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LE NUMÉRO BEHREN

Bienvenue à Behren

Behren-lès-Forbach est la plus pauvre des 500 villes les plus pauvres de France—selon une étude du ministère de la Ville. Une immense barre HLM posée au milieu de la campagne lorraine, construite à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour accueillir...

Behren-lès-Forbach dans les années 1950. Merci à Jean-Claude Flauss.

Behren-lès-Forbach est la plus pauvre des 500 villes les plus pauvres de France—selon une étude du ministère de la Ville. Une immense barre HLM posée au milieu de la campagne lorraine, construite à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour accueillir 15 000 mineurs de charbon importés d’Italie et d’Algérie française pour «soutenir l’effort de reconstruction nationale». À l’époque, la ville avait des allures de cité idéale, lovée au fond d’une charmante vallée verdoyante, à quelques kilomètres de la frontière allemande. Les conditions de travail au fond sont difficiles, genre grosse chaleur, éboulements et coups de grisou. Mais la France a besoin de charbon, et les patrons des houillères ont mis au point un système néo-paternaliste qui protège les «gueules noires» de tout souci extérieur: logement gratuit, ou presque, sécurité sociale pour tous, colonies de vacances pour les enfants et solidarité apparente pour tout le monde: «Si ton évier était bouché le matin, les services de la ville réparaient ça avant que tu ne rentres de la mine, l’après-midi», nous explique Bernard Schmitt, fils de mineur qui a passé toute son enfance dans le Behren des années 1950. Dans les années 1980, le charbon français est devenu trop cher. Les mineurs d’origine italienne et algérienne commencent à avoir leurs petites exigences, alors on fait venir des nouveaux travailleurs des montagnes du Maroc pour «servir de brouettes, puisque les machinesextraient, traitent et remontent le charbon en mode quasi automatique.» Les mines ferment les unes après les autres, aucune industrie ne les remplace, et les 10 000 habitants qui restent à Behren se retrouvent coincés dans cette cuve où la solidarité a disparu en même temps que le travail. On a passé dix jours dans cette ville où: - 100 % des mineurs sont au chômage ou en préretraite; - 30 % d’entre eux ont voté Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2002; - 65 % de la population a moins de 25 ans; - 70 % des jeunes sortent de l’école sans diplôme; - 50 % d’entre eux sont au chômage; - 800 voitures ont brûlé depuis septembre 2005, quand les émeutes ont éclaté ici, un mois avant celles de Clichy et du reste de la France. LA RÉDACTION DE VICE