VICE FRCARSS feed for https://www.vice.com/frhttps://www.vice.com/fr%3Flocale%3Dfr_cafrWed, 17 Feb 2021 16:07:13 GMT<![CDATA[Au fait, il y a moyen de faire pas mal argent avec des photos de pieds sur Internet]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/9kpkpv/au-fait-il-y-a-moyen-de-faire-pas-mal-argent-avec-des-photos-de-pieds-sur-internetWed, 17 Feb 2021 16:07:13 GMTL'article original a été publié sur VICE France.

Comme tous les journalistes, j'errais sur Twitter lorsque je suis tombé sur la publication d’une internaute écrivant « les photos de pieds, ce n’est pas un mythe », accompagné d’une capture d’écran d’un compte PayPal recevant un virement d'environs 450$. Le sujet peut paraître déroutant, mais le phénomène est bien réel. Pour ça, pas besoin d’aller sur le Dark Web. Les réseaux sociaux et quelques sites spécialisés suffisent amplement.

Pratique plus répandue à l’étranger, elle commence à émerger doucement en France. Dérivée du money slavering [être dominé financièrement par des moneymiss, personne qui cherche à être insultée, « salit » et à raquer pour son « maitre » ou « maitresse », N.D.L.R] ce business est une sorte de mélange entre FinDom, pour Financial Domination, et fétichisme où les clients achètent – via PayPal ou des plateformes de cagnotte en ligne – des photos de pieds.

Si les adeptes de ce genre de clichés sont versatiles, les vendeurs et vendeuses sont plus restreints dans le modèle type. Je n’ai recensé que deux profils de vendeurs, bien souvent féminins. D’une part, des jeunes filles ou étudiantes souhaitant « gagner de l’argent facilement », avec pour leitmotiv « Business is business » comme me confirme une vendeuse anonyme interrogée sur Twitter. D’autre part, il y a aussi des moneymiss, dont les noms sont codés de manière très spécifiques. Nommées « maitresses », « déesses » ou autres superlatifs du genre, ces personnes usent de la domination sur leurs « soumis » afin de pouvoir se payer toute sorte de loisir.

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Pour que ce commerce existe, il faut une plateforme et des clients. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le fétichisme rassemble. Certains sites, spécialisés ou non, tels que FetLife ou VendsTaCulotte sont devenus lieux d’échanges de photos payantes entre fétichistes et vendeurs. Sur les réseaux sociaux, une large communauté de fétichistes, dont les comptes sont majoritairement créés pour cette passion, s’est répandue : Instagram recense près de 19 000 publications avec le hashtag #fetichiste ; sur Facebook des groupes de fétichistes français comptent des milliers d’abonnés tandis que Twitter est pris d’assaut par une forte augmentation du nombre de comptes débutant par « maîtresse » ou « soumis ».

Instagram est d’ailleurs le moins touché par ce phénomène en France, contrairement à l’étranger. Comme le révèle Cosmopolitan, le nombre de femmes qui construisent une entreprise lucrative dans ce secteur connaît une réelle augmentation. Selon le magazine anglais, certaines « maîtresses » arrivent même à gagner plus de 4 600 livres sterling par mois, soit environ 5 200 euros.

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Justement, ces différents réseaux sociaux représentent différents moyens de vendre ou acheter ces photos. Sur Facebook, les groupes privés ont la cote, tandis que les hashtags bien spécifiques servent de prises de contact aux acheteurs et vendeurs sur Twitter et Instagram. #paypigs, #fetichiste #paypal #findom, ces hashtags vous ouvrent véritablement les portes de l’enfer caché des réseaux sociaux.

Groupes fermés sur Facebook, comptes privés sur Instagram, des « soumis » ou acheteurs et des « maîtresses » très peu enclins à s’exprimer, il est assez difficile d’intégrer le milieu, encore plus d’en interroger les différents acteurs. Une sorte de porte d’entrée s’offre alors : les jeunes, étudiante, n’ayant aucun rapport avec le fétichisme, mais ayant remarqué ce filon « super lucratif ».

« La sensation d’exclusivité et de contact […] est unique » – Antoine, fétichiste

Une bonne partie des « dominateurs » et « soumis » ne veulent pas que leur réseau ait plus de visibilité à l’extérieur. En effet, parmi les vendeurs, certains sont accusés d’être des « voleurs de soumis » et de « dépouiller les soumis naïfs » peut-on lire sur le post Facebook « Petite sociologie des dominatrices sur Facebook, à l’usage des soumis naïfs et des curieux ». Car ce milieu cache aussi des arnaques. Sorte d’AFP pour le FinDom, le compte twitter Fakes Catcher traque les tricheurs. Son propriétaire déclare par messages privés : « Je sers juste à faire du ménage dans cette communauté entre les bonnes dominatrices et les mauvaises… idem pour les soumis. Pour éviter les mauvaises rencontres ou les abus ».

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Antoine achète depuis maintenant deux ans ce genre de clichés. Fétichiste depuis l’adolescence, il témoigne par messages de ce problème qui sévit « surtout sur Twitter ». Selon lui, si les sites spécialisés « permet[tent] d’avoir de vrais contacts avec des personnes réelles », Twitter est devenu « un endroit pour pigeons ». Au total, le jeune homme a dépensé « un peu plus de 500 euros », pour des photos de pieds. Mais pourquoi acheter des photos de pieds alors que l’on pourrait en trouver partout sur Internet ? À cette question, il répond : « c’est la sensation d’exclusivité et de contact [avec la vendeuse] qui est unique ». Interrogé sur ce qu’il faisait de ses photos après les avoir payées, l’intéresse n’a pas donné suite.

Pour les vendeuses qui sont éloignées du money slave, on remarque de fortes similitudes dans les profils et motivations. Bien souvent étudiantes, elles souhaitent « gagner facilement de l’argent », affirme l’une d’entre elles. Pour les vendeurs de photos, le fait que ce soit des pieds comporte plusieurs avantages. Cela permet à la fois de garder l’anonymat et de ne montrer qu’une partie du corps qu’on pourrait considérer comme illusoire et sans intérêt, à part bien sûr pour les fétichistes. « C’est juste des pieds », rétorque une vendeuse. Preuve de l’essor de la pratique, c’est « en entendant parler de money slave sur les réseaux sociaux » que Lola* à commencer à vendre des photos de ses pieds.

Sur la question de ne plus vendre des photos de pieds, mais de leurs corps, presque toutes mettent en avant la différence entre les deux. « J’ai déjà vendu [une photo] de ma main mais c’est tout, je n’irai jamais aussi loin [vendre un nude] », avoue Marie via Instagram, révélant par ailleurs qu’un acheteur le lui a « déjà demandé ». Toutefois, Lola affirme, elle, que « les gens sont ancrés dans l’idée que le corps d’une femme est un objet et qu’il doit être sexualisé. Mais non, c’est pareil qu’un homme, il n'y a donc aucune différence ! ». Afin de vendre leurs photos, toutes ont la même stratégie : des tweets, certains avec les fameux hashtags, réclamant des Sugardaddy pouvant les rémunérer, ainsi que le partage de leur compte PayPal. « J’mets mon compte PayPal en ligne et je rajoute [en description] ‘’10 euros pour mon pied’’ », témoigne Marie.

« Je suis tombé dedans y a 7-8 ans » – Yves, money miss masculin

Money miss masculin, Yves* raconte être « tombé dedans il y a 7-8 ans ». C’est par sa « copine de l'époque », qui « dominait des mecs en virtuel et en réel », qu’il a découvert la pratique. Il confie avoir « de suite adhéré » à celle-ci « J'ai participé à certaines séances avec elle et c'était assez fou de voir ces mecs obéir à la moindre de ses paroles. J'ai un peu continué sans elle après, mais pas très longtemps. Après un très long break j'ai repris y a quelques mois », révèle-t-il.

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L’homme, âgé d’environ 30 ans, révèle ses techniques pour « fidéliser les money slave ». Selon lui « il n’y a pas de secret ». « Il faut analyser leurs envies, ce qui les excite, et leur en donner suffisamment, mais pas trop, pour qu'ils soient satisfaits et qu’ils en redemandent encore la fois suivante. Il y a aussi une certaine part de chance, tomber sur la bonne personne, être là au bon moment ».

Grâce au money slave, il aurait accumulé une somme mirobolante : « Cela se compte en milliers d'euros », révèle-t-il. Mais, il ne figurerait pas parmi les mieux rémunérés. Il déclare avoir « déjà vu certains pots communs monter à plus de 10 000 euros ».

Au sujet de son rapport à l’esclavage financier qu’il subit, Tom explique qu’il s’estime « inférieur à des mecs alphas » et se « soumet à eux en raquant [payer, faire une offrande, N.D.L.R], en faisant des offrandes pour les servir ». Il assure ne pas « verser de dons » et ne pas les « acheter ». Il confie agir « par principe, par soumission ».

Pour les offrandes, il révèle que deux issues s’offrent à lui : soit il fait une offrande volontairement, soit il en « reçoit l’ordre parce que [son] maître veut se payer quelque chose ». Ainsi il « raque pour rembourser une de ses factures, taxes ou amendes pour mauvais comportement ».

Selon lui, « le vrai FinDom c’est ça ». Il offre de l’argent sans demander aucun service en retour. Pour les hommes « d’un peu plus de 40 ans », en France « beaucoup pensent que c’est de l’argent facile ». Toutefois, il avoue ne pas être contre un cadeau : « Si mon maitre veut me faire plaisir, me récompenser en m’envoyant une photo de lui excitante, je suis ravi évidemment et fier de sa confiance ».

