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Où est le cadavre du chien qui a tué Christiane Vadnais?

Montréal n'a toujours pas révélé la preuve que le chien responsable était un pitbull. Existe-t-elle vraiment?
Ceci est un pitbull. Pour ce qui est du chien qui a tué Christiane Vadnais, on ne sait toujours pas. Photo : Pexels

Après une brève suspension du règlement adopté en septembre, un jugement de la cour d'appel du 1er décembre a fait appliquer la politique controversée de la Ville de Montréal sur les pitbulls.

On se rappelle que la nouvelle loi avait été instaurée dans la foulée d'une « crise » de chiens dangereux qui a foudroyé le Québec (et ses médias), crise qui a atteint son paroxysme avec la mort de Christiane Vadnais le 6 juin dernier. La femme de 55 ans avait été mordue à Montréal par Lucifer, le pitbull de Franklin Junior Frontal.

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Après enquête, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a confirmé le 30 novembre qu'aucune accusation ne serait portée contre le propriétaire du pitbull.

Pourtant, la police ne veut ni confirmer la race du chien, ni ce qu'ils ont fait de la dépouille… et les tests d'ADN prétendument faits par la police ne semblent pas avoir été faits là où ils ont laissé entendre qu'ils les avaient faits.

Bref, toute cette histoire est opaque. L'enquête de VICE tente de faire quelques taches de lumières dans un abysse mystérieux.

C'tu un pitbull ou ben c'tu pas un pitbull?

C'est ici que tout se corse. Fin juillet, on révélait que le chien meurtrier était plutôt enregistré comme un « boxer », et non pas un « pitbull ». On lit « pitbull » partout, mais personne, hormis – peut-être – la police, ne semble avoir en main la preuve qu'il s'agisse bel et bien d'un tel molosse.

Selon un article de La Presse paru début août, la police aurait confirmé à la Ville de Montréal que le chien au centre de cette affaire était un pitbull. L'information était contenue dans un rapport de police consulté par la Ville. On indique que la Ville a aussitôt décidé de faire analyser l'ADN du chien, et qu'elle attend toujours les résultats.

Jamais la Ville n'a divulgué le résultat de ces tests. On ignore si elle les a obtenus.

Dans un article publié la semaine dernière, toujours dans La Presse, la fille de Christiane Vadnais « assure que les autorités lui ont certifié qu'il s'agissait bel et bien d'un pitbull ». « On m'a reconfirmé lors de notre dernière rencontre, il y a deux semaines, que c'était bien un chien de type pitbull, un mâle de 7 ans », affirme Émilie Routhier, en entrevue avec le quotidien. Routhier précise «que cette information était issue des "tests faits à Saint-Hyacinthe" ».

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Les tests qui n'ont pas été faits à Saint-Hyacinthe

Les choses s'obscurcissent ici. Des tests faits à Saint-Hyacinthe?

Ce serait bien possible. VICE a déterré un billet publié en 2010 dans le Journal du laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légales. On y évoque un cas semblable à celui de Christiane Vadnais, où un chien (dans ce cas-ci un husky) a tué une personne (ici, un bébé).

Pour identifier le chien fautif, des analyses d'ADN avaient alors été faites à l'école vétérinaire de Saint-Hyacinthe par le docteur David Silversides, explique l'auteure du texte, Martine Lapointe, spécialiste en biologie judiciaire au Laboratoire de sciences judiciaire et de médecine légale (LSJML).

Même qu'à la fin de son billet, l'auteure se réjouit que l'enquête ait permis « une belle collaboration entre les gens du LSJML, du corps policier et de l'école vétérinaire de St-Hyacinthe. Eh oui, il est donc possible d'avoir une preuve d'ADN canin. »

Comme les autorités ont affirmé à la fille de Christiane Vadnais, il semble logique que les tests aient été faits à Saint-Hyacinthe.

Mais ce ne semble pas être le cas.

