Avec Sara, la militante de 17 ans qui veut changer le monde
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Avec Sara, la militante de 17 ans qui veut changer le monde

Sara Montpetit aimerait qu’on comprenne la panique que ressentent les jeunes face à l’avenir de la planète.

Même si elle est à l’origine des marches pour le climat des élèves du secondaire, Sara Montpetit, 17 ans, n’aime pas que les projecteurs soient braqués uniquement sur elle. Au cours de nos conversations, elle insiste souvent sur le fait qu’elle n’est plus la seule à organiser la mobilisation qui porte le nom « Pour le futur Montréal » : « Pour moi, ce mouvement-là, c’est pas juste une fille de mon âge, ça représente tous les jeunes, donc je voudrais que tout le monde prenne parole, dit-elle. » L’ego, très peu pour elle. Ce qui intéresse cette élève de secondaire 5 à l'école Robert-Gravel, c’est de faire passer le message d’urgence au pouvoir en place : il faut agir contre le réchauffement climatique. Elle y consacre désormais la majeure partie de son temps libre.

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Vendredi, à 12 h 30, Sara arrive au coin du parc Jeanne-Mance avec son amie Simone, le mégaphone en bandoulière et une immense banderole « POUR LE FUTUR » enroulée dans les bras. Le rendez-vous est à 13 heures, elles sont seules pour le moment, mais motivées et souriantes, « l’adrénaline de l’avant-manif fait son effet », dit Simone.

Tout a commencé au début de l’année scolaire. En septembre, Sara traînait dans un parc avec ses amis, et un d’entre eux a posé la question suivante : « Vous voulez avoir des enfants plus tard? » « Tout le monde a répondu non très rapidement, comme s'ils connaissaient la réponse depuis longtemps, raconte Sara. Moi, un peu naïvement, j’ai demandé pourquoi, et la réponse était : “Je veux pas que mon enfant naisse sur une Terre malade.” Cette réponse m’a trotté dans la tête pendant longtemps, je me suis dit que c’était injuste qu’à 16, 17 ans, on sache déjà qu’on veut pas d’enfants. Ça a créé une sorte de colère à l’intérieur de moi. Après ça, je suis devenue végane, j’ai essayé de faire des initiatives personnelles, mais c’était pas assez. Fallait quelque chose de gros. »

Quelque temps plus tard, Sara est tombée sur le discours de Greta Thunberg à la COP24 (la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques), et elle a décidé d’organiser des grèves et des marches chaque vendredi, comme Greta devant le parlement suédois.

« La première marche, j’étais stressée, dit Sara. J’ai toujours peur qu’il y ait que deux personnes qui arrivent, mais ça n’arrive pas, donc ça va. » Ils sont en effet plusieurs centaines à avoir rejoint la marche qu’elle organise chaque vendredi depuis trois semaines.

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Un représentant de la police vient à sa rencontre pour lui demander de confirmer son itinéraire et les détails de la manifestation : « Bravo pour ton travail et ton engagement, c’est beau, la jeunesse qui se bouge! dit-il. On est là pour assurer votre sécurité. On va vous donner la rue pour que vous puissiez faire valoir votre droit de manifester. »

Sara donne l’impression d’avoir fait cela depuis toujours. Elle discute avec l’agent de police de l’organisation de la marche et le remercie poliment. Un peu plus tard, avant le départ de la marche, elle s’adressera à la foule avec son mégaphone : « La police est ici pour notre sécurité, alors ne les cherchez pas, si vous voyez ce que je veux dire. » Les élèves rient. Ils voient parfaitement ce qu’elle veut dire.

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Avant le départ, Sara est assaillie par les demandes d’entrevue de journalistes qui se pressent pour lui donner des directions : « Regarde la caméra! Fais l’entrevue en anglais! Il faut qu’on te parle maintenant, Sara! »

Là encore, Sara fait preuve d’un grand calme et prend le temps de répondre à chaque demande. « Parfois, les journalistes sont un peu intenses, et je ne suis pas une professionnelle, donc mes entrevues ne sont pas toujours bonnes, explique-t-elle. Mais c’est important et positif que l’on parle du mouvement. »

Elle donne ses dernières indications à la foule dans le mégaphone : « Faut éviter de former des groupes différents, faut vraiment rester collés, et surtout, criez, chantez et bougez! »

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La marche s’élance, et les élèves scandent les slogans désormais classiques que Sara crie dans le micro du mégaphone : « Crions, plus fort, pour que personne ne nous ignore! », « Du changement maintenant », « À qui le futur? À nous le futur! » et le favori de la foule « Plus chauds, plus chauds, plus chauds que le climat! »

« Ça demande beaucoup d’énergie, reconnaît Sara. Faut crier, essayer de garder l’énergie, surveiller que les gens restent derrière la banderole. J’essaie de créer des nouveaux slogans le plus possible, parce qu’à un moment donné, les gens s’épuisent à chanter la même chose. Parfois, on manque un peu de coordination sur les chants, on chante des choses différentes, mais on y travaille », ajoute-t-elle en riant.

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Pendant la marche, les élèves font signe aux voitures qui roulent de l’autre côté de la rue : « Faites du bruit pour la planète! » leur crient-ils. Les voitures répondent en klaxonnant, et la foule crie de plus belle.

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« Après la manif, beaucoup de gens viennent me dire “Bravo Sara, c’est à cause de toi que tout le monde est là.” Je suis fière, mais je ne ressens pas cette fierté de “c’est moi”. Je me sens comme une des personnes, qui marche et qui s’en va après. La seule chose, c’est que, pendant deux heures, je suis entourée de centaines de personnes, et là, tout d’un coup, je suis seule ou avec une seule amie, donc ça fait bizarre. Y a un moment de down et ma voix est souvent cassée. »

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Lorsque Sara a créé le groupe Pour le futur Montréal, les premiers commentaires étaient très critiques. Certains accusaient les membres du mouvement de participer dans l’unique but de manquer des cours, d’autres lui reprochaient de chercher uniquement de l’attention, mais Sara ne s’est pas découragée. De plus en plus d’écoles s’engagent à rejoindre les marches que le groupe organise, jusqu’à la manifestation du 15 mars, organisée par La Planète s'invite à l'université, qui devrait rassembler un minimum de 45 000 étudiants, élèves et associations environnementales.

« Même si je me retrouvais à être seule, je continuerai à me battre, explique Sara. Mais je ne pense pas que je vais finir seule. Beaucoup de gens sont sceptiques, mais c’est ça le but du mouvement, c’est provoquer des réactions fortes. On doit créer de la panique, parce que l’état de la planète ne nous laisse plus le choix. »

Marie Boule est sur Twitter.