VICE France est aussi sur Twitter , Instagram , Facebook et sur Flipboard.

* Les prénoms ont été modifiés.

Cet article a été publié sur VICE FR.

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<![CDATA[Cette Montréalaise transforme vos déchets en énergie renouvelable]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/y3m9k7/cette-montrealaise-transforme-vos-dechets-en-energie-renouvelableFri, 24 Apr 2020 02:25:02 GMT

Cette série fait partie de Ré:Génération, un partenariat entre VICE et Toyota Canada qui souligne les histoires et les personnes liées au mouvement croissant pour l'énergie durable.

Du développement de programmes de biogaz à Cuba à des collaborations locales, nous découvrons comment la gestionnaire de projets en énergie renouvelable, Charlotte Yan, explore les solutions en énergie durable au Canada et à travers le monde.

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<![CDATA[Rencontrez les ingénieurs québécois derrière la première motoneige électrique dans le marché]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/n7jg5g/rencontrez-les-ingenieurs-quebecois-derriere-la-premiere-motoneige-electrique-dans-le-marcheThu, 16 Apr 2020 12:22:08 GMT

Cette série fait partie de Ré:Génération, un partenariat entre VICE et Toyota Canada qui souligne les histoires et les personnes liées au mouvement croissant pour l’énergie durable.

Nous avons rencontré Gabriel Bernatchez et Paul Achard pour en apprendre sur les défis que pose la création d’une motoneige entièrement électrique et leur vision d’un avenir avec plus de véhicules hors route électriques.

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<![CDATA[Comment utiliser la Terre comme batterie]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/5dmjg3/comment-utiliser-la-terre-comme-batterieThu, 05 Mar 2020 13:29:48 GMT Cet article fait partie de Ré:Génération, un partenariat entre VICE et Toyota qui souligne les histoires et les personnes liées au mouvement croissant pour l’énergie durable.

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Il faut l’avouer, on fait tous un peu le saut quand on reçoit sa première facture d’Hydro-Québec de l’hiver. On estime en effet qu’environ 64 pour cent des frais énergétiques d’une habitation sont consacrés au chauffage. Mais, dans un bureau de la ville de Québec, Marc-Antoine Audy et son équipe proposent une autre solution durable, dont les secrets sont enfouis sous terre.

À peine âgé de 30 ans, Audy est coprésident et copropriétaire d’Induktion Géothermie, avec qui il fait la promotion de cette énergie renouvelable qu’on connaît encore mal dans la province. Pourtant, la géothermie pourrait offrir une solution énergétique durable pour de nouvelles constructions, qui s’inscrit dans une volonté de diversification de nos sources d’énergie. On a donc jasé avec lui afin qu’il nous explique son parcours et les solutions que peut offrir la géothermie.

VICE : Salut Marc-Antoine! On connaît encore très peu la géothermie au Québec. Comment t’es-tu retrouvé dans ce milieu?

Marc-Antoine Audy : Je suis natif de Québec, et j’ai étudié à l’Université Laval en génie mécanique avant de faire une maîtrise en génie alimentaire. Ce qui me motivait le plus, c’était de contribuer à la lutte contre les changements climatiques de manière concrète et tangible, et la construction écoénergétique me semblait être une bonne avenue.

Quand j’étais dans l’agroalimentaire, on parlait beaucoup de l’importance du chauffage et de la qualité de l’air dans les bâtiments. Dans ce domaine-là, on utilise beaucoup la combustion de biomasse, et même si c’est moins pire que les combustibles fossiles, ça entraîne tout de même de grosses émanations de gaz à effet de serre.

Peux-tu m’expliquer en quelques mots c’est quoi, la géothermie?
Pour le dire simplement, c’est d’aller puiser l’énergie dans le sol pour réduire de près de 70 pour cent la consommation énergétique d’un bâtiment. Ça couvre donc le chauffage, l’eau chaude et la climatisation. C’est la technologie la plus écoresponsable qui soit.

Le principe est de poser un échangeur de chaleur souterrain et de faire circuler dans un tuyau un liquide caloporteur qui sera perturbé par la chaleur du sol. On amasse donc beaucoup d’énergie et de chaleur du sol, qu’on renvoie dans le bâtiment au-dessus pour le chauffer efficacement, peu importe sa taille. Le sol devient donc une batterie très puissante.

Connaissais-tu déjà un peu les bases de la géothermie avant de commencer dans l’entreprise, ou c’était complètement nouveau pour toi?
Quand j’étais en génie mécanique, en fin de programme, je devais choisir des cours à option. Il y en avait un en mécanique du bâtiment, et près de 35 pour cent du cours était consacré aux énergies innovantes. Il était donc question des énergies solaire et photovoltaïque, et la géothermie en faisait aussi partie.

Je trouvais que c’était une solution vraiment intéressante et qui méritait d’être développée. Je me suis donc intéressé à la géothermie, j’ai rencontré l’équipe d’Induktion et je me suis lancé dans cette aventure!

Certains pays, comme l’Islande, sont réputés pour leur utilisation de cette technologie. Pourquoi en entend-on moins parler ici?
Au Québec, le coût de l’électricité est bas grâce à l’hydroélectricité. Ce n’est donc pas un sujet qui interpelle le commun des mortels, dont la maison est chauffée par des plinthes électriques, car le coût des rénovations est considérable si on veut passer à la géothermie, et les maisons ne sont pas toujours compatibles. Par contre, dans les maisons de luxe chauffées par des thermopompes, il y a un gain d’intérêt. Il y a aussi le coût du forage, qui est très élevé et peut rebuter les gens qui voudraient s’y intéresser.

L’intérêt se trouve donc davantage dans le cas de nouvelles constructions, ou pour des espaces commerciaux. C’est un gros investissement initial, mais les gens voient vite que ça en vaut largement la peine au bout du compte. C’était aussi plus simple avant, car le gouvernement offrait un crédit d’impôt qui permettait aux gens d’économiser s’ils convertissaient leur bâtiment à la géothermie, mais il n’est malheureusement plus offert.

À quoi ressemble le futur proche pour la géothermie?
Avec les programmes de location qu’on met de l’avant, qui permettent d’éliminer les risques associés à un investissement, on peut répondre à la demande dans le Grand Nord québécois. Les coûts de chauffage là-bas sont énormes, et les gens chauffent principalement au diesel, qui coûte cher et pollue. Donc, leur très haut coût d’électricité peut être réduit par des systèmes géothermiques. Évidemment, c’est un enjeu logistique, car ça implique la mobilisation des équipements pour réaliser les projets, qui sont très coûteux.

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<![CDATA[Habiter loin, voir loin]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/pkexpb/habiter-loin-voir-loinThu, 05 Mar 2020 13:25:32 GMT Cet article fait partie de Ré:Génération, un partenariat entre VICE et Toyota qui souligne les histoires et les personnes liées au mouvement croissant pour l’énergie durable.

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Quand il est question de mettre un frein aux changements climatiques, on essaie tous de faire notre effort, du mieux qu'on peut. Pour certains, des petits gestes vertueux au quotidien apaisent notre écoanxiété, mais il y en a d'autres pour qui ce n'est simplement pas assez.

« J'avais fait un bacc en génie du bâtiment à Concordia, ainsi que des études en gestion durable du carbone à l'Université du Québec à Chicoutimi », raconte William Gagnon. Le jeune homme de 27 ans, originaire de la banlieue de Montréal, vient également de compléter un fellowship en décarbonisation dans les milieux autochtones à la prestigieuse université new-yorkaise Cornell.

Tout plaçait donc William sur une trajectoire à peu près certaine dans le milieu du développement durable. Pourtant, le vrai éclat de génie survient lorsqu'il travaillait comme coordonnateur dans une grande firme d'architecture. « On m'a mis sur un projet qui n'avait aucune valeur de développement durable : un stationnement à étages à l'aéroport de Montréal! », dit Gagnon en riant.

avec plusieurs dizaines de milliers de dollars en dettes étudiantes, le jeune homme se trouve un emploi à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. « Je me suis juste lancé », confie William. « Je n'avais aucune idée c'était où, ou ce que j'allais y faire. Finalement, c'est en arrivant ici que je me suis rendu compte que je vivais les impacts des changements climatiques. Dans les communautés que je visitais, on ne me parlait que de ça, à tous les jours. Ici, c'est super tangible, la glace fond, les poissons se font plus rares. Ce n’est pas ''dans 50 ans...'', c'est maintenant. »

Par contre, les Territoires du Nord-Ouest représentent pour Gagnon une réelle opportunité de créer des changements dans les communautés. Jusqu'à décembre dernier, William travaillait sur un projet de construction pour le Northern Centre for Sustainability, un laboratoire innovateur basé sur les Objectifs de développement durable de l'ONU. Situé dans le Nord circumpolaire, ce serait le premier bâtiment à bilan de carbone négatif au Canada.

Mais comment faire pour avoir un bilan de carbone négatif? William et son équipe ont eu quelques idées ingénieuses. « Si on prend un bois qui pousse à proximité et que l’on replante chaque arbre qui est abattu, le bois, c’est un super matériau pour notre bilan de carbone. De plus, j’ai découvert une technologie en Finlande. C’est comme de la combustion de biomasse, pour le chauffage, mais cette biomasse est comprimée pour faire des pastilles de carbone pur, qui peut être planté et favorise la santé du sol. C’est donc un procédé à carbone négatif. »

Cette technique est d’ailleurs une excellente idée pour la région, où le prix du chauffage représente une dépense énorme. « C'est très agréable, mais la vie est plus difficile en termes de logistique. Il fait froid, évidemment, et on peut se ramasser avec une facture de chauffage de 2000 $ », dit Gagnon, à propos de sa nouvelle terre d’accueil.

