Climate Change Noisey
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environnement

Il n’y a pas de solution facile pour l’industrie de la musique contre les changements climatiques

Qu’est-ce que les chanteurs, rappeurs et groupes de musique peuvent faire pour davantage contribuer à éviter une catastrophe mondiale?
Ryan Bassil
London, GB

Les fées, les monstres, les colonies sur Mars… quelles que soient les fantaisies auxquelles on croit, elles n’auront plus la moindre importance quand l’humanité va commencer à rôtir — ce qui se produira plus tôt qu’on le pense. Les scientifiques disent que nous avons un peu plus d’une décennie pour nous prendre en main. Une dizaine d’années avant que la Terre commence à se changer en immense fournaise, où il y aura de moins en moins de récoltes et de plus en plus de pauvreté.

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Jusqu’à maintenant, il était relativement facile de jouer à l’autruche. Un chef de gouvernement allait certainement un jour régler les problèmes environnementaux dont on nous a parlé à l’école, mais qu’on était trop jeunes pour bien mesurer. Mais non, on n’a pas vu grand-chose, outre quelques engagements dans l’accord de Paris sur le climat en 2015, que rien n’oblige à respecter (et que Donald Trump a renié). Mais maintenant, on ne peut plus ignorer les signes : les canicules, les feux de forêt, le tsunami en Indonésie — ce que l’on appelle la nouvelle réalité. Et la quasi-totalité des scientifiques nous disent ça regarde mal.

En général, quand le monde se dirige vers une catastrophe, l’art réagit puissamment. Woodstock avec ses nombreux groupes qui ont protesté contre la guerre. Miriam Makeba contre l’apartheid en Afrique du Sud. Les chansons pour la paix, les chansons contre les présidents. Par contre, pour ce qui est des changements climatiques, les musiciens ont été relativement silencieux. Il n’y a pas de grande chanson, pas de personnalité qui sort du lot — sauf si l'on compte Bono ou Chris Martin, dont la pompe combinée est peut-être la raison pour laquelle personne d'autre n’ose. Et, pour être juste envers les artistes, les changements climatiques ont été un sujet si ennuyeux dans les dernières années qu’il n’est pas si étonnant que ces deux noms-là soient les seuls qui viennent à l’esprit. Alors, que peuvent faire les artistes, maintenant qu’on sait que la vie risque réellement de s'éteindre?

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La première chose, c’est d’en parler, en entrevue, dans les médias sociaux, dans les chansons. Bien sûr, grâce à Bono et à l’homme qui a fait un « découplage conscient » de Gwyneth Paltrow, on sait que ces efforts peuvent sembler excessifs ou moralisateurs. La BBC a traité de ce sujet en 2015 dans un article intitulé Où sont toutes les chansons sur les changements climatiques? dans lequel on dresse la liste des chansons sur le sujet, de Big Yellow Taxi de Joni Mitchell à Love To The Earth de Paul McCartney, une chanson approuvée par l’ONU, avec Sean Paul, Sheryl Crowe, Leona Lewis, Fergie et d’autres. C’était il y a trois ans. Et maintenant? Bien qu’il soit naïf de croire que les artistes seront un jour enchantés d’écrire des chansons sur les changements climatiques, il y a urgence d’agir.

Grimes est une musicienne qui a choisi de foncer tête première. Interviewée par le Washington Post, elle a annoncé que son prochain album, qui sera son cinquième, sera entièrement consacré à un même thème : « la déesse anthropomorphe des changements climatiques ». En pratique, si c’est un appel à passer à l’action pour préserver l’environnement, il se peut que ce ne soit pas absolument clair, mais au moins elle parle de l’enjeu. Même chose pour Foals, qui parle de l’état du monde dans son plus récent album, Everything Not Saved Will Be Lost Part 1. En entrevue avec VICE à propos du thème de l’album, le chanteur du groupe, Yannis Phillipakis, a dit : « Ce qui me fait peur en ce moment, c’est ce qui te fait peur, non? La population d’abeilles qui chute, la destruction de l’environnement, l’effondrement de la biodiversité, la flottille de plastique de la taille de la France dans l’océan Pacifique. »

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D’un côté, c’est bien de voir des musiciens comme eux parler de cet enjeu, surtout que ces deux artistes ont une assez grande renommée dans leur genre respectif. De l’autre, comme les précédentes années l’ont prouvé, parler ne suffit pas : Bjork a commencé à encourager les gens (et les gouvernements) à porter attention aux changements climatiques, bien avant Grimes et Foals. En 2011, elle a fait paraître Biophilia, ce qui veut dire « amour de la vie, de la nature », et en 2017, Utopia, un titre qui se passe d’explication. Ses chansons ne parlent pas littéralement des changements climatiques, mais elles sont inspirées par le respect de la planète. C’est peut-être une façon de composer des chansons pour l’environnement sans être moralisateur.

