité et des réalités sexuelles à travers la musique, la vidéo et la performance, alors que l'on suit sa transition de genre masculin à féminin. Le Taking What We Need Comedy Night (TWWN), qui se tiendra à la soirée de clôture du festival, le dimanche 30 juillet, vise à amasser des fonds pour les femmes trans à faible revenu.

Le festival est né il y a quatre ans grâce à l'initiative de deux jeunes artistes de Montréal, Frankie Teardrop et Samantha Garritano. Depuis, sa mission est de laisser toute la place aux artistes opprimés d'une manière ou d'une autre : les femmes, les queers, les gais, les transgenres, les personnes racisées et les personnes sans genre. Bref, ceux et celles qui vivent dans l'ombre de cette scène majoritairement occupée par des hommes blancs. Mais il y a une nuance : le but, ce n'est pas de prendre la place des artistes blancs et cisgenres, mais plutôt de créer plus de diversité et que tout le monde puisse y trouver sa place.

VICE s'est entretenu avec des membres de deux groupes qui ont joué jeudi à la soirée de lancement : Luna Li et Wake Island.

Hannah, la chanteuse du groupe torontois Luna Li, a remercié le festival d'offrir aux minorités la possibilité de se faire entendre dans un événement safe space. Le groupe composé de filles, à l'exception du batteur, s'est souvent senti discriminé du simple fait qu'elles soient des filles dans un univers majoritairement masculin.

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Comment dirais-tu que tu te sens oppressée en tant qu'artiste?
Hannah (Luna Li) : Je trouve que les gens ont tendance à assumer que je suis simplement la chanteuse, que je ne suis pas nécessairement musicienne et que je ne connais rien aux instruments.

Qu'est-ce qui t'a motivée à participer à ce festival?
Je pense que c'est surtout le fait de dire spécifiquement : ceci est un festival sécuritaire. Aucun jugement, aucune violence, ni aucune discrimination ne seront tolérés.

Sens-tu que les minorités sont consciemment exclues ou sous-représentées sur la scène musicale?
Les gens sont de plus en plus conscients de l'importance de booker des artistes diversifiés et je pense que des festivals comme Slut Island participent à cette conscientisation. Je crois que les festivals « réguliers » devraient être plus diversifiés, sans qu'on soit obligés de spécifier que c'est la direction politique du festival d'inclure les minorités. Ça devrait être naturel.

Que penses-tu du mandat que s'est donné le festival en proposant une programmation diversifiée et non genrée?
La meilleure façon de sensibiliser les gens est d'approcher la situation avec calme et d'éduquer à travers l'art pour qu'un jour justement les organisateurs de festivals ou d'événements soient tout simplement plus consciencieux.

Pour ce qui est de Wake Island, le background est un peu différent, mais les motivations à vouloir participer au festival demeurent : soutenir le mandat du festival et faire partie du mouvement. Le groupe électronique montréalais se compose de deux Libanais d'origine, Nadim Maghzal et Philippe Manasseh, qui vivent à Montréal depuis 15 ans. Ils se sont rencontrés à McGill et ont commencé à faire de la musique ensemble.

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VICE: Avez-vous déjà été victime de discrimination en tant qu'artiste?
Nadim Maghzal (Wake Island) : Je pense que ce serait malhonnête de dire ça et d'attribuer la faute aux autres. Le sentiment que nous avons souvent ressenti, c'est ce sentiment d' outsider, comme si on n'appartenait pas à 100 % à cette culture dans laquelle on baignait pourtant.

Philippe Manasseh : Il faut dire que les milieux dans lesquels on était plongés étaient particulièrement uniformes, donc ça renforce le sentiment d'être différent. Ce qu'on a ressenti pendant longtemps aussi, c'était que les gens avaient de la difficulté à s'identifier à nous.

Pourquoi avez-vous voulu participer à Slut Isand?
Philippe : La raison pour laquelle nous voulions participer à ce festival spécifiquement, c'est qu'il cherche à représenter toutes sortes de minorités, surtout les minorités invisibles. Techniquement parlant, on fait partie de deux groupes de minorités. Nous sommes des Arabes immigrants et je suis moi-même homosexuel. Je ne me suis jamais plaint de mon statut d'immigrant, même si on a souvent l'impression qu'il faut travailler deux fois plus fort que tout le monde pour arriver au même résultat. Aujourd'hui, je le vois comme un atout. On travaille dur et ça paye au bout de la ligne. Je ne l'ai jamais vu comme un désavantage. On tenait à participer au festival parce que c'est un bel événement et la mission est louable, mais nous n'essayons pas de mettre l'accent sur le fait que nous soyons immigrants ou homosexuels.

Quelle différence voyez-vous dans le mandat que s'est donné Slut Island par rapport à un festival ordinaire par exemple?
Philippe : Je trouve qu'en général, tant pour Slut Island que tous les événements consacrés à cette communauté, il y a une grande attention qui est portée au concept de « safer space » et à ce sentiment d'inclusion. Combien de fois est-ce qu'on a vu un sound guy venir nous poser des questions techniques parce qu'il assumait que la fille qui était là était simplement une amie alors qu'en réalité, c'était une artiste. Ils ne font pas ça consciemment, mais c'est la preuve que le problème est profond.

Comment sentez-vous que votre présence à Slut Island fait une différence?
Philippe : Personnellement, j'ai beaucoup souffert d'avoir été homosexuel au Liban, mais en même temps c'est ce qui fait ma force aujourd'hui. Je pense que c'est important d'être visible sur une scène comme ce soir, avec une voix forte. Et je pense que c'est ce que le public recherche. Parce qu'il ne faut surtout pas associer minorités à quelque chose de faible.

Nadim : On essaie de faire partie d'un mouvement. Un mouvement qui essaie de diversifier les scènes pour que la plateforme soit accessible à tout le monde. Un mouvement qui fait que les artistes qui viennent d'ailleurs et qui ont vécu quelque chose de complètement différent aient l'opportunité de pouvoir s'exprimer aussi.
La musique électronique est un médium intéressant aussi parce que c'est un genre de musique qui est naturellement plus inclusif.