Selon les plans, le Northern Centre for Sustainability devrait servir de quartier général où des entrepreneurs locaux pourraient réaliser des projets touchant la lutte contre les changements climatiques. Et depuis son arrivée dans les TNO, Gagnon ne cesse de participer à des projets du genre. Il a par exemple proposé des idées pour le Yellowknife Smart Cities Challenge, grâce auquel Gagnon et son équipe ont pu recevoir 250 000 $ en bourse. Leur idée : transformer Yellowknife en ville sans pollution lumineuse. Cela aurait pour but non seulement de redonner aux habitants de la ville leur ciel étoilé, mais attirerait également des touristes, qui pourraient venir admirer les aurores boréales.

Aujourd'hui, William continue d’imaginer le futur de la région, en tant qu’agent du développement économique, au Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest. Avec cet emploi, il espère pouvoir créer des ponts avec les communautés autochtones et encourager des projets de développement durable, ainsi que créer une économie circulaire dans ces communautés souvent oubliées par les gouvernements.

Souvent invité à donner des conférences, d'Anchorage à Shenzhen, en passant par une présence au COP25 à Madrid, Will se plaît à rassembler les idées les plus innovantes qu'il rencontre lors de ses déplacements, afin de les ramener et tenter de les mettre en pratique dans sa région. Il évoque, par exemple, un avion électrique qu'il a pu piloter en Scandinavie, et qui pourrait être bénéfique dans sa région, où beaucoup de transport personnel et commercial s'effectue par voies aériennes.

« Dans les communautés nordiques, on voit un réel intérêt pour les énergies renouvelables, surtout dans le secteur des bâtiments. On dépense 20 millions de dollars par année en diesel que l'on doit importer de l'Aberta. Ça semble être peu, mais on est seulement 44 000 habitants dans les TNO, donc ça revient à un gros montant par personne », conclut l'ingénieur. « Si on arrêtait d'importer du diesel et qu'on créait un système électrique pour nous-mêmes, ça créerait des emplois et ça nous sauverait beaucoup d'argent! »

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<![CDATA[Ce qu’est le greensplaining et pourquoi il faut l’éviter à tout prix]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/vb9jj9/ce-quest-le-greensplaining-et-pourquoi-il-faut-leviter-a-tout-prixThu, 20 Jun 2019 20:11:04 GMTAudrey Roy se souvient de cette première date Bumble, il y a quelques semaines, avec un Nicolas prometteur, qui avait de la répartie et la mâchoire carrée. Elle commande une première bière, un peu nerveuse, et commence par les banalités d’usage : « J’ai dit que j’habitais loin et que j’étais venue en char, et là, il a poussé un long soupir, raconte-t-elle. Il a commencé à me dire : “Tu sais, chaque fois que tu prends ton char, ton empreinte carbone c’est bla bla bla…” et il a commencé à faire mon bilan d’émissions de gaz à effet de serre. » Audrey, qui étudie au Collège Maisonneuve, a participé activement aux manifestations étudiantes pour le climat cette année. Oui, elle sait que c’est mauvais pour l’environnement de prendre sa voiture. « Il m’a fait dix minutes de greensplaining avant que je puisse dire un mot, raconte Audrey. Je suis partie avant la fin de ma pinte. »

Le terme greensplaining n’est pas encore entré dans le dictionnaire, et il n’est même pas mentionné dans le fameux Urban Dictionary, mais on l’entend de plus en plus, particulièrement dans les cercles environnementaux. Les greensplainers sont ces gens qui vous font la morale en surexpliquant (sans que vous ayez demandé quoi que ce soit) avec condescendance pourquoi l’avion que vous avez pris l’été dernier a détruit la planète, quelle souffrance a causée votre sandwich ou à quel point vous recyclez de travers.

« Le greensplaining, c’est une forme de sexisme qui s’est transformé, explique Elza Kephart, réalisatrice et militante écologiste. Les hommes peuvent trouver qu’ils ont désormais une bonne raison de mansplain, ils se sentent plus à l’aise de le faire parce qu’ils parlent d’environnement et que c’est une bonne cause. »

Les activistes environnementaux expliquent qu’ils sont particulièrement ennuyés par cette tendance , parce qu’ils pensent que les gens risquent de faire l’amalgame entre greensplaining et militantisme.

« Le problème, c’est que les gens pensent qu’il y a des greensplainers dans tous les groupes, dit Louis Ramirez, militant du groupe Extinction Rebellion. Ils pensent qu’on est tous vegans, sans voitures, qu’on prend jamais l’avion, etc. Mais c’est pas vrai, on n’est pas là en train de dire : il faut que vous changiez, et nous, on est meilleurs. On est en train de dire : on est collectivement en train de vivre quelque chose qui est en train de nous détruire et on peut faire quelque chose ensemble. »

Louis Ramirez a lui aussi remarqué que les femmes étaient particulièrement visées par cette façon de surexpliquer les questions de climat. Ce spécialiste en communication a justement travaillé sur un rapport sur les façons de parler des changements climatiques, sans être moralisateur ni culpabilisant : « Dire à quelqu’un : “Allez, fais tes petits gestes”, c’est comme dire à un enfant : “Vas-y mange ton brocoli très vite, comme ça, tu le sentiras pas », tu leur apprends pas l’amour de la chose. Le greensplaining, 1) ça t’isole, ce qui est démotivant, 2) eux se sentent culpabilisés, donc ils ne t’aiment pas, et 3) ils ne changent pas d’avis. »

Tous les témoins s’accordent pour dire que les greensplainers ne sont pas là pour écouter ou éduquer, mais plutôt pour étaler leurs connaissances. C’est l’expérience d’Émilie Côté, jeune doctorante qui a écrit des rapports sur les sables bitumineux, un sujet qu’elle étudie depuis plusieurs années. Lors d’une soirée, un ami d’un ami apprend qu’elle travaille sur le sujet : « Il a commencé à m’expliquer ce qu’étaient les sables bitumineux », raconte Émilie. Au début, elle a pensé qu’il avait mal compris : « Oui, je sais, c’est mon sujet d’études, c’est mon sujet de doctorat », a-t-elle insisté. Mais l’étudiant a sorti un crayon et un papier « et il a dessiné quelque chose pour me montrer la composition des sables... [Elle marque une longue pause.] C’est dans ces moments-là que tu dois te contrôler pour ne pas dire une insulte. »

Émilie a choisi de quitter poliment la table et d’éviter cet homme le reste de la soirée : « Je dois souvent expliquer à mes parents ou d’autres gens des informations sur le climat, mais je sais comment le faire sans avoir l’air d’une asshole, dit-elle . En fait, c’est surtout ça la morale : don’t be an asshole, surtout pas sur un sujet aussi important que l’environnement. »

Suivez Marie Boule sur Twitter.

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<![CDATA[Le rêve américain de Kay Bandz]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/bj9bbv/le-reve-americain-de-kay-bandzThu, 20 Jun 2019 18:51:12 GMTAprès plusieurs échanges de textos, j’obtiens finalement un rendez-vous avec Kay Bandz, chez lui, sur la Rive-Nord. Je sonne, et une femme d’un certain âge ouvre la porte. « Je ne connais aucune personne du nom de Kay », me dit-elle, visiblement vexée d’être dérangée.

Je vérifie les coordonnées et appelle le rappeur. « Retourne-toi, je suis dans la fenêtre, juste en face, me dit-il en riant. Je ne donne jamais ma vraie adresse par téléphone. »

Le jeune rappeur d’origine haïtienne m’invite alors dans sa grande maison d’un nouveau développement de banlieue. Il s’installe confortablement dans son large sofa, un verre de lean, une boisson au sirop codéiné, à la main. Ses chaînes, ses bagues et sa montre, incrustées de diamants, reflètent le soleil qui entre par la fenêtre. Une grosse pile de billets de 20 $, un money phone d’une valeur de plusieurs milliers de dollars traîne sur la table. « J’ai toujours ça avec moi, lance-t-il. J’ai le droit. »

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Kay Bandz vient tout juste de lancer une mixtape qui rassemble certaines des meilleures voix du rap local. Tizzo, Shreez, White-B, Lost, Demon DOA, Lk Tha Goon et Obia le Chef, notamment, se retrouvent sur le projet intitulé MTL, Vol. 1.

« J’ai décidé de faire appel à ces gens parce que je voulais donner la chance à toute la scène montréalaise, explique-t-il. Je voulais mettre la ville au complet sur la mixtape. Je veux aussi montrer que je ne suis pas en compétition avec eux, parce que je travaille exclusivement en anglais. »

Le rappeur, qui a grandi dans l’arrondissement d’Anjou, estime d’ailleurs qu’il est boudé par la scène locale depuis plusieurs années. « Je travaille vraiment fort, mais personne ne me remarque parce qu’ici, tout se passe en français. J’ai toujours travaillé en anglais et c’est devenu mon image. Mon but n’est pas de rester à Montréal. Je rêve de percer à l’international. D’ailleurs, dans quelques mois, je bouge aux États-Unis. »

Kay Bandz multiplie les approches chez nos voisins du Sud. Il est d’ailleurs très fier de me montrer qu’il est sur une playlist de la radio par satellite Shade 45, fondée par Eminem. Il s’est aussi payé des collaborations avec les rappeurs américains Gunna, Zoey Dollaz et Lil Baby sur sa mixtape précédente, TNTS, paru au mois de mai.