Toutefois, il y a plus que les albums. Quels sont les moyens concrets que peuvent prendre les musiciens pour contribuer à limiter les changements climatiques? Si l’on commence par les mêmes choses que les non-musiciens peuvent faire pour réduire leur empreinte écologique, il y a la base : bannir les pailles de plastiques, remplacer les ampoules par celles qui consomment moins d’énergie, louer une fourgonnette électrique pour les tournées, tous les moyens qu’on nous encourage à prendre depuis quelques années et qui commencent à aller de soi. Ensuite, la part la plus importante du fardeau pour limiter les changements climatiques repose sur les épaules des plus gros dans la chaîne alimentaire. Très vite, on se rend compte que la responsabilisation des promoteurs, propriétaires de salles de spectacle et autres nécessite des investissements de gouvernements et de multinationales.

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Par exemple, est-il possible pour les propriétaires de salles de réduire leur empreinte écologique, en bannissant les verres et pailles de plastique ou, plus radicalement, en s’alimentant seulement en énergie renouvelable? Il n’est pas simple de tout transformer. Mais, par exemple, le Village Underground dans East London y est parvenu, et se décrit maintenant comme un « projet écologique ».

Évidemment, il y a les tournées, et donc le problème du transport. Non seulement les groupes qui font des tournées mondiales prennent l’avion d’une ville à l’autre, mais leurs tonnes d’équipement les suivent partout à travers le monde. Comment fait-on? Il n’y a pas de solution facile. On ne peut pas demander aux groupes de cesser de faire des tournées : les copies de CD, le téléchargement illégal et le streaming ont successivement fait chuter leurs revenus de vente de musique. Les tournées sont donc devenues vitales. Les artistes qui ont élargi leur circuit ne vont pas se déplacer en jets privés électriques, alors qu’ils cherchent des moyens de gagner assez pour poursuivre leur carrière. De toute façon, les fabricants d’avions n’ont pas trouvé une batterie qui serait assez légère mais suffisamment puissante pour qu’un avion électrique puisse la transporter. Et les experts ne croient pas qu’on pourra en concevoir pour les vols long-courriers. La compagnie américaine Wright Electric dit être en train de développer un avion électrique, mais pour des vols de moins de deux heures. Et la compagnie elle-même ne pense pas que ces avions seront en service bientôt.

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L’amateur de musique moyen se dit peut-être que la responsabilité de faire des changements incombe aux artistes. Mais s’ils cessaient de prendre l’avion, les promoteurs et les propriétaires de salles de spectacles devraient accepter les tournées au ralenti sur la route, avec des dates de concert éloignées les unes des autres. Et les groupes les plus populaires devraient cesser de faire le tour du monde en jet privé, comme U2 avec un avion aux couleurs du groupe (et vous pensiez que Bono se préoccupait du monde?).

Mais pourquoi est-ce que ce serait leur responsabilité, plutôt que celle des politiciens? Les politiques gouvernementales pour lutter contre les changements climatiques échouent ou ne sont adoptées que pour la forme. Et le président américain, lui, a choisi une direction tellement différente qu’elle est en fait à l’inverse des autres, en ignorant les changements climatiques, une décision condamnée par les climatologues. Les puissantes compagnies de l’industrie du pétrole, BP, Shell ou ExxonMobil, dépensent des millions de dollars en lobbying pour pousser les gouvernements à bloquer les politiques qui leur sont défavorables.

Les actions concrètes sont partout des échecs, qu’il s’agisse du gouvernement à une grande échelle ou l’aviation et l’industrie de l’énergie à l’échelle planétaire. Bien sûr, on aimerait que de plus en plus d’artistes, chanteurs, rappeurs et groupes de musique, luttent contre les changements climatiques, s’ils sentent qu’ils peuvent le faire avec authenticité. On a déjà vu que l’art pouvait sensibiliser, alors, en en parlant, ils peuvent effectivement contribuer. Pas en composant des chansons qui parlent de sauver le monde ou les arbres, juste en abordant cet enjeu. Sinon, il ne reste qu’à attendre que le monde surchauffe.

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