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Crime

L’associé de la mafia assassiné cette semaine avait survécu à plusieurs tentatives de meurtre

Tony Magi, victime du premier homicide de l’année à Montréal, a mené une vie dangereuse, même au regard du crime organisé montréalais.
L’associé de la mafia assassiné cette semaine avait survécu à plusieurs tentatives de meurtre

L'article original a été publié sur VICE Canada.

La première victime de meurtre de l’année à Montréal est un promoteur immobilier notoire, Tony Magi, impliqué jusqu’au cou dans le monde interlope.

On rapporte que l’homme dans la fin de la cinquantaine a été atteint par balle « au moins une fois à la tête » jeudi matin dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce. Dans une déclaration préenregistrée, le Service de police de la Ville de Montréal a confirmé qu’il avait succombé à ses blessures et qu’une enquête était en cours.

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Bien que l’on ne sache pas encore exactement qui a tué Tony Magi, le vrai mystère en ce qui le concerne, c’est comment il a réussi à rester en vie aussi longtemps : il avait une cible dans le dos depuis une quinzaine d’années.

En 2005, il avait été kidnappé par deux hommes, mais avait réussi à s’échapper, après quoi, plutôt que d’appeler la police, il avait contacté Nick Rizzuto Jr. En 2008, il avait été atteint par plusieurs balles alors qu’il était au volant de son Range Rover, et avait alors passé plusieurs semaines dans le coma. En 2011, en plein jour, un homme a ouvert le feu sur sa femme, qui n’a pas été touchée. En 2013, ses gardes du corps ont intercepté un homme armé devant chez lui.

Cependant, ce qui lie le plus Magi au crime organisé montréalais, c’est sans aucun doute son implication dans le meurtre de Nick Rizzuto, « Nick Junior », fils de Vito Rizzuto, longtemps vu comme le chef de la mafia sicilienne au Canada, et petit-fils de l’ancien parrain, Nicolo Rizzuto, « Nick Senior ». En 2009, Nick Junior a été abattu devant les bureaux de FTM Construction, l’entreprise de Magi, un crime à propos duquel plusieurs théories ont depuis circulé, mais qui n’a jamais été officiellement résolu.

« On a acheté un terrain ensemble et on fait du développement », a une fois dit Magi en parlant de Nick Rizzuto Jr à un journaliste de The Gazette. « Il a étudié en droit et il est intelligent. Il connaît le développement immobilier. Pauvre homme. Il essaie de faire quelque chose de sa vie, et, à cause des antécédents de sa famille, à chaque détour, il reçoit un coup. »

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Antonio Nicaso est l'auteur de plus d’une vingtaine de livres sur le crime organisé, dont Business or Blood: Mafia Boss Vito Rizzuto’s Last War, sur lequel est basé la récente série télévisée canadienne Bad Blood. Pour lui, la mort de Magi non seulement représente une consolidation du pouvoir du côté les ennemis du clan Rizzuto, mais reflète une vie à jouer avec le feu, même au regard du crime organisé montréalais.

« M. Magi a toujours été un personnage controversé, dit-il. Il a mené une vie très risquée et dangereuse. Il avait des accointances dans les gangs de rue et des liens étroits avec la mafia montréalaise, même s’il l’a toujours nié. D’après les rumeurs, il était très proche de Ducarme Joseph, le principal suspect du meurtre de Nick Junior. »

Ducarme Joseph était un présumé membre haut gradé d’un gang de rue montréalais. Il a été assassiné en 2014, et on dit que c’était pour venger la mort de Nick Junior.

D’après Nicaso, on est toujours dans une ère post-Vito, rongée par les vieilles rancunes. « Pour l’instant, on peut dire que la mort de Vito Rizzuto a laissé un vide qui ne sera jamais comblé par un seul chef dominant, estime-t-il. Ce qu’a laissé derrière lui Rizzuto restera contaminé par le ressentiment, et il y aura éventuellement plus de sang versé. Mais je ne pense pas que ce soit un chapitre de la lutte de pouvoir : pour moi, ce sont les représailles. C'est en quelque sorte du travail qui n’avait pas été terminé. »

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En représailles de quoi? Nicaso ne veut pas émettre d’hypothèse, mais il reconnaît que Magi avait le don de se faire des ennemis. « Ce pourrait être en représailles de beaucoup de choses différentes : il a joué avec le feu toute sa vie. »

John Westlake est un policier à la retraite qui a été au service de la police montréalaise et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il a aussi déjà habité Notre-Dame-de-Grâce, où ont eu lieu toutes les tentatives d’assassinat contre Tony Magi, et il le connaissait d'ailleurs, ainsi que sa famille, personnellement.

« C’est certainement la mafia qui est derrière ce meurtre, assure-t-il. Ce n’est pas une personne à qui il devait 10 000 $, ça, c’est sûr. […] Les funérailles vont être intéressantes, la police sera là avec ses caméras. »

Comme Nicaso, il soupçonne que ce meurtre est un autre indice montrant que le pouvoir est en train de passer de la mafia sicilienne de Montréal à la mafia calabraise, Ndrangheta, basée à Hamilton.

« Ce n’est pas l’indication d’une transition à venir, la transition est déjà commencée : les hommes de Hamilton sont de retour, ajoute-t-il. Peut-être qu’ils veulent en finir avec les hommes des Rizzuto, et évidemment Tony en était un. »

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Que Magi ait été un homme des Rizzuto est en effet irréfutable. Non seulement il était un partenaire d’affaires de Nick Rizzuto, mais, dans une conversation sur écoute, on l’entend parler directement à Vito Rizzuto, qui a déjà été à la tête d’un consortium montréalais constitué des mafias italienne et irlandaise, et de motards. « Les Rizzuto sont finis », conclut Westlake.

Tony Magi a été promoteur immobilier à Montréal jusqu’à la fin, mais la part d’ombre de sa vie a fini par le rattraper. Comme le dit, plutôt poétiquement, Nicaso, « dans la mafia, le même sang passe d’une génération à l’autre, et ça ne change pas, comme le monde et le ciel. Le sang engendre le sang, et le sang lave le sang. »

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