Boulimique de studio, il veut inonder le marché de sa musique au courant de la prochaine année. Au moins une mixtape par mois. « J’ai 100 chansons qui dorment dans mon ordinateur. Mais je ne vais pas me brûler, t’inquiètes. Pour moi, c’est une éthique de travail. Lil Wayne et Gucci Mane ont sorti combien de mixtapes avant que ça fonctionne? »

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Il ne prend même plus la peine d’écrire des textes avant d’enregistrer. Il rappe comme ça vient, une fois au studio. « Je fais systématiquement du freestyle. J’écoute le beat et je me laisse aller. Je parle de ce que je vis et de ce que je vois autour de moi. C’est clair que c’est dur, mais je ne connais rien d’autre. Ce dont je parle c’est vrai à 100%. C’est peut-être pour ça que j’ai de la difficulté au Québec. Les gens ici, ils n’aiment pas le gangstérisme et la controverse. »

Kay Bandz est néanmoins conscient de la difficulté de percer le marché américain, où des milliers de rappeurs rêvent de devenir la prochaine sensation. En attendant, avec ses chaînes, sa grosse voiture et son lean, il a déjà adopté le mode de vie de ses artistes préférés. « C’est certain qu’on va se revoir, dit-il. Ça se peut que ce soit dans cinq ans, mais je ne vais juste pas abandonner. »

Simon Coutu est sur Twitter .

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<![CDATA[Quelques bonnes raisons de rester optimiste face à la crise climatique]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/nea93d/quelques-bonnes-raisons-de-rester-optimiste-face-a-la-crise-climatiqueThu, 20 Jun 2019 18:15:48 GMTL'article original a été publié sur VICE États-Unis.

En mars, la paléoécologiste Jacquelyn Gill a écrit un tweet montrant peut-être le sentiment le plus contrastant pour une scientifique au sujet des changements climatiques : de l’optimisme.

Dans ses recherches à l’Université du Maine, elle étudie le passé pour voir comment les espèces réagissent aux bouleversements planétaires. Elle croit que c’est grâce à cette très vaste échelle de temps qu’elle a pris conscience de notre capacité d’adaptation et notre résistance. « Avec les traces fossiles, la Terre nous enseigne littéralement comment s’en sortir, écrit-elle. Ça me pousse à me relever les manches. »

Sa position est diamétralement opposée à celle d’un récent rapport du Breakthrough National Center for Climate Restoration, un think tank de Melbourne, en Australie, qui prédit l’extinction de l’humanité en 2050. Cette conclusion est basée sur la modélisation des données d’un scénario dans lequel on continuerait à rejeter autant de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane dans l’atmosphère d’ici là. D’autres ont fait écho à cette condamnation, affirmant que le réchauffement de l’Arctique ne peut désormais que se poursuivre et que les émissions de CO2 ont dépassé le point de non-retour.

Cette rhétorique catastrophiste peut donner envie de jeter l’éponge. Mais les scientifiques qui étudient l’histoire ont des arguments solides en faveur du pragmatisme optimiste de Jacquelyn Gill. Comme elle, des paléontologues et archéologues fouillent le passé à la recherche d’indices susceptibles de nous aider à améliorer notre avenir, et ils constatent que nous sommes, comme les autres animaux, des survivants.

Leur optimisme ne les empêche pas de reconnaître que les changements climatiques sont réels, qu’ils sont le résultat de l’activité humaine et qu’il y a urgence. Malgré tout, ils insistent sur une raison de garder confiance : nous ne partons pas de rien. « Nous pouvons nous servir de la grande quantité d’information à notre disposition et notre grande ingéniosité pour élaborer de très bons plans basés sur la science pour nous guider dans l’avenir, assure-t-elle. Nous avons tous les outils et la capacité pour progresser. Il ne nous manque que la volonté. »

Cette dernière remarque, au sujet de la volonté, c’est la manière douce de dire qu’il faut que les décideurs écoutent et agissent en conséquence. Ils ont de la chance — tout comme les prochaines générations : les scientifiques leur donnent tout ce qu’ils doivent savoir.

Les crises climatiques précédentes ont déclenché des changements positifs

Dans les dizaines et centaines de milliers d’années avant nous, il y a eu des fluctuations climatiques, et des humains y ont survécu. Ils ont traversé des sécheresses, des inondations, des extinctions, des effondrements de civilisations entières. Leurs expériences peuvent composer pour nous une sorte de manuel, ou, à tout le moins, une esquisse de ce qui se prépare.

À partir des traces d’activité biologique fossilisées, Jacquelyn Gill a observé que des espèces ont une plus grande capacité d’adaptation aux changements climatiques que d’autres. Certaines migrent et d’autres trouvent des moyens de vivre dans de nouveaux écosystèmes. Nous avons beaucoup en commun avec les survivants des grandes extinctions : une grande capacité d’adaptation, la mobilité et la capacité de modifier notre environnement pour qu’il réponde mieux à nos besoins. La connaissance de ces périodes de l’histoire nous aide à concevoir des solutions.

Prenons un exemple : la civilisation maya a fait face à de sévères difficultés environnementales, comme des sécheresses, la déforestation et des pertes de récoltes. Les chercheurs ont tendance à voir l’abandon d’une structure urbaine comme un effondrement social complet, dit Tim Kohler, un archéologue et anthropologue de l’évolution à l’Université Washington State. Maintenant, ils découvrent que les Mayas ne se sont pas laissés simplement disparaître : ils se sont réorganisés et ont persévéré.

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Pueblo Bonito à Chaco Canyon. Photo gracieusement fournie par Nathan Crabtree.

« Ils vivent simplement dans de différents endroits maintenant, mais ils ont conservé une appartenance à ces lieux et reconnaissent que les gens qui vivaient dans ce lieu longtemps avant étaient leurs ancêtres, à tout le mois dans un sens général », poursuit-il.

Semblablement, dans les zones côtières du Pérou, des sociétés complexes avec de grands monuments, une autorité hiérarchique et des canaux d’irrigation ne sont apparus qu’après des événements catastrophiques découlant d’El Niño. Selon Dan Sandweiss, un archéologue qui étudie les effets d’El Niño sur le Pérou à l’Université du Maine, une théorie veut que ces innovations soient survenues en réaction aux changements climatiques, un possible élément déclencheur d’une croissance sociétale. Dans le même genre, le Dust Bowl, région des États-Unis touchée par une sécheresse dévastatrice dans les années 30, a engendré le programme national d’assurance agricole et d’importants changements dans l’utilisation des terres.

Dans bien des cas, l’« effondrement » de la civilisation s’est accompagné du démantèlement du pouvoir : l’autorité religieuse, le gouvernement. « Mais en général, un grand nombre de personnes survivent », rappelle Tim Kohler. Ces périodes peuvent être des occasions d’effectuer des changements culturels ou de corriger des inégalités.

Il y a des leçons du passé que l’on peut mettre en pratique dès maintenant

Dans les changements culturels, sociétaux et environnementaux que des populations ont effectués après des désastres d’origine climatique, les scientifiques peuvent puiser de l’information non seulement sur ce qui a été détruit, mais aussi sur ceux qui ont survécu. Cette information peut servir de guide dans les prochaines étapes de l’adaptation à la montée du niveau des océans et aux autres conséquences, et aussi nous aider à éviter de commettre de nouvelles erreurs dans l’établissement de communautés.

Les humains disposent de 14 000 d’expérience en adaptation aux montées du niveau des océans en Floride, dit Ken Sassaman, un archéologue de l’Université de la Floride qui étudie les populations côtières de cette région. « Nous avons un incroyable trésor d’archives de l’expérience humaine face aux changements du niveau de l’océan. Nous devons puiser là-dedans. »

En Floride, jusqu’à il y a 2000 ans, les populations indigènes n’avaient pas bâti beaucoup d’infrastructures sur la côte. Mais ensuite, elles ont commencé à construire ce que les archéologues appellent des « centres civiques de cérémonies » : des lieux communautaires où l’on pouvait se réunir pour des banquets ou des cérémonies religieuses, entre autres. Ils avaient un autre usage : des groupes installés en divers endroits tissaient par cet intermédiaire un réseau social régional pouvant servir en temps de crise ou s’il fallait se déplacer.

Si Ken Sassaman était responsable d’une ville comme Miami, il dit qu’il s’en inspirerait et demanderait à des sociologues de repérer des réseaux sociaux existants dont disposent les résidents actuels, ainsi que des lieux où ils devraient aller si le niveau de l’océan montait au point où leur ville serait inhabitable.

Récemment, il s’est aussi intéressé une petite ville appelée Cedar Key, dévastée par un ouragan en 1896. Elle se situe sur Atsena Otie, dans les Cedar Keys, des îles au large du nord-ouest de la Floride. La population locale avait surexploité les ressources forestières de l’île pour sa meunerie, ce qui a accentué la vulnérabilité de la côte en cas de tempêtes. On avait aussi pêché les huîtres en trop grande quantité, affaiblissant les récifs qui, par conséquent, n’ont pas contenu la marée de tempête qui a balayé la ville.

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La meunerie Eberhard Faber à Atsena Otie huit mois avant l’ouragan de 1896. Source : Florida Memory Project

Ken Sassaman a conçu une façon de permettre aux gens d’être témoins de ce qui s’est produit pour les sensibiliser aux causes des catastrophes environnementales. Il a lancé un projet de simulation en réalité virtuelle de la ville avant l’ouragan. « De cette façon, les gens peuvent comprendre que, même si la ville était un modèle florissant de développement côtier à l’époque, on avait essentiellement construit un château de cartes. »

Malheureusement, il semble que l’on ait construit un château de cartes à nouveau, sous la forme de villes au niveau de la mer, et le niveau est en train de monter. Mais cette fois, les scientifiques peuvent mieux prévoir ce qui s’en vient et déterminer où les gens devraient aller, comment les y accueillir et ce qui sera perdu à cause des effets du réchauffement climatique.

