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Musique

Face à Femminielli, vous n’êtes que des insectes

Agressé par des femmes-vampires et interdit de concert par Godspeed, le Montréalais survolté ne lâche pas pour autant, comme le prouve son excellent nouvel album « Plaisirs Américains »

Femminielli fait son chemin. Personnage ultra-charismatique à la prestance intemporelle, il navigue tranquillement entre la scène expérimentale de Montréal (qui bénéficie d'un passeur de choix à Paris : l'étiquette MIND Records) et ses envies d'ouverture à un public bobo qui découvre Moroder sur Spotify. Plaisirs américains, son nouvel album, pourrait être la bande sonore d'un Emmanuelle réalisée par Brian de Palma. Si on dit souvent des mauvais disques qu'il faut les « vivre en direct » (traduction : c'est atrocement mauvais), son dernier-né donne vraiment envie d'enfiler la veste à franges et de danser comme si demain n'existait pas.

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Tu as parlé de musique avec lui?
Il n'écoute pas de musique. Y a même pas de stéréo chez lui. Il vit dans la maison qui appartenait à Charlie Chaplin. Il y a toujours quelqu'un dans la maison, mais l'ambiance est super glauque. On dirait que c'est un lieu hanté. Il y a une part d'ironie dans ton projet ou tu l'envisages au premier degré?
Je raconte une histoire. Tu peux sentir un peu le second degré à certains endroits. En concert, les deux vont de pair. Il y a de l'exagération dans le personnage que j'incarne, mais tout ce que je rapporte dans mes morceaux a été vu ou vécu. On te présente souvent comme un performer.
Oui, c'est mon terrain de jeu, la scène. J'y trouve des nouveaux concepts, en général. Avec cet album je pensais pas mal au cabaret Dada. Je cherche aussi à connecter avec le public au maximum. Là, tu as le cul entre deux chaises : musique expérimentale et rock plus conventionnel, non?
J'aime bien séduire les gens. Cet album est plus élégant, je pense. Je veux qu'il y ait une logique entre mes projets. J'aime bien les concepts, mes albums sont très conceptuels. Mais ce qui m'influence beaucoup, c'est l'accueil des albums, la façon dont les gens les reçoivent. Là, c'est dur de savoir. Si ça marche bien, peut-être que ça m'encouragera à aller vers quelque chose de plus pop. Ton album m'a fait penser à une époque où la sexualité était évoquée dans la musique alors qu'elle était taboue et peu présente dans la société, comme chez Bowie ou Kiss par exemple. Aujourd'hui, la situation n'est plus la même. C'est une composante importante de ta musique?
La sexualité dans la musique est intemporelle. Ça m'a marqué dès le plus jeune âge, c'est très viscéral chez moi. Ces textes sont des fantasmes, inspirés de choses que j'ai vues, mais aussi des choses que j'ai voulu vivre et des situations que j'ai provoquées, des incidents. Tu es attiré par la transgression et les situations extrêmes?
Oh oui, clairement. Si j'avais plus d'argent, je ferai un truc extrême. Je vois la musique que je fais comme un film, mais j'ai pas assez d'argent pour en réaliser un. Sortir un disque, c'est la façon la plus cheap que j'ai trouvée pour exprimer ma vision. Quels films t'ont marqué?
Beaucoup de films de Fassbinder, Le droit du plus fort. Des films italiens aussi, de Ferreri par exemple. Les films de Paul Verhoeven aussi. Ce que j'aime chez lui, c'est que je m'identifie à ses personnages. Ce sont des antihéros qui se cassent la gueule. Ces héros sont toujours un peu machos et un peu cons. Ils n'ont pas de complexité. C'est ce que je recherche, moi. Une image qui résume un peu ce dont on parle, c'est celle de Gainsbourg. C'est quelqu'un qui t'a marqué?
Bien sûr. Ce que j'aime chez lui, c'est qu'il s'est cassé la gueule du début à la fin. On l'invitait à la télé pour se saouler et dire des conneries. C'est pas beau, mais en même temps j'admire cette tragédie. C'est une grosse crise d'ego. Mais je ne pense pas que j'irai jusque là. Je suis très autodestructeur, je pète souvent les plombs et ça m'arrive souvent de me mettre tout le monde à dos. Mais c'est pas quelque chose que je recherche, c'est quelque chose que je suis déjà. Ta musique a déjà provoqué des réactions extrêmes en direct?
J'ai souvent eu des problèmes, oui. À Montréal, pendant un show de Femminielli Noir, j'ai jeté un pied de micro dans la foule et je me suis fait bannir de toutes les salles de la ville. Toute la scène autour de Godspeed, qui possède plein de salles, a décidé que je devais être interdit partout. J'ai même reçu des menaces. Les gens de DFA voulaient qu'on ouvre pour Factory Floor. Et eux ont passé des coups de fil anonymes pour dire qu'on faisait mal aux gens. Mais les gars de DFA ont dit : « Fuck it, on aime ce qu'ils font, on les veut. » Ce sont juste des débiles, ces gars-là. Vous avez fait le concert quand même?
Oui, c'était super. Il y avait Essaie pas, aussi. Mais c'est drôle, car il y a quand même quelqu'un qui a saigné pendant le concert. Quelqu'un a tiré mon micro, qui a volé, et ça a pété son piercing et le gars pissait le sang. [Rires] Les gens s'amusent à mes shows. Mais lors de mon dernier show à Varsovie, ç'a été un peu trop intense par contre. Le public n'était constitué que de filles vampires qui essayaient de m'embrasser en me frappant et en me touchant la bite. Pendant ce temps-là, ma copine filmait le concert : elle pétait les plombs, mais elle a continué, car elle se rendait compte que ça devenait une performance à part entière. Un anarchiste a volé mes drapeaux américains sans réfléchir à la signification de mon truc. Ils ont pété tout mon matos. J'ai détesté ce concert-là. Mais on a tout filmé, j'ai pas regardé encore, mais je vais le mettre sur YouTube. Et si les gens ne réagissent pas, ça te déplaît?
J'ai appris à m'en foutre. C'est pour ça que je crée une scène avec des objets. Ça me donne une inspiration et une sorte de force poétique. C'est dur d'être frontman et de regarder le public dans les yeux tout le temps. Je pense que là, j'ai trouvé une bonne direction.