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Santé

Une entreprise donne six jours de vacances supplémentaires aux non-fumeurs

Ça a commencé par un message dans la boîte à suggestions.

Ostracisés pour une habitude à laquelle ils ne peuvent plus s’adonner nulle part en public ou presque, les fumeurs se voient à nouveau réprouver : après que des employés se sont plaints des pauses cigarette de collègues, une entreprise japonaise a décidé d’accorder six jours de vacances payés supplémentaires aux non-fumeurs.

Selon le Telegraph, un porte-parole l’entreprise de Tokyo, Piala inc., a expliqué qu’un employé avait déposé un message dans la boîte à suggestions affirmant que les pauses cigarette créaient du ressentiment chez les non-fumeurs. Chaque pause cigarette durerait environ 15 minutes : le siège social de cette entreprise de marketing se trouve au 29e étage et les employés doivent se rendre au sous-sol pour fumer. Les non-fumeurs disent donc travailler plus que les fumeurs. Le P.-D.G. étant d’accord, l’entreprise a pris cette mesure compensatoire.

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Toutefois, la perte de productivité n’était pas la seule inquiétude. Takao Asuka, P.-D.G. de Piala, a dit au site de nouvelles Kyodoqu’il « espère encourager les employés à cesser de fumer au moyen d’avantages plutôt que de pénalités ou de la coercition ». Ainsi, les jours de vacances supplémentaires viseraient à motiver les employés à assainir leurs habitudes de vie.

Ce n’est pas la première entreprise japonaise qui tente de diminuer le nombre de fumeurs dans ses rangs. Lawson, une chaîne de commerces de proximité, a interdit la cigarette à son siège social ainsi que dans ses bureaux régionaux. En 2016, 33 % de ses employés fumaient (alors que les fumeurs comptent pour 21,7 % de la population japonaise selon l’Organisation mondiale de la santé), et elle vise une diminution de 10 %. Sompo Japan Nippon Kowa Himawari, une compagnie d’assurance vie, a aussi interdit les pauses cigarette à ses bureaux durant le jour, tout en proposant des incitatifs financiers aux employés qui s’inscrivent au programme d’aide pour cesser de fumer (les fumoirs de l’entreprise sont maintenant des toilettes).

Ces changements sont peut-être bien intentionnés, imaginés pour aider le personnel à être en meilleure santé et, accessoirement, permettre à l’entreprise de réduire les coûts relatifs aux soins de santé. Mais ils soulèvent aussi des questions d’éthique, notamment : où s’arrête le contrôle qu’exercent les entreprises sur les employés? Des chercheurs ont déjà critiqué les organismes et entreprises qui refusent d’embaucher des fumeurs (comme l’Organisation mondiale de la santé), soutenant que cette discrimination cause du tort à des gens déjà désavantagés. Ils sont également critiques à l’égard des récompenses ou pénalités, car c’est considérer le tabagisme comme un choix plutôt qu’une dépendance.

À l’opposé, des spécialistes des ressources humaines ne voient pas ces pratiques du même œil. « Je ne vois pas de problème, ces mesures récompensent simplement de saines habitudes de vie et compensent ceux qui ne prennent pas de pauses inutiles au cours de leur quart de travail », estime Bahaudin Mujtaba, professeur en administration à la Nova Southeastern University, en Floride, qui a écrit sur l’éthique des politiques de santé et de bien-être au travail.

Cependant, M. Mujtaba voit où il peut y avoir de l’abus. « Si les non-fumeurs prennent aussi des pauses courtes ou équivalentes, il y aura un problème éthique avec les avantages consentis pour encourager les employés à cesser de fumer, dit-il. Des employés peuvent aussi être tentés de cacher qu’ils fument afin d’avoir aussi les jours de vacances supplémentaires. Mais tant que les non-fumeurs travaillent pendant que les fumeurs prennent une pause, ces mesures me semblent justes. »

Par ailleurs, on note que les entreprises accordent plus de pauses au cours de la journée de travail. « Dans les dernières décennies, de nombreux gestionnaires et services ont accordé des pauses équivalentes, comme des pauses café ou thé, de sorte que les non-fumeurs peuvent se détendre pendant 15 minutes toutes les quatre heures, même quand la loi du travail ne l’exige pas. » Dans ce contexte, il semble que les jours de vacances supplémentaires pour les non-fumeurs causent une iniquité.

Outre l’éthique, le représentant de Piala affirme que les employées profitent de la mesure. Selon lui, au moins un quart de ses 120 employés ont pris des jours de vacances supplémentaires depuis la mise en place de la mesure. Et quatre employés ont cessé de fumer.