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Musique

Heartstreets préfère l’intégrité aux étiquettes

« On se fait souvent étiqueter électro/RnB/pop. Quand j’écris, je ne pense pas en mode électro ou pop, c’est juste stupide. Maintenant, on peut mélanger tous les genres de musique. »

Emma Beko et Gab Godon, les deux moitiés de la formation de RnB montréalaise Heartstreets, prennent le temps de s’affranchir de barrières de l’industrie et de balises qu’elles se sont organiquement bâties au fil du temps.

Même si Gab passait le précieux temps de son enfance à apprendre les paroles de Christina Aguilera dans la cour d’école et qu’Emma peaufinait au même moment une poésie rythmée inspirée du hip-hop américain dans son journal intime, les deux amies n’avaient jamais prévu d’allier leurs forces artistiques pour, un jour, forger une marque dans l’univers artistique qui a bercé leurs années formatrices.

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Né d’une amitié fusionnelle (et de performances au karaoké) initiée par la musique de Ms Dynamite, Heartstreets propose depuis 2011 un savant alliage contemporain de ses influences puisées dans les années 90 et 2000, et de textes personnels mélodiques. Ayant fait ses premières armes sur une proposition davantage axée sur le hip-hop, le duo a graduellement diversifié son produit vers des horizons plus pop, électro et urbains, comme en témoigne le EP You & I, paru en 2016. Fort de ses nombreux singles qui détonnent de l’offre québécoise habituelle, dont le récent Blind produit par Kaytranada, Heartstreets s’impose actuellement comme la réponse montréalaise à la recrudescence du RnB initiée au cours des dernières années par les Frank Ocean, Kelela, FKA Twigs, Solange et SZA de ce monde.

N’ayant aucun désir de brûler les étapes, le duo prend actuellement le temps de développer davantage sa proposition musicale et scénique. C’est d’ailleurs en plein cycle créatif et au cœur d’une mini-tournée autoproduite qu’on a rejoint Heartstreets dans un bar du Mile End. Celles-ci se retrouvent complètement libres de prendre leurs propres décisions et de revoir leur processus de création, donc en plein pouvoir de se redéfinir comme bon leur semble. Rencontre avec celles qui sont des muses l’une pour l’autre.

VICE : Vous trouvez que les labels sont facultatifs aujourd’hui par la possibilité d’évoluer en indépendant et prendre sa propre carrière en main?
Gab : Ça peut quasiment être plus profitable d’être indépendant de nos jours, mais c’est beaucoup de travail. Pour l’instant, ça se passe bien et notre groupe évolue dans la bonne direction. Notre musique prend son sens. Avoir un label, ça peut être une bonne béquille, comme ça peut vraiment être un piège chiant et compliqué. On est ouvertes aux discussions avec un label, mais c’est quand même hot de se dire qu’on s’est rendues à nos premiers shows headline toutes seules pis que ce soit un succès. Pour la suite, who knows

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De toute façon, ça vous laisse une liberté totale sur votre produit. C’est quand même notoire pour un groupe local qui puise ses inspirations dans le RnB des années 90 et 2000. Dans votre démarche, c’était un but de redonner naissance à cette période ou vous cherchez davantage à réinventer la formule?
Emma : On a le soul des 90’s, mais les outils qu’on utilise sont modernes, donc, par la force des choses, ce qu’on fait va sonner contemporain. C’est drôle parce que cet esprit des années 90, pour moi, c’est une vibe qui n’est pas morte.

Gab : En fait, c’est très vivant en 2017. Autant au niveau de la mode que des sons et des visuels. On le voyait avec Lil Peep [RIP]. Quand on l’a découvert, on aimait le côté grungy dans son approche. C’était mixé avec des sons plus modernes, mais cette essence-là avait quelque chose de super 90’s. C’est parmi nous et on est là-dedans.

De toute façon, cette démarche éclectique vous permet, en quelque sorte, de vous affranchir des étiquettes et de mieux orchestrer votre son, j’imagine.