On peut penser que l’étude des catastrophes du passé ne nourrit pas l’optimisme, mais la capacité de modéliser un monde où la température sera plus élevée est une force, selon Peter de Menocal, géologue marin et paléoclimatologue au Lamont-Doherty Earth Observatory de l’Université Columbia. « Ce n’est qu’en connaissant le passé qu’on peut savoir de quoi sera fait l’avenir », rappelle-t-il.

Dans les données géologiques à notre disposition, le maximum thermique du passage Paléocène-Éocène est ce qui se rapproche le plus des changements climatiques actuels. Il y a 55 millions d’années, la Terre s’est très soudainement réchauffée de 8 °C de plus qu’aujourd’hui, à cause de gigantesques émissions de CO2. Le réchauffement a duré environ 200 000 ans et causé une grande extinction.

On peut ainsi voir ce qui s’est passé et à quel point l’environnement s’est dégradé, ce qui nous donne la possibilité d’évacuer les doutes au sujet de ce qui se passe actuellement et de nous servir du passé comme source de motivation pour faire en sorte qu’il ne se répète pas. On peut dire avec absolue certitude qu’un réchauffement planétaire engendre l’extinction d’espèces et force l’abandon des lieux où les humains se sont installés. Cela devrait susciter des décisions politiques visant à freiner ce qui se prépare.

Le catastrophisme et le pessimisme ont un revers concret

Peter de Menocal s’émerveille de cette possibilité de prévoir. « Nous avons la capacité de voir l’avenir, ce qui est vraisemblablement un plus grand pouvoir que tout ce qu’avaient les anciennes sociétés, estime-t-il. Avoir une idée de ce qui est en jeu permet réellement de renforcer la certitude qu’il faut faire quelque chose. Je pense qu’il y a une chose qu’on ne peut pas faire, c’est dire au monde que ce sera bientôt l’enfer sur terre et qu’il n’y a rien qu’on puisse faire pour l’empêcher. »

Les scénarios les plus pessimistes attirent l’attention, mais des recherches ont montré qu’ils ne sont pas efficaces pour susciter l’action. Penser au pire limite la créativité et hausse le stress.

Pour en parler, Per Espen Stoknes, spécialiste des effets psychologiques des changements climatiques au Centre pour la croissance verte à la BI Norwegian Business School, a décrit dans une entrevue le mois dernier ce phénomène qu’il appelle la « doom barrier » : « Nous avons beaucoup d’études qui montrent ce qui a tendance à inciter les gens à renoncer, et c’est la peur et le sentiment de culpabilité, ce que le catastrophisme a tendance à susciter. »

Des chercheurs et des militants qui se consacrent à la crise climatique parlent souvent ouvertement de constat. « Tout compte fait, le pessimisme n’est pas acceptable », a dit Naomi Oreskes, historienne de la science à l’Université Harvard, au cours d’une entrevue en 2016. « Ça devient une excuse pour abandonner. »

L’optimisme fondé sur la connaissance du passé concerne l’espèce dans son ensemble : l’humanité en général va survivre. Mais on n'ignore pas que, sur une base individuelle, il y aura des pertes. « Ce peut être les récifs coralliens qu’on aime, qu’on est allé voir quand on était enfant, mais que nos petits-enfants risquent de ne pas pouvoir voir », donne en exemple Jacquelyn Gill.

On devrait viser plus que la seule survie de l’espèce, mais si l’enjeu de la survie est ce qui nous pousse à se battre, on doit s’y accrocher, selon elle. « Ces tragédies personnelles peuvent monter à la surface une fois qu’on est capable de délaisser une sorte de peur existentielle générale et de se concentrer sur ce qui est réellement en danger », dit-elle.

Le but est de s’en servir comme point de départ de l’innovation et du changement

Un fait encourageant à propos du passé : il rappelle que chacun de nous est un descendant de survivants, rappelle Tim Kohler. « C’est ainsi que marchent les systèmes évolutionnaires. Et ça, en soi, pourrait être une raison d’être optimiste. »

Ken Sassaman dit qu’il peut voir dans l’activité des anciennes communautés floridiennes que l’on n’a pas simplement laissé la nature suivre son cours, mais qu’on a été proactif. Devant la montée du niveau de l’océan qui s’est accéléré au cours de plusieurs décennies, ils déterraient fréquemment leurs morts pour les réenterrer plus haut.

« Je me sers de cet exemple juste pour montrer que ces anciennes communautés tiraient profit d’un très profond perspectivisme du temps dans le but d’imaginer l’avenir bien plus vaste que l’échelle des gens d’aujourd’hui », explique-t-il.

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Emily Bernstein

C’est peut-être la plus grande leçon qu’il a retenue : nous devons adopter une perspective du temps qui dépasse le passé et l’avenir immédiats. « Si vous êtes entrepreneur, vous pensez en fonction d’une échelle trimestrielle, poursuit-il. Si vous êtes politicien, vous pensez en fonction d’un mandat. Mais qui pense en fonction d’un siècle? »

Il n’est pas suffisant d’être spectateur du passé, d’après les chercheurs interrogés. Pour la première fois, nous disposons de la technologie et de la connaissance de notre histoire pour prendre les choses en main. Nous devons changer ces vastes connaissances en actions et nous baser sur la simple reconnaissance que nous savons comment survivre comme point de départ de l’innovation et du changement.

La Confédération iroquoise avait adopté le principe de la septième génération. Il s’agit de réfléchir aux effets des grandes décisions sur la société dans les sept prochaines générations. Si c’était le seul concept que nous empruntions au passé, selon Ken Sassaman, notre avenir serait déjà très différent. « Imaginez qu’on envisage les choses ainsi, ajoute-t-il. Ça changerait complètement notre façon de faire. »

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<![CDATA[Comment célébrer la Fierté sans alcool]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/7xgevd/comment-celebrer-la-fierte-sans-alcoolWed, 19 Jun 2019 19:47:08 GMTL'article original a été publié sur VICE États-Unis.

Dans le monde, juin, le mois de la Fierté est synonyme de parade, d’arc-en-ciel, de paillettes et, évidemment, de partys. C’est une occasion pour la communauté LGBTQ de se rassembler, de célébrer et d’être tous nous-mêmes dans toute notre gloire queer.

Pour quelques-uns d’entre nous – moi très comprise –, la perspective de célébrer notre identité peut faire peur et nous faire sentir vulnérables. On peut se sentir comme si l’alcool et la drogue sont les seuls moyens sûrs de s’ouvrir et de nous montrer tels que nous sommes. Mais prendre ce moyen est impossible ou risqué pour celles et ceux qui sont aux prises avec un problème de dépendance.

Je ne peux pas me faire confiance avec l’alcool, une réalité que m’ont enseignée de mauvaises décisions et des conséquences encore plus mauvaises. Pour cesser de boire de l’alcool, j’ai dû éviter toutes les circonstances où il y avait de l’alcool pendant environ un an avant d’être capable de composer avec le fait que d’autres personnes peuvent boire, mais que je ne le peux pas. Dans les six dernières années, j’ai dû faire des ajustements à mes activités de lesbienne pour exclure l’alcool. Ç’a été extrêmement difficile à la plupart des festivals de la Fierté, parce qu’un très grand nombre des activités LGBTQ ont lieu là où il y a de l’alcool. Je voulais le bonheur de faire partie de la communauté, mais je me sentais comme une outsider.

Toutefois, plus le temps passait, plus je découvrais qu’il y a beaucoup de personnes LGBTQ qui naviguent dans ces eaux sans alcool. En 2017, approximativement 19,7 millions d’Américains de 12 ans ou plus étaient aux prises avec l’alcoolisme ou la toxicomanie, et on estime en général que la proportion dans la population LGBTQ est beaucoup plus élevée — mais on ne dispose pas encore de données exactes à ce sujet. Le Dr Brian Hurley, directeur de la médecine spécialisée en dépendance du comté de Los Angeles, dit qu’il est difficile d’accéder à des données à long terme sur la population LGBTQ, car l’orientation sexuelle n’a été ajoutée que récemment aux sondages gouvernementaux et « la plupart des personnes transgenres sont invisibles dans ces sondages ».

« Faire partie d’une minorité sexuelle est généralement stressant dans un monde hétéronormatif, ajoute-t-il. On voit des taux plus élevés de consommation d’alcool, de tabac et d’autres substances. »

Bien au fait de cette réalité, les organisateurs de célébrations de la Fierté tiennent compte des personnes qui ne boivent pas. Pour la WorldPride à New York cette année, elles marcheront ensemble dans la parade, accompagnées d’un DJ, et ce sera suivi d’une croisière sans alcool. À la Houston Pride, on a organisé Skate Sober, une activité de patinage dans la soirée officielle sans alcool. À San Francisco, le Castro Country Club Sober Stage réserve un espace sans alcool ni drogues où pique-niquer et écouter de la musique. Cependant, ces activités restent bien moins nombreuses que celles où il y a de l’alcool.

Mais qu’importe où vous allez célébrer cette année, il est possible de le faire sans consommer. Voici quelques conseils et trucs à considérer si vous voulez que ce soit votre célébration de la Fierté sans alcool la plus extraordinaire que vous ayez jamais eue.

