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LE NUMÉRO PEUR

C’était pas ma putain de guerre

Patrick McAleveay s’est engagé dans l’armée américaine en août 1966, à l’âge de 18 ans. Il a servi jusqu’en août 1969. Son unité (qui faisait partie de la 9ème Division) a participé aux combats qui ont suivi l’offensive du Têt autour de Saigon en 196...

Patrick McAleveay s’est engagé dans l’armée américaine en août 1966, à l’âge de 18 ans. Il a servi jusqu’en août 1969. Son unité (qui faisait partie de la 9ème Division) a participé aux combats qui ont suivi l’offensive du Têt autour de Saigon en 1968. Il a été blessé le 14 février 1968 alors qu’il affrontait une unité nord-vietnamienne, juste à côté de Saigon. On lui a demandé de regarder des films sur le Vietnam et de nous dire ceux qu’il trouvait les plus réalistes.

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PLATOON

Quand Charlie Sheen arrive dans son peloton [NDLR: platoon], il est traité comme un CPB (Connard de Petit Bleu), et dans une lettre, il se plaint à sa grand-mère d’être tenu à l’écart des discussions. Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai vécu. Quand j’ai rejoint mon unité pour la première fois (la Compagnie C, 4ème Bataillon, 39ème Régiment d’infanterie, 9ème Division), j’ai été bien accueilli. On a pris le temps de m’expliquer comment réagir face à diverses situations. Pas par gentillesse, mais parce que notre survie à tous en dépendait. Il fallait que tout le monde comprenne bien ce qu’il avait à faire pour qu’on rentre tous à la maison sains et saufs.

Durant tout le film, il y a une tension palpable entre Willem Dafoe et Tom Berenger. Il y a une scène où Berenger exécute un villageois pendant que certains de ses soldats violent une jeune fille. De telles atrocités ont eu lieu, c’est vrai, mais ce n’était pas chose courante non plus. Il y a une autre scène où l’on voit les soldats fumer des joints. En 1967-68, l’usage de la drogue n’était pas si répandu que ça, surtout dans les unités de combat. Je me demande si Oliver Stone, qui est un vétéran, croit vraiment que les soldats «ordinaires» trouvaient ça normal.

Ce que j’ai surtout retenu du Vietnam, c’est l’ennui et la fatigue. J’avais 19 ans, j’étais au sommet de ma forme. Je pouvais supporter des semaines entières sans sommeil, marcher des kilomètres à travers les pires terrains imaginables avec un sac de 30kg sur le dos. Mais le manque de sommeil et la météo exécrable finissent toujours par te rattraper.

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Je détestais les insectes. J’ai dépensé beaucoup d’énergie à essayer de les tuer. Au bout d’un moment, j’ai fini par accepter leur compagnie. Certains jours, j’étais trop fatigué pour leur prêter attention. C’était les jours où progresser d’un ou deux kilomètres représentait une victoire. Tu es tellement épuisé, aussi bien physiquement que mentalement, que tu te fiches bien d’être vivant ou mort, ça revient au même, de toute façon.

Le vrai danger, c’est de tomber dans la désinvolture. Tu finis par accepter que l’ennui devienne ton quotidien et tu n’es plus capable de voir le danger quand il se présente. Et c’est là que tu tombes sur l’ennemi. C’est comme ça que ça passe, en général. Du pur hasard. La confrontation entre deux groupes qui arpentaient la jungle dans l’espoir de se rencontrer l’un l’autre et de s’annihiler.

FULL METAL JACKET

Les acteurs sont géniaux. Je ne suis pas sûr que Lee Ermey, l’instructeur, joue tant que ça. J’ai l’impression qu’il a largement puisé dans sa propre expérience. C’est terrible d’être instructeur. Comment préparer un tout jeune homme à affronter la mort? Comment lui hurler dessus tout en sachant qu’il va peut-être bientôt mourir? Les scènes où Ermey hurle sur les nouvelles recrues sont hilarantes. C’était toujours drôle de voir ton instructeur hurler sur quelqu’un, surtout quand ce n’était pas toi.

Dans le film, on voit Joker vivre l’offensive du Têt, en 1968. J’étais dans la région de Saigon, à l’époque. C’était surréaliste. Un jour, en patrouille, je suis tombé face à face avec un petit groupe de Viêt-congs. J’ai cru que c’était la fin. Et puis leur chef m’a souri et m’a demandé une cigarette. Le reste de ses hommes a suivi, en riant et en plaisantant. En fait, c’était une milice locale qui faisait du combat de rue. Ils avaient tué quelques Viêt-congs, laissé tombé leurs carabines M1 et voulaient s’amuser. On a échangé des cigarettes contre de menus objets, on s’est salué et séparé, et j’ai soupiré de soulagement.

APOCALYPSE NOW

C’est un bon film, mais qui n’a rien à voir avec le Vietnam. Les situations qu’ils vivent sont totalement ridicules. Ils rencontrent à plusieurs reprises des unités sans aucun encadrement. C’est impossible. Il y a toujours un officier. La seule fois où je me suis brièvement retrouvé dans cette position, c’est parce qu’on avait atterri dans une rizière et que la radio ne fonctionnait pas. Je devais contacter mon chef de peloton pour lui signaler que j’avais des blessés et un mort et qu’il nous fallait un hélicoptère. Le chef était à 20 ou 40 mètres de moi, une distance que je devais couvrir sous le feu ennemi. J’ai tout simplement oublié cet état de fait et j’ai couru jusqu’à lui. Je lui ai dit: «On a besoin d’un hélicoptère pour évacuer les gars». Il a écouté mon rapport et a dit qu’on allait faire ci et ça. J’ai fait «Ok» et j’ai commencé à courir vers mes gars, et là, j’ai vu un tir de mitraillette venir droit dans ma direction. Je voyais les éclats de terre voler là où les balles s’enfonçaient. Je me suis jeté à plat ventre et j’ai évité les balles de justesse. Je me suis relevé en rigolant et je me suis remis à courir. Je trouvais hilarant qu’ils m’aient raté.