VICE a contacté le laboratoire de la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe. La réponse du Dr David Silversides (le même docteur que dans l'enquête de 2010), était sans équivoque. « Non, nous n'avons pas reçu d'échantillons. Nous n'avons rien eu du tout. Zéro. Ce n'est pas nous qui avons fait ces tests », a-t-il martelé.

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Nous lui avons demandé s'il était possible, au moyen de tests d'ADN, de confirmer qu'un chien est bel et bien un pitbull mâle de 7 ans.

Il explique que son laboratoire peut déterminer le sexe d'un animal et les maladies dont il était atteint à partir d'un échantillon de sa dépouille, mais pas sa race. Selon Silversides, il n'y a que deux compagnies qui peuvent déterminer la race à partir de l'ADN : DNA My Dog, à Toronto, et Wisdom Panel, aux États-Unis.

Le docteur ajoute que l'âge d'un chien ne peut pas être révélé par un test d'ADN. « On peut produire une estimation en regardant le chien, ses dents, mais l'ADN ne va pas nous donner de réponse. Il y a quelqu'un qui est en train d'inventer les choses », a-t-il laissé tomber au bout du fil.

L'œuvre d'une clinique privée, dans ce cas?

Dr David Silversides nous a suggéré de regarder du côté des cliniques privées de Saint-Hyacinthe pour trouver l'auteur des tests évoqués dans La Presse.

Si des tests ont bien eu lieu dans cette petite ville, ils n'ont été faits par aucune des cliniques vétérinaires répertoriées par les Pages jaunes et par Google, ni par le Laboratoire Arivac, ni par le Laboratoire Biovet, tous joints au téléphone par VICE.

À priori, l'information transmise par les autorités sur « des tests faits à Saint-Hyacinthe » ne semble pas être vraie.

(Peut-être y a-t-il à Saint-Hyacinthe un laboratoire vraiment underground qui procède à des tests clandestins? VICE pose la question.)

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L'ADN du chien – le secret le mieux gardé de 2016

La Ville attendrait les résultats d'ADN du pitbull Lucifer depuis le début août.

Questionnée au sujet des résultats de ces tests lors d'une séance du Conseil municipal du 27 septembre, la conseillère Anie Samson a affirmé que la Ville ne pouvait pas les avoir avant que l'enquête policière n'ait suivi son cours.

« Comme il s'agit d'un incident criminel, donc la mort d'une personne, le cadavre du chien est détenu par le SPVM qui a envoyé faire des validations pour la preuve technique pour des prochaines poursuites évidemment contre le propriétaire. […] Lorsque l'enquête sera terminée que les éléments seront terminés, on sera en mesure de récupérer le cadavre. »

Très bien. L'enquête terminée, pouvons-nous avoir les résultats de ce test d'ADN?

Non, dit la Ville, « tous les éléments d'enquête relativement à la dépouille du chien relèvent du SPVM », a-t-on écrit dans un courriel à VICE. On ne nous dit pas non plus si la Ville compte « récupérer le cadavre ».

Lorsque contactées, les communications du SPVM nous ont renvoyés à un autre porte-parole du SPVM, qui nous a indiqué que tous les éléments de l'enquête avait été transférés au DPCP. On a précisé que « jamais » la police n'avait confirmé que le chien était un pitbull.

De son côté, le DPCP refuse de divulguer le moindre détail de l'enquête – incluant toutes les informations relatives au chien – car elle n'a menée à aucune poursuite. Le dossier est donc confidentiel.

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Personne n'a voulu confirmer que le chien était un pitbull.

Personne n'a voulu confirmer que l'ADN du chien avait été testé.

Personne n'a voulu confirmer où se trouvait la dépouille du chien.

À moins que l'enquête ne soit rouverte (ou à moins d'une fuite d'information?), il semble que nous ne saurons jamais ce qu'il est advenu du cadavre de Lucifer.

Où est le chien et quelle est sa réelle identité?

VICE veut des réponses.

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