Emma : En partant, je n’aime vraiment pas les étiquettes. Nous, on se fait souvent étiqueter électro/RnB/pop. Quand j’écris, je ne pense pas en mode électro ou pop, c’est juste stupide. Maintenant, on peut mélanger tous les genres de musique. Et c’est ce qu’on essaie de faire.

Gab : En show avec le band, on passe d’un son jazzy à super acoustique, puis à quelque chose de très électro. En fin de compte, ça touche à plein d’affaires. Notre musique, c’est la voix d’Emma et la mienne. Ce sont mes flows, ses flows, les instrus et ce qu’on en fait. C’est ça, Heartstreets.

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Ce développement artistique que vous poursuivez, vous vous en servez pour marquer l’évolution par rapport à ce que vous avez offert sur le EP You & I paru en 2016. Ça teinte votre vision et votre mainmise sur la suite des choses pour mieux exprimer vos idées?
Emma : En termes de messages et de thématiques, je pense qu’on a pris une certaine maturité. You & I, c’est une histoire d’amour qui vire mal. Ce sont des étapes de vie qu’on a vécues. Ç’a été vraiment cool de l’écrire et on le performe encore, mais ça fait quand même longtemps qu’on a finalisé ce projet-là et il y a beaucoup d’autres choses qui nous parlent maintenant. On aborde les affaires peut-être de manière un peu moins self-centered. L’état du monde et ce qui se passe un peu partout, ça nous affecte quand même beaucoup. Dans mon écriture, il y maintenant aussi une recherche à savoir pourquoi je suis anxieuse. C’est parce qu’un gars ne m’a pas rappelée? Non. C’est peut-être parce que ça me stresse quand je me réveille le matin et que je vois qu’il y a eu un autre shooting quelque part. Il y a donc un regard plus large sur le monde en général. Le single Blind peut entrer dans cette lignée en traitant de la façon qu’on décide ou non d’agir sur une problématique.

La révolution culturelle de dénonciations d’inconduites et d’agressions sexuelles pourrait notamment faire partie de cette vision extérieure qui teinte actuellement la ligne d’inspiration de Heartstreets?
Emma : C’est quand même assez grand comme phénomène. C’est pretty much worldwide. Ça va sûrement avoir un impact en quelque part dans ce qu’on fait. C’est le genre de truc qui nous touche. Je trouve ça le fun que tout le monde prenne la parole. Ça porte juste à réfléchir en général.

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À travers toutes ces révisions internes, Heartstreets est un peu en train de s’approprier un mot d’ordre dans sa démarche.
Gab : Je pense que dans nos chansons, le message revient toujours à : just be real. Tout le monde a ses défauts et ses issues. On est des humains avec un cerveau, une histoire pis un entourage. C’est complexe. Peu importe ce qui construit ta personne, be real. Si t’es vraiment intègre avec toi-même, je pense que ça peut t’aider à t’ouvrir aux autres pis à mieux les comprendre. Si on est tous bien avec nous-mêmes, ça va juste plus nous unifier. En quelque part, c’est une force pour pouvoir s’assumer.

Cette prise de pouvoir de Heartstreets, ça se manifeste comment en ce qui a trait aux ambitions à court ou moyen terme? Il y a une destination ultime en vue?
Emma : On dirait qu’on a les yeux sur une affaire, puis on l'accomplit. Ensuite, on se concentre sur une autre affaire pis on l’accomplit à son tour. On fonctionne principalement comme ça. On a beaucoup de goals en tête. Je sais que toutes les deux, on aimerait vraiment faire des spectacles au Québec, au Canada, aux États-Unis et un peu partout dans le monde. Il y a plein d’endroits où les gens ne savent pas qu’on existe encore. On veut juste répandre notre musique et pouvoir connecter avec le plus de nouvelles personnes possible. On a des idées…

Le duo a récemment fait paraître Lead Us , un nouveau single produit par Ryan Playground sur lequel il poursuit son développement et son affranchissement stylistique.

La suite des choses se dessinera pour l’année suivante. La rumeur veut que Gab et Emma soient en train de travailler sur d’autres projets musicaux top secret. À suivre!