AVANT DE PARTIR

Trouver un ami ou une amie

On apprend les leçons de vie les plus importantes, comme celle-ci, à la garderie. Avoir un ami ou une amie avec vous qui sait que vous ne buvez pas d’alcool, que vous y allez avec une certaine prudence et qu’il y a des signes à surveiller montrant que vous n’êtes pas à l’aise. L’un des facteurs qui déclenchent la consommation, c’est la solitude ou l’isolement, et prévoir de la compagnie, c’est le moyen d’y échapper. C’est super de savoir qu’on peut compter sur quelqu’un qui est sur la même longueur d’onde que soi et qui quittera les festivités avec vous au besoin.

Beck Gee-Cohen, le directeur de la programmation LGBTQ de Visions Adolescent Treatment en Californie, dit que des adolescents s’inscrivent à son programme et qu’il participe au festival de la Fierté avec eux pour leur montrer qu’on peut s’amuser sans consommer. « Y aller avec des personnes qui savent que vous ne buvez pas d’alcool, même si elles, elles en boivent, c’est ce qu’il y a de plus important, dit-il. Ayez cette conversation avant de partir et dites : “Hé, il se peut que ce soit trop pour moi. Est-ce qu’on peut se surveiller l’un l’autre?” »

J’ai choisi un ami et lui ai dit que j’allais lui poser des questions assez simples pour m’ancrer dans la réalité, comme : « Est-ce que tu peux me réaffirmer que je ne suis pas moins que les autres parce que je ne peux pas faire la fête autant qu’eux? » Si la personne qui vous accompagne boit de l’alcool — pour moi, c’est habituellement le cas — je lui demande de me demander durant la journée comment je vais, et surtout dans les soirées quand ça commence à devenir fou. Ça m’a aidée à me souvenir qu’il y avait quelqu’un à mes côtés qui m’encourageait et réagissait à ce qui m’arrivait.

« À ma première Fierté sans alcool, j’étais effrayé. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire, se rappelle Beck Gee-Cohen. J’y suis allé avec des amis qui ne consommaient pas non plus, et depuis plus longtemps que moi. Ils ont fait les imbéciles : ils m’ont fait rire et m’ont aidé à m’en sortir. »

Apportez votre propre boisson non alcoolisée

Assurez-vous d’avoir des boissons non alcoolisées avec vous pour ne pas avoir à dépendre de l’organisation pour mettre la main sur votre saveur préférée d’eau pétillante ou de Coke Diète. Par contre, ce ne sont pas toutes les organisations qui permettent d’apporter nos propres boissons : si vous ne le pouvez pas, demandez-vous si vous voulez toujours y aller ou trouver autre chose.

Avoir déjà un verre dans la main est une bonne et simple façon d’éviter la question qui agace toujours : « Pourquoi tu ne bois pas? » Tellement de gens la posent comme s’ils vous demandaient votre couleur préférée, alors que c’est une question très personnelle. Il n’y a rien de mal à expliquer pourquoi vous ne buvez pas : ça ne concerne que vous et c’est votre décision. J’aime avoir une réponse préparée, comme : « Je ne bois pas aujourd’hui », « Je prends des antibiotiques », ou « Si je bois de l’alcool, je me change en loup-garou plus tôt dans le cycle lunaire ».

Une exception à ce conseil : payer un verre à quelqu’un est un classique pour faire connaissance avec quelqu’un. Si une jolie personne vous en offre un, demandez une boisson sans alcool ou proposez d’aller chercher des produits aux couleurs de la fierté. Ou faites les deux : restez hydraté et recevez des cadeaux de la part de beautés!

Organisez votre propre party de la Fierté

S’il n’y a pas de moyen de célébrer sans consommer aux activités de la Fierté de votre région, organisez votre propre party. C’est probablement ce qu’il y a de plus facile, surtout si vous n’envoyez pas l’invitation qu’à des personnes qui ne boivent pas. Un thème pourra faire en sorte que l’on pensera à autre chose qu’à l’alcool.

Même si vous décidez de ne pas donner de thème (je ne vois pas pourquoi…), dites préalablement aux invités que c’est une activité sans alcool. Décidez aussi si les enfants et les animaux de compagnie sont aussi bienvenus, et prévoyez une variété de boissons sans alcool.

Préparez-vous mentalement

La préparation mentale est aussi importante qu’un sac à dos rempli de bouteilles d’eau pétillante. Au début des célébrations, soyez prêt à vivre une expérience positive et ayez bien l’intention d’avoir autant de plaisir que possible avec vos amis et les autres membres de la communauté. Beck Gee-Cohen recommande de se rappeler à soi-même : « Je vais m’amuser, je serai présent et je vais en profiter. »

Ça a tout changé pour moi. Mon approche initiale, c’était la peur : j’étais convaincue qu’il n’y aurait pas de plaisir sans ivresse, et c’était une prophétie autoréalisatrice. Il m’a fallu du temps pour me rendre compte que c’était en grande partie les mêmes expériences : j’avais simplement plus de contrôle sur elles et je pouvais m’en souvenir.

Pour les personnes qui suivent des programmes comme celui des A.A., l’avant-Fierté est un bon moment pour participer à des réunions, ainsi que les jours juste après les célébrations. Ces réunions peuvent être une source de motivation et de stabilité pour les personnes qui ont un problème d’alcool, et les aider à relativiser les partys de la Fierté. Qu’est-ce que je veux dire par là? Quand je sens l’envie de boire de l’alcool, je me rappelle combien je déteste me réveiller en le regrettant le lendemain, et combien l’alcool a mis ma vie sens dessus dessous. La volonté d’éviter ces sentiments supplante aussitôt l’envie d’ivresse.

AUX CÉLÉBRATIONS

Vous êtes là! Vous êtes à jeun et queer! Et maintenant?

Trouvez d’autres personnes qui ne boivent pas

Trouvez les espaces ou kiosques sans alcool (s’il y en a) où vous pouvez faire la connaissance de personnes qui comprennent ce que vous vivez. S’il y a des kiosques de ce genre aux célébrations de la Fierté où vous vous trouvez, il y a de bonnes chances qu’il y ait aussi d’autres ressources pour les membres de la communauté LGBTQ, comme des programmes et des rassemblements pour personnes qui ne boivent pas d’alcool. Cette camaraderie fait partie de ce qui rend les célébrations de la Fierté si spéciales pour tout le monde.

La Fierté sans alcool, c’est amusant parce qu’on se rappelle tout ce qu’on voit et vit avec les personnes qu’on y rencontre. « Je n’ai pas vu grand-chose quand je consommais à la Fierté, raconte Beck Gee-Cohen. J’ai eu un coup de soleil parce que j’ai perdu conscience sur un terrain quelque part. » Regardez réellement la parade, visitez les kiosques et interagissez avec les gens qui célèbrent leur existence. Faites-vous des amis. Approfondissez les liens avec votre communauté.

Soyez actif

Dans les environnements où je suis portée à me laisser entraîner par la fête, les intermèdes de calme me donnent le temps de penser aux envies, aux déclencheurs et aux autres schémas de pensée troubles. Trouvez des moyens de faire du bénévolat aux activités de la Fierté si vous en avez la possibilité. C’est une façon gratifiante d’y participer tout en se gardant occupé.

Communiquez avec les organisateurs de la Fierté pour voir s’il y a des choses que vous pouvez faire pour les aider, que ce soit les préparatifs ou le jour même pour veiller à ce que tout se passe sans heurt. Sur le site web de la Fierté dans les grandes villes, il y a en général une section à ce sujet.

Soyez… fier!

C’est un événement appelé Fierté : ce n’est pas sans raison! Vous êtes là pour célébrer tout ce que vous êtes, même les aspects de vous dont vous avez peut-être déjà eu honte, comme votre orientation sexuelle, votre identité de genre, votre rapport à la santé mentale ou un problème de dépendance. « Il n’y a pas que de la honte et il n’y a pas que de la douleur. Nous sommes résilients, nous sommes amusants et nous pouvons nous épanouir », rappelle Beck Gee-Cohen.

Détournez l’énergie que vous auriez normalement consacrée à la consommation vers la conception de votre costume pour le rendre hyper cool ou l’essai d’une nouvelle façon de vous maquiller. C’est le moment de montrer à tout le monde qui vous êtes. L’ajout de confiance en soi aide quand on est entouré d’autant de jolies personnes. De plus, ne pas s’enivrer à la Fierté a aussi le très bon côté de permettre de ne pas vouloir mourir (ou avoir l’air sur le point de mourir) lors du brunch du lendemain.

Sachez quand partir

Savoir quand il est temps de se retirer (il n’y a rien de mal à le faire) dépend de votre capacité à juger des circonstances. Peut-être qu’après avoir eu un bon moment en matinée, vous vous sentez un peu fatigué en après-midi, et votre humeur s’en ressent. Peut-être qu’il se fait tard et que les gens autour de vous commencent à fêter plus fort. « Quand je vois quelqu’un pleurer ou vomir, c’est mon signal de départ », dit Beck Gee-Cohen.

Et il n’y a rien de mal non plus à ne pas participer à la Fierté si vous pensez qu’il vaut mieux attendre d’avoir fait plus de progrès dans votre rétablissement. Il m’a fallu un certain temps avant de me rendre compte que j’étais aussi fière de ma capacité à ne pas succomber à l’alcool, et que ma communauté l’était aussi pour moi. C’est une partie de mon identité que je ne peux séparer des autres, et en venir à la vénérer est l’objectif.

