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Drogue

Les jeunes racisés feront les frais de la réforme de la loi québécoise sur le cannabis

Il y a un risque de profilage en haussant l’âge de consommation du cannabis, avertit une experte.
Les jeunes racisés feront les frais de la réforme de la loi québécoise sur le cannabis
Photo par LexScope on Unsplash

La CAQ se prépare à proposer, d’ici Noël, une mesure pour hausser l’âge minimum de consommation du cannabis à 21 ans. C’est le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, un neurologue qui a fait des recherches sur l’usage du cannabis médical, qui est responsable de la nouvelle mouture de la loi. En plus de cette hausse, le gouvernement souhaite interdire la consommation dans tous les lieux publics. Ces modifications feront du Québec la province la plus restrictive du Canada en matière de weed.

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Ces nouvelles restrictions redonneront aux forces policières certains des prétextes d’intervention qu’elles ont perdus avec la légalisation du cannabis et pourraient faire augmenter le nombre de cas de profilage.

Pour Céline Bellot, directrice de l'Observatoire sur les profilages racial, social et politique, la situation est assez limpide. « Ce n’est pas n’importe quel jeune qui fera l’objet de ces contrôles et de ces surveillances, ce sont des jeunes dans des quartiers défavorisés, des jeunes racialisés, des jeunes qui sont dans l’espace public…, détaille-t-elle. C’est exactement ça, le profilage […] et là, on vient de donner un outil supplémentaire. »

Selon la spécialiste, qui a observé les conséquences de la réglementation de la consommation d’alcool sur des populations déjà ciblées par la police, ces lois sont souvent détournées pour contrôler et profiler certains groupes. « On peut imaginer qu’actuellement, il y a encore de la retenue sur l’application des règlements [qui restreignent la consommation de cannabis], mais ça va faire un temps, la retenue! » La réforme de la CAQ ouvrira aussi la porte à des pénalités sévères pour des infractions mineures, souligne Bellot. « Un processus de judiciarisation, ça peut mener à un emprisonnement pour un non-paiement d’amende. »

Si la spécialiste en travail social détecte une certaine fatigue d’entendre parler de la légalisation du cannabis depuis un an dans la population, ce débat autour de l’âge de la consommation lui apparaît toutefois crucial.

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« Je pense qu’actuellement, l’opinion publique est dominée par l’argument du risque de psychose, qui fait effectivement peur. Mais si, à un moment donné, on a l’image d’un jeune qui est pris avec des grosses amendes, voire même emprisonné, parce qu’il a fumé un joint de cannabis, peut-être que ça va contrebalancer. C’est l’image d’une situation exemplaire que tout le monde trouve indignante, qui fait basculer les inquiétudes et les craintes », conclut-elle.

Legault garde le cap

Les troupes de François Legault ont justifié leur approche en s'appuyant sur des données scientifiques qui montrent que le cerveau n’est pas complètement formé à 18 ans et que les conséquences d’une consommation de cannabis à cet âge seraient néfastes. C’est d’ailleurs la position de l’Association des médecins psychiatres du Québec, qui martèle que la légalisation dans sa forme actuelle pose de grands risques pour la santé mentale des jeunes.

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Pourtant, des experts ont aussi affirmé qu’une uniformisation de l’âge légal de la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis était idéale, entre autres pour damner le pion au marché noir et, surtout, pour la cohésion sociale. À 18 ans, socialement, on juge les personnes assez responsables pour boire, voter et fumer du tabac. Logiquement, il devrait en être de même pour le cannabis.

En entrevue avec Le Devoir, la criminologue et enseignante à l’Université d’Ottawa, Line Beauchesne, a dit que « c’est une mesure qui va empirer le rapport des jeunes au cannabis au lieu de les protéger, en maintenant dans la criminalité un segment important de consommateurs. »