Assèchement lac d'Ourmia
Photos : Ebrahim Noroozi

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Le dernier souffle du lac d'Ourmia

Il était autrefois le plus grand lac salé du Moyen-Orient. Aujourd’hui, il est sur le point de disparaître complètement.
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
KM
propos rapportés par Kieran Morris

Le photographe iranien Ebrahim Noroozi a fait carrière en capturant l'invisible dans son pays. Vainqueur à trois reprises du prix World Press Photo of the Year, il n'a pas peur d’aborder des sujets sombres, lourds et troublants, tels que le spectacle des exécutions publiques ou l'impact résiduel d'une violence familiale extrême. Bien que ces travaux se concentrent sur l’immédiat et le visible, Noroozi nous présente maintenant l’une de ses plus belles – mais non moins tragiques – séries : The Lake on its Last Legs (« Le lac à bout de souffle »).

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Autrefois le plus grand lac salé du Moyen-Orient, l’eau du lac d'Ourmia s’est évaporée à un rythme effarant au cours des deux dernières décennies. En raison du réchauffement climatique, il n’a conservé que 10 % de sa capacité de 1995 et il s’agit de l'une des pires catastrophes écologiques sur le continent à ce jour.

« Je sens qu’il est de mon devoir d’exposer les terribles choses qui se produisent entre les mains des humains » – Ebrahim Noroozi

Dans les images de Noroozi, cependant, la tragédie n’est pas soulignée : au lieu de cela, l’accent est mis sur la joie, la beauté, la luminosité et l’horizon illimité qui place le déclin d’Ourmia dans un autre monde. L’histoire de la récession du lac est connue, voire légendaire – Leonardo DiCaprio en a même fait une cause environnementale célèbre – mais Noroozi relate l’expérience humaine et la façon dont, malgré des forces impossibles à contrôler, nous pouvons chérir ce que nous avons tant qu’il en est encore temps.

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Ses images montrent des visiteurs s’amusant dans le lac, même s’il succombe aux ravages du réchauffement climatique – ce qui ne fait que souligner la valeur de ce qui se perd. Ici, Noroozi nous explique comment est née la série, d’où elle puise son inspiration et le message qu’il a cherché à transmettre en documentant le déclin du lac.

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Mon objectif en réalisant cette série n’était pas de montrer la beauté, même si elle apparaît malgré moi. Le lac est très beau, c’est indéniable, en particulier lorsque l’eau vire au rouge pendant la saison chaude. C’est une histoire humaine, sur les humains et l’humanité, et sur les dommages que nous, humains, causons à la nature. Ce lac est en train de changer, sans doute pour de bon. Il est détruit sous nos yeux. C’est une tragédie que je me devais de capturer.

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Le lac d'Ourmia était autrefois une destination privilégiée pour les touristes et les bateaux : aujourd’hui, on peut le traverser entièrement à pied. Des bateaux ont été abandonnés sur le lit du lac asséché. Des îlots de sel émergent et grossissent d’année en année. Rares sont les gens qui évoquent le désastre environnemental auquel nous sommes confrontés en Iran, et ce désastre est en grande partie de notre fabrication. Nous avons pratiqué une agriculture excessive, nous avons bloqué les ruisseaux et les eaux qui alimentaient le lac, et nous avons tous joué un rôle dans le changement de température qui assèche aujourd’hui le lac. Seulement voilà, tout le monde s’en moque.

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Mais plus que tout autre chose, c’est l’humanité qui est au cœur de mon travail, peu importe ce que je suis amené à photographier. Un peu comme le lac, l’humanité elle-même est abîmée et nécrosée par des actions inconsidérées. C’est la raison pour laquelle je prends des photos, parce que je sens qu’il est de mon devoir d’exposer les terribles choses qui se produisent entre les mains des humains. Dans cette série, les personnes photographiées ne manifestent ni insensibilité ni souffrance, au lieu de quoi elles tentent de saisir chaque instant du lac d'Ourmia afin d’en conserver le souvenir qui lui survivra. Reste qu’ils sont en partie responsables de sa mort prochaine – tout comme moi – et cela, ils ne doivent jamais l’oublier.

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