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<![CDATA[Comment l’Albanie est devenue le premier narco-État européen]]>https://www.vice.com/fr_ca/article/zmpq89/comment-lalbanie-est-devenue-le-premier-narco-etat-europeenWed, 19 Jun 2019 18:05:24 GMTL'article original a été publié sur VICE États-Unis.

Nous sommes en janvier et je me trouve dans une banlieue délabrée de Tirana, la capitale de l’Albanie, où je viens de rencontrer deux trafiquants de cocaïne locaux qui rentrent tout juste d’un voyage en Allemagne. Comme beaucoup de jeunes dealers, Artan et Luli ont troqué l’herbe contre la cocaïne car elle rapporte plus d’argent et est plus facile à trouver. Ils m’expliquent qu’ils peuvent gagner environ 30 000$ en introduisant clandestinement un kilo de poudre dans des pays européens plus riches, où le marché de la cocaïne est en expansion.

Parmi les histoires typiquement masculines impliquant des poings américains et des battes de baseball, ils parlent de montres Rolex, de voitures de sport et de jolies filles. « Comme tu peux le voir, si tu veux sortir et t’acheter des trucs ici, tu dois faire le voyage en Allemagne, en Italie ou en Angleterre. La cocaïne, c'est un boulot comme un autre », me dit Artan en montrant de la tête la rue en piteux état.

Depuis la crise financière des années 1990 qui a conduit à la misère généralisée et au chaos civil, les jeunes Albanais sont pris au piège de la pauvreté et de la corruption. Pour certains, le trafic de drogue offre une échappatoire aux bidonvilles qui s’étendent autour de Tirana. Mais ici, la cocaïne n’a rien de nouveau. C’est même un commerce profondément établi. Bien qu'elle soit membre de l'OTAN et sur le point d'adhérer à l'Union européenne, l'Albanie est devenue le premier narco-État européen.

Selon la définition du Fonds monétaire international, un narco-État est un État dont « toutes les institutions légitimes ont été pénétrées par le pouvoir et la richesse issus du trafic illicite de drogue », comme le Venezuela, la Guinée-Bissau et l'Afghanistan. En 2018, un rapport du Département d'État américain décrivait l'Albanie comme « le foyer d’une corruption endémique, d’institutions juridiques et gouvernementales faibles et d’absence de contrôles frontaliers », le trafic de drogue, l'évasion fiscale, la contrebande et la traite des êtres humains étant les crimes les plus lucratifs du pays.

« Aujourd'hui, on a l'impression générale que personne ne peut gagner des élections sans le soutien de ces groupes mafieux » – Afrim Krasniqi, directeur de l'Institut albanais d'études politiques

Ce petit pays montagneux de la côte Adriatique, autrefois communiste, est le plus grand producteur de cannabis illégal en Europe. En 2017, la police albanaise a saisi 68 tonnes d'herbe, d'une valeur marchande d'environ 600 millions d'euros. Mais c'est la cocaïne qui élève l'Albanie au rang de narco-État. Au cours de la dernière décennie, des gangs albanais comme Hellbanianz sont devenus de grands acteurs dans le commerce lucratif de la cocaïne au Royaume-Uni et dans le reste de l'Europe. Ils se sont déjà fait un nom en vendant de la cocaïne très pure à des prix compétitifs et ont contribué à la demande croissante d'accessibilité et de pureté de la cocaïne en Europe depuis 2012. Les trafiquants albanais ont établi des réseaux d'approvisionnement depuis l'Amérique du Sud vers les grands ports européens, notamment en Belgique et aux Pays-Bas.

En février de l'année dernière, dans le port albanais de Durres, la police a saisi 613 kg de cocaïne dissimulés dans une cargaison de bananes en provenance de la Colombie. Parallèlement, le nombre de criminels présumés d'origine albanaise tués en Amérique du Sud a augmenté. En 2017, Remzi Azemi, un Albanais kosovar et présumé trafiquant de cocaïne, a été assassiné par un cartel alors qu'il voyageait avec sa famille dans un véhicule blindé à Guayaqil, Équateur. Un an plus tôt, Ilir Hidri, un autre Albanais soupçonné d'être impliqué dans le trafic de drogue, avait été tué dans la même ville.

L'Albanie est un cas unique en Europe parce que ses barons de la drogue ne sont pas des hors-la-loi ou des renégats. Ils sont au contraire très proches des membres du gouvernement et sont souvent de mèche avec les mêmes autorités qui devraient les inquiéter.

L'argent de la drogue est un élément essentiel du système démocratique albanais, car le meilleur moyen d'obtenir les voix des citoyens est de les payer en liquide, et le meilleur moyen de générer de l'argent est le trafic. Une étude financée par l'UE entre 2016 et 2019 a montré que 20,7 % des Albanais s’étaient déjà vus proposer de l’argent ou des faveurs en échange de leur vote. En janvier, il a été révélé que des gangs liés à la vente de cocaïne ont pu s’ingérer dans les élections en achetant des votes. Afrim Krasniqi, directeur de l'Institut albanais d'études politiques, affirme même que le rôle des groupes criminels dans la campagne électorale de 2017 était plus important que celui des partis politiques. « Aujourd'hui, on a l'impression générale que personne ne peut gagner des élections sans le soutien de ces groupes mafieux », dit-il.

Protestors run from tear gas in Tirana, Albania during February protests calling for the resignation of the prime minister over corruption allegations.
Des manifestants fuient les gaz lacrymogènes à Tirana, en Albanie, lors des manifestations de février appelant à la démission du Premier ministre pour corruption. Photo : GENT SHKULLAKU/AFP/Getty Images

Le commerce de la drogue étant étroitement lié au pouvoir, des unités de renseignement britanniques ont été déployées à Tirana pour surveiller les trafiquants. Un membre de l'équipe a révélé qu'il dispose de preuves selon lesquelles la police albanaise fournit des renseignements directement aux trafiquants. Les Britanniques ont été rejoints par les États-Unis, les Pays-Bas et l'Italie, qui ont décidé d’intervenir après avoir découvert que les informations communiquées aux autorités albanaises étaient tombées entre de mauvaises mains.

Les deux derniers ministres de l'Intérieur du Premier ministre albanais, Edi Rama, ont tous deux été victimes de scandales liés à la drogue. Le premier, Saimir Tahiri, doit être jugé plus tard cette année pour trafic de drogue et corruption. Le nom de Tahiri a été mentionné lors d’une écoute téléphonique par la police italienne qui portait sur les pots-de-vin, le trafic de cannabis et la contrebande de Kalachnikovs. Tahiri nie toutes les accusations. Il a été remplacé par Fatmir Xhafaj, dont le mandat de ministre de l'Intérieur a pris fin l'année dernière après que son demi-frère, Agron, a été condamné à sept ans de prison pour trafic de drogue en Italie. Bien qu'il n'y ait aucune preuve que Xhafaj ait été directement impliqué dans les crimes de son frère, la pression politique nationale et internationale a probablement poussé Rama à licencier son ministre.

En 2017, Ermal Hoxha a été emprisonné pendant 10 ans pour avoir participé à une opération de trafic de 120 kg de cocaïne en provenance d'Amérique latine en Europe occidentale. Pourtant, Ermal n'a pas gravi les échelons du crime à partir d'un bidonville albanais. Il est le petit-fils du célèbre ancien dictateur communiste albanais Enver Hoxha, qui a dirigé le pays pendant 41 ans, jusqu'à sa mort en 1985.

Mais personne n'illustre mieux la proximité entre l'élite albanaise et ses grands narcotrafiquants, ni l'histoire de l'émergence de cette nation en tant que premier narco-État d'Europe, que Klement Balili, propriétaire d’un hôtel de luxe, ancien fonctionnaire et baron de la drogue, qui est décrit sur son mandat d'arrêt grec comme le « Pablo Escobar des Balkans ». Un dossier de 10 000 pages compilé par le gouvernement grec décrit son empire transnational de stupéfiants comme un réseau méticuleusement organisé de plus d'un milliard de dollars, qui repose sur le cannabis et la cocaïne et est acheminé vers des pays comme l'Italie, la Grèce, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Balili a développé son empire après le krach financier de l'Albanie dans les années 1990, causé par l'effondrement de vastes systèmes pyramidaux soutenus par le gouvernement. Entre un et deux milliards d’euros ont disparu du jour au lendemain et les familles ordinaires ont perdu toutes leurs économies. Selon un rapport publié en 2016 par l'Open Society Foundation, un mélange de chômage élevé et de bas salaires a permis aux gangs albanais de prendre de l’ampleur depuis.

Officiellement, les affaires de Balili concernaient les transports, les loisirs, la pêche et la sécurité. En 2014, il a été nommé directeur régional des transports de la ville balnéaire de Saranda, une plaque tournante bien connue du trafic de drogue. Au cours de la dernière décennie, Balili a construit plusieurs hôtels de luxe sur la magnifique côte Adriatique de l'Albanie.

En 2015, Ilir Meta, l'actuel président de l'Albanie, a coupé le ruban lors de la soirée d'ouverture de l'hôtel cinq étoiles de Balili, le Santa Quaranta. Le ministre des Finances de l'époque, Arben Ahmetaj, et le député du Parti socialiste, Koco Kokëdhima, étaient également présents.

Balili s'est montré ouvert sur ses liens étroits avec l'un des principaux partis politiques albanais, le Mouvement socialiste pour l'intégration, ou LSI. Dans une interview accordée aux médias plus tôt cette année, Balili a expliqué que sa nomination au poste de directeur des transports de la ville de Saranda, dans le sud du pays, s’était faite en échange de dons financiers que sa famille et lui avaient versés au LSI. Le neveu de Balili est maire du parti LSI dans la ville de Delvina. Balili s’est montré très actif dans la campagne de son neveu.

