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Music

La présence de substances dangereuses dans la drogue inquiète les festivaliers

Plus de 4600 personnes ont participé à notre sondage à propos des drogues et de la réduction des méfaits dans les festivals de musique.
EO
illustrations Emma O'Neill

En avril, nous avons mené un sondage pour en savoir plus sur l'expérience des festivaliers avec la drogue et les services de réduction des méfaits. Sur plus de 4600 participants de tout le pays, 66,3 % s'inquiètent des substances dangereuses que la drogue qu'ils vont consommer pourrait contenir et 81,3 % demandent plus de services d'analyses des substances sur les sites des festivals. Comme la crise des opioïdes ne montre aucun signe de ralentissement en 2017, les leçons à en tirer semblent d'une importance vitale.

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« Il y a un immense risque que 20, 50, 100 personnes meurent dans des festivals cette année », dit Donald MacPherson, directeur général de la Coalition canadienne des politiques sur les drogues. « On espère que ça n'arrivera pas, mais le fentanyl a changé la donne en ce qui concerne la toxicité des drogues qu'on trouve sur le marché. »

Bien que le contrôle des substances dans les festivals soit dans une zone juridique grise et que la communauté scientifique reste divisée au sujet de la fiabilité des antidotes, nos résultats montrent que la demande pour ces services dans les festivals est forte. Voici les données les plus importances recueillies grâce au sondage. Nous continuerons à suivre les efforts de réduction des méfaits dans les mois à venir et vous présenterons plus tard un reportage sur ce que font les festivals cet été pour réduire le risque de surdoses.

Toutes les illustrations : Emma O'Neill

Les quatre provinces les plus représentées dans le sondage ont été (dans l'ordre) l'Ontario, la Colombie-Britannique, l'Alberta et le Québec – qui sont aussi les plus populeuses. Parmi les participants, un peu moins de 60 % étaient des femmes et plus de 63 % avaient entre 18 et 24 ans.

Il est important de noter que les personnes qui ont déjà pris de la drogue dans un festival sont plus enclines à répondre à un sondage sur ce sujet que les autres. Parmi les quelques participants qui ont dit n'en avoir jamais pris, 43,7 % ont répondu « oui » ou « peut-être » quand on leur a demandé s'ils pourraient en consommer dans un festival cet été.

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Selon une étude de Santé Canada rapportée par Global News, parmi les drogues analysées dans la rue en 2016, on a constaté une augmentation de 43 % de la présence de fentanyl dans les échantillons testés par rapport à l'année précédente. Sur les 2503 échantillons que des agences de sécurité publique ont soumis à Santé Canada, les drogues dans lesquelles on a trouvé le plus souvent du fentanyl ont été dans l'ordre l'héroïne, le 4-anilino-N-phenethylpiperidine (une substance intermédiaire dans la synthèse du fentanyl), la cocaïne et la méthamphétamine.

Parmi les participants, seulement 21,7 % ont dit qu'ils pourraient acheter d'un revendeur qu'ils ne connaissent pas – une donnée qui montre que la sensibilisation aux dangers que représentent les substances contaminées fonctionne, selon Julie-Soleil Meeson, la directrice de l'organisme québécois de prévention de la toxicomanie Elixir, qui travaille aussi avec le groupe de réduction des méfaits sans but lucratif GRIP Montréal. « J'aurais été surprise il y a cinq ans, mais je suis contente de voir qu'ils sont préoccupés. Ça confirme qu'ils ont peur de leurs drogues. »

Les autres substances que les participants consomment le plus sont la cocaïne, les champignons, le GHB, les drogues psychoactives (MDA, MXE, 2C), les benzodiazépines (Xanax, Ativan, Klonopin), la codéine et l'oxycodone (OxyContin, Percocet).

Près de 2500 Canadiens sont décédés d'une surdose d'opioïdes en 2016 selon l'Agence de la santé publique du Canada. Pourtant, ces résultats donnent à penser que très peu de festivaliers prennent de l'héroïne et du fentanyl (0,7 et 0,8 % respectivement). Par ailleurs, quand des participants disent prendre de l'héroïne dans les festivals, Julie-Soleil Meeson mentionne qu'il est possible que ce soit à des fins médicales, plutôt que récréatives, par exemple pour traiter une dépendance.

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30% NE SONT PAS À L'AISE DE CONSULTER LES SERVICES MÉDICAUX EN CAS DE MAUVAISE RÉACTION À UNE SUBSTANCE

Même si les visites à la tente des services médicaux peuvent sauver des vies en cas de mauvaise réaction à une substance, il semble que beaucoup hésitent encore à s'y rendre, peut-être par crainte de conséquences juridiques. Mais en mai, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, qui accorde l'immunité contre des accusations de possession simple à ceux qui appellent les secours pour eux-mêmes ou une autre personne en cas de surdose. « Ça aide beaucoup, dit Julie-Soleil Meeson. Les gens sont plus à l'aise d'aller voir l'équipe médicale s'ils savent qu'ils ne seront pas jugés. »

Parmi les autres pratiques de réduction des méfaits des festivaliers, il y a : ne pas consommer seul, ne consommer que de petites doses, ne pas mélanger les substances, se reposer dans les tentes prévues à cet effet et faire analyser la drogue quand ce service est offert.

5,2 % APPORTENT UNE TROUSSE DE NALOXONE AUX FESTIVALS

La naloxone (aussi connue sous le nom commercial de Narcan) se fixe aux mêmes sites récepteurs du cerveau que l'héroïne et d'autres opioïdes, puis les bloque pendant de 30 à 60 minutes pour renverser les effets d'une surdose, dont la suffocation. Au Canada, on peut se procurer une trousse auprès d'organismes communautaires et de services locaux de santé publique, sans ordonnance. Elles sont gratuites dans plusieurs provinces. Bien que tous les experts ne s'entendent pas sur son efficacité, le gouvernement a mis en place des programmes pour les faire connaître et on en trouve désormais dans un nombre croissant de lieux de concert.

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En très grande majorité, les participants ont affirmé qu'ils profiteraient des services d'analyse des substances dans les festivals s'il y en avait. Parmi les autres suggestions pour améliorer leur expérience dans les festivals, il y a les « boîtes d'amnistie » (des boîtes à l'entrée du site dans lesquelles on se débarrasse de la drogue de façon anonyme), des zones désignées pour la consommation, des bouteilles d'eau gratuites et des stations de remplissage, et une sécurité moins agressive avec des effectifs qui respectent l'égalité des sexes.

Bien que GRIP Montréal et d'autres organismes continuent de faire pression sur les festivals pour qu'ils offrent le service d'analyse des substances, il n'y a pour l'instant aucune loi provinciale ou fédérale qui l'exige. Les tribunaux canadiens n'ont pas encore décidé si les employés ou bénévoles qui offriraient ces services pourraient être tenus responsables d'avoir aidé ou encouragé la possession de drogues illicites. D'ailleurs, par précaution, le personnel de la plupart des organismes qui offrent le service ne touche pas aux substances.

« Nous devons créer un contexte dans lequel [les festivals] font preuve de négligence criminelle s'ils n'offrent pas ce service. En ce moment, c'est le contraire : ils font preuve de négligence criminelle s'ils les offrent parce qu'on juge qu'ils « encouragent » à consommer de la drogue », dit Donald MacPherson. Il devrait y avoir des services de base que tous les festivals seraient tenus de mettre en place [pour obtenir un permis], au même titre que les toilettes, l'eau ou la nourriture. »

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