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Commandité

Les barmans à la rescousse du bloody caesar classique

Le bloody caesar était le cocktail parfait, jusqu'à ce qu'il soit ruiné par des dilettantes affamés de garnitures.

Ajouter une patte de crabe à un bloody caesar, c'est comme peindre des lunettes de soleil sur La Joconde. Sous les mini-hamburgers, le bacon et les fruits de mer qui ornent le Caesar des médias sociaux se cache un cocktail parfaitement équilibré qui ouvre les appétits et soigne les gueules de bois depuis 1969, quand le restaurateur calgarien Walter Chell a concocté ce qui allait devenir un incontournable inscrit sans exception au menu des bars de quartier, des brunchs hôteliers et des grandes tables d'un bout à l'autre du Canada.

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On connaît la chanson : vodka, sauce Worcestershire, raifort, sauce piquante et jus de citron, le tout remué jusqu'à former une boue brune, puis arrosé de jus de tomates et de palourdes et garni d'olives et de cornichons marinés. En théorie, ça ne devrait pas s'accorder. Il y a là trop d'ingrédients et de saveurs distinctes qui s'entrechoquent. Mais ça s'accorde et, en posant les lèvres sur le rebord du verre enduit de sel de céleri, on constate immanquablement que l'ordre peut émerger d'un chaos bien dosé.

Ce petit punch au visage à la fois salé, épicé et saumâtre s'accorde un peu trop bien, en fait. Au cours des dernières années, on l'a tenu pour acquis, on l'a dilué et fagoté de garnitures au goût du jour qui ont peu à peu dénaturé la vision originale de Walter Chell. Imaginez qu'on ajoute une mini-pizza à un Negroni ou une saucisse cocktail à un martini. L'idée même est offensante. Et pourtant, pour une raison ou pour une autre, quand il s'agit du caesar, on n'en fait pas de cas.

Nous avons parlé à des barmans qui débarrassent le bloody caesar de ses oripeaux postmodernes. Ils rappellent à leur clientèle, avec le charme dont seul un barman est capable, pourquoi le caesar a toujours été et demeure parfait.

Vito Ciocca

Taverne Knox

Je me contente d'essayer de préparer un cocktail extraordinaire à chaque fois. Je pourrais vous servir un caesar surmonté d'un diamant et vous en demander 20 000 $. Mais si je ne le prépare pas comme il faut, qu'est-ce que vous obtenez? Un diamant? Vous n'êtes pas venu ici pour croquer un diamant, mais pour prendre un verre. Je pense que ce qui jazze le cocktail, c'est le service et la communication entre le consommateur et le barman. J'aime alimenter la conversation et servir une boisson simple.

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Je suis venu au métier de barman il y a très longtemps. Le caesar est l'un des premiers cocktails que j'ai appris à faire et, quand j'y suis arrivé, je me suis dit : Mon Dieu! Je crois que je suis maintenant un barman. Le caesar a allumé ma créativité. Voilà. C'est un caesar très simple. Je préfère même ne pas ajouter de garnitures à mes caesars. Knox est un restaurant, mais nous voulons que nos cocktails soient de vrais cocktails de bar. Si un cocktail n'a pas besoin d'une garniture, je n'en mets pas. De toute façon, la plupart du temps, elle finit sur la table. Quand on ajoute un tas de trucs sur un caesar, il faut se taper tous les ingrédients avant d'arriver au cocktail, qui est l'attrait principal.

Léo Chartrand-McMillan

Joe Beef Ça fait quoi, dix ans qu’on voit des affaires de grilled cheese sur les caesars? Ça ne sert à rien. Je ne vois pas l'idée de faire ça. Ça dénature le bloody caesar, un drink simple qui te crank, qui te mets dedans, qui te motive justement à passer à une bière. Ça ne sert à rien de pimper un bloody caesar, c’est déjà assez pimpé comme ça. Je le préfère bien préparé, sans artifice. C’est pareil en cuisine. Un bon plat n’a pas besoin d’avoir 25 ingrédients. Il suffit qu’il soit bien fait.

Personnellement, je pense que c’est le cocktail parfait pour les lendemains de brosse. C’est parfait pour ça. La vodka donne un boost, pis le Clamato, c’est bourratif, donc c’est comme une entrée. Ça donne de l'énergie et ça fait partir la migraine assez vite.

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Le caesar ne se déclasse pas. On n’y pense pas tout le temps, mais, dès qu’on en voit un passer, boum! on en veut. Comme là, j’en bois un, évidemment.

Jacques Séguin

Le Nouveau Palais

J’aime bien les recettes classiques de cocktails, les recettes un peu old-school. Le décor ici fait appel à ca. C’est un vieux diner qui est ici depuis les années 50, donc on reste dans la thématique. Il n'y a pas de raison de changer une recette déjà parfaite.

Les secrets d’un bon caesar, ce sont les ingrédients, la simplicité et la mesure. Il faut aussi avoir beaucoup de glace. Pas de rondelles d’oignons, pas de hamburger — c’est un verre, pas une assiette. Je ne crois pas que le cocktail a besoin de tant de garniture, sinon il perd de son authenticité. L’important, c’est le drink lui-même. Si les garnitures prennent le dessus, ce n'est plus un bloody caesar, c'est un « bloody burger ».

Les gens boivent des caesars le matin, l'après-midi, le soir, à deux heures du matin, en mangeant, en apéro, en prenant un verre… C’est rassembleur. Ça peut être high-brow ou low-brow. Je pense que c’est le fait qu’il soit salé et épicé qui attire le monde. D'une façon ou d'une autre, c'est une valeur sûre. Tu n'as pas besoin de te casser la tête. Toutes les générations ont accepté le caesar. Même quand les cocktails ont disparu, le bloody caesar est resté à la mode. C’est le cocktail qui a toujours existé et qui existera toujours.