« Les hommes politiques de droite et de gauche écoutent les puissants intérêts des hommes d'affaires corrompus, des criminels et même des trafiquants de drogue » – Donald Lu, ambassadeur des Etats-Unis en Albanie entre 2015 et 2018

La police grecque est sur les traces de Balili depuis une dizaine d'années. Mais chaque fois qu'elle semble faire des progrès, elle se heurte à un obstacle au sein des autorités albanaises. En mai 2016, la police grecque a arrêté douze membres du gang de Balili et saisi près de 700 kg de marijuana, le résultat d'une opération de surveillance de deux ans menée conjointement avec la DEA américaine. La police grecque a émis un mandat d'arrêt à l'encontre de Balili, mais la police albanaise a refusé d'en accuser réception. Au moment où les autorités albanaises ont finalement reconnu le mandat, Balili s’était « évaporé ».

Trois mois après l'émission de son mandat d'arrêt, Balili aurait été photographié en train de faire la fête sur son yacht avec un haut responsable de la police, au large de la côte albanaise. Ce n'était pas un cas isolé : à l'époque, le visage souriant de Balili apparaissait régulièrement en arrière-plan des photos prises lors d'événements sociaux organisés par l'élite politique albanaise.

Selon des responsables américains et grecs, la proximité de Balili avec la politique albanaise est la clé de son succès en tant que trafiquant de drogue. Dans un discours prononcé en 2016, l'ambassadeur des États-Unis en Albanie, Donald Lu, a déclaré : « Les hommes politiques de droite et de gauche écoutent les puissants intérêts des hommes d'affaires corrompus, des criminels et même des trafiquants de drogue. Comment expliquer, sinon, le fait que l'intouchable Klement Balili soit toujours en liberté ? ». Dans un autre discours prononcé en 2018, Lu a déclaré que le plus grand échec du gouvernement albanais au cours de son mandat de quatre ans a été son incapacité à arrêter Balili, qu'il a décrit comme « un puissant dirigeant du crime organisé ayant des liens politiques forts ».

En janvier, la police albanaise a finalement arrêté Balili. Certains considèrent son arrestation et son procès comme un exercice de relations publiques plutôt que comme une punition. Le gouvernement albanais s’est vanté de sa capture comme d’un exploit pour impressionner les observateurs internationaux. Mais en réalité, Balili a dicté ses propres conditions. Le Ministère de l'intérieur et le Bureau du Procureur chargés des crimes graves ont été informés à l’avance de son arrivée par son équipe juridique. Il s'est rendu au directeur général de la police albanaise. En raison d'un changement constitutionnel l'année dernière, il n'a pas été extradé vers la Grèce et a été jugé en Albanie.

En février, le tribunal des crimes graves a accepté la demande de Balili d'un « procès abrégé », qui non seulement lui garantissait une réduction de peine d'un tiers, mais permettait aussi une procédure rapide sans qu’il ait à cracher le morceau sur ce qu'il savait de l'élite politique albanaise. Le 7 mai, Balili a été condamné à 10 ans de prison pour trafic de drogue, appartenance à un groupe criminel et blanchiment d'argent. Son avocat a déjà annoncé qu'il ferait appel. Plusieurs Albanais influents ont déjà vu leurs accusations ou condamnations pour des crimes de corruption disparaître mystérieusement en appel. Balili peut encore être acquitté ou se voir infliger une peine moins lourde.

Plusieurs personnes ayant travaillé avec Balili sur des projets de construction, y compris le Santa Quaranta, ont exprimé de la sympathie à son égard. « Je ne sais pas ce que Klement a fait, ou si ce qu'ils disent est vrai… mais il a apporté de l'argent à notre communauté », souligne une personne qui a demandé à rester anonyme. Et d’ajouter : « Il avait de nombreux projets de construction et nous avons travaillé avec lui pendant de nombreuses années. Les salaires étaient payés et la communauté le respectait. C'était un homme d'affaires, pas un parrain. »

Un autre constructeur, plus jeune, n’est pas du même avis. « Il payait quand il en avait envie, et quand il ne voulait pas, on ne pouvait rien faire pour l'en obliger, dit-il. Il a dans sa poche la police, les tribunaux, les autorités fiscales… Il connaît et contrôle tout le monde. Si je lui avais parlé d’une facture impayée, il m'aurait écrasé comme un mégot de cigarette. »

« Les jeunes Albanais se sentent trompés par le gouvernement » – Rudina Hajdari, leader de l'opposition au Parlement albanais

À première vue, Tirana est une ville en plein essor avec une vie nocturne animée. Beaucoup d'argent a été utilisé pour embellir les environs immédiats de deux hôtels internationaux où diplomates, hommes d'affaires étrangers et politiciens se rencontrent pour manger des clubs sandwichs, swiper sur Tinder et parler affaires. Bien qu'ils constituent la grande majorité de la population albanaise, les pauvres vivent dans les banlieues polluées de la capitale, où les maisons n'ont ni électricité, ni eau courante, ni fenêtres vitrées.

La zone centrale de Blokku (« le bloc ») de Tirana, qui était réservée exclusivement aux responsables du Parti communiste jusqu'à la chute du régime en 1992, est maintenant le terrain de jeu de l'élite albanaise. Dans le Blokku, vos voisins sont soit des politiciens, soit des juges, soit des trafiquants. Les Mercedes rôdent tels des requins-tigres autour des bars dans lesquels des députés du Parlement boivent du champagne en regardant PornHub sur leur iPhone et en écoutant Dua Lipa et Notorious B.I.G. Ils sont loquaces, éméchés et souvent à un pas de la faillite. Bien que les taux de meurtres ne soient pas du tout comparables à ceux de l'Amérique du Sud ou de l'Amérique centrale, il arrive que quelqu'un sorte une arme et tire dans les airs, simplement parce qu'il le peut.

A masked Albanian police officer searches a clandestine cocaine refining laboratory in 2015.
Un policier albanais fouille un laboratoire clandestin de raffinage de cocaïne dans le village de Xibrake, près d'Elbasan, le 15 janvier 2015. Photo : AFP/Getty Images

Mais le succès des trafiquants de drogue se fait au détriment des citoyens du pays, qui ont été complètement délaissés. Dans un sondage Gallup de 2018, les adultes albanais ont exprimé le quatrième plus fort désir d'émigrer, après Haïti, le Liberia et la Sierra Leone. C'est au lycée que les jeunes rencontrent pour la première fois la corruption sous la forme de pots-de-vin versés aux enseignants en échange de bonnes notes. Vient ensuite l'université, où l'entrée dépend essentiellement du piston.

Rudina Hajdari, leader de l'opposition au Parlement albanais et présidente du Comité d'intégration européenne, déclare : « Les jeunes Albanais se sentent trompés par le gouvernement. Nous avons des problèmes sismiques liés à la corruption. Lorsque les drogues sont entrées dans le paysage, il y avait tellement d'argent qui affluait que ça a ébranlé la devise nationale. L'argent dicte les décisions de notre pays, et comme cet argent est fourni par les cartels de la drogue – aux politiciens et à tous les partis politiques – quiconque lutte contre la corruption se heurte à de grands obstacles. »

Les Albanais attendent de voir si l'UE entame les pourparlers de l'adhésion de leur pays ce mois-ci. Mais la France et les Pays-Bas considèrent maintenant les gangs albanais comme une menace si grave qu'ils tentent de contrer l'exemption de visa pour les Albanais. Les motifs invoqués par les Pays-Bas sont une « une augmentation substantielle des activités criminelles de la mafia albanaise aux Pays-Bas et des abus quant à la possibilité de voyager en Europe sans visa afin d’étendre encore davantage leur réseau de trafic. »

Le Premier ministre Rama, ancien joueur de basket-ball qui a pris ses fonctions en 2013 grâce à une campagne anticorruption acharnée, a été salué par la communauté internationale pour avoir détruit le village de Lazarat, bien connu pour sa culture de cannabis. Il a pourtant eu du mal à se défaire des allégations de fraude et de corruption, ce qui a donné lieu à de violentes manifestations antigouvernementales à Tirana. Des cocktails Molotov ont été lancés dans son bureau le mois dernier. Ses détracteurs estiment qu'il devrait démissionner afin que l'Albanie puisse rejoindre l'Union européenne. Lulzim Basha, chef du Parti démocratique de l'opposition, a déclaré : « Nous sommes ici en mission : il faut libérer l'Albanie de la criminalité et de la corruption pour en faire un pays similaire au reste de l'Europe. »

Pour l'Europe, c'est là que réside toute la tension : le concept de narco-État a toujours semblé trop éloigné pour les Européens, qui ont tendance à penser que les États corrompus qui produisent leur drogue sont le problème de quelqu’un d’autre. Mais la position centrale de l'Albanie dans l'industrie de la drogue rapproche le problème, au moment même où les Albanais espèrent être davantage connectés au moteur économique de l'UE. C'est ce qu'il y a de plus tragique dans un Narco-État : le fait de soutenir l'élite d'un pays qui tire sa richesse des activités criminelles a un plus grand impact non pas sur des terres lointaines, mais sur les opportunités qui s'offrent à son propre peuple.

Alfredo Affazi a fourni des informations supplémentaires depuis Londres et Tirana. Suivez Monty et Alfredo sur Twitter : @MontyReed9 et @affazi.

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