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LE NUMÉRO TROMPE-LA-MORT

Un Mont-de-piété À New York

La plupart des monts-de-piété aux États-Unis se contentent d’empiler des monceaux d’objets inutiles dans des salles faiblement éclairées qui sentent les poubelles, les pieds et la tristesse.
Ellis Jones
London, GB

La plupart des monts-de-piété aux États-Unis se contentent d’empiler des monceaux d’objets inutiles dans des salles faiblement éclairées qui sentent les poubelles, les pieds et la tristesse. Étonnamment, ceux de New York City sont, au contraire, aseptisés. La majorité ne tient pas d’inventaire digne de ce nom, et les prêteurs sur gages se détendent confortablement derrière de grands panneaux transparents à l’épreuve des balles en écoutant Lil Wayne tout en faisant des Sudoku. On a rendu visite à Brian Cabrera, le mielleux propriétaire de 5 Borough Pawn, pour qu’ils nous explique le business du commerce des trésors personnels des gens.

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Vice : Je croyais que ça allait être pourri ici, mais en fait c’est propre. Vous vendez quoi ?

Brian Cabrera :

On accepte tout ici, mais 80 % de ce que l’on vend c’est des bijoux. L’or est très demandé en ce moment.

Vous avez noté des changements depuis que le dollar s’est effondré ?

On voit des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir : des employés de la MTA

(ndlr : le réseau de transport local)

, des professeurs, des officiers de police. Le business est stable. Les gens mettent des trucs au clou en période de croissance et en période de récession, parce qu’ils ne gagnent pas assez.

Vous disposez d’une marge de manœuvre pour faire votre tambouille ?

Le taux d’intérêt qu’on applique est régulé, le nombre de mois pendant lesquels on doit conserver le gage est fixé, et on doit aussi observer une procédure précise avant de s’en débarrasser. Certaines régulations sont nationales, d’autres fédérales. Wall Street ne suivait que ses propres règles, et on a vu ce qui s’est passé. Ils ont probablement mis à terre les États-Unis pour quinze ans.

Une histoire qui fend le cœur à raconter ?

Une femme est venue, des types menaçaient de lui couper l’électricité, elle avait une demie heure pour trouver quelques dollars. Imaginez-vous ce que ça serait sans monts-de-piété. Je vous le dis, tout irait beaucoup plus mal.

Vous me faites peur.

Un de mes clients m’apporte deux fois par mois environ son écran 19 pouces. Neuf, ça vaut dans les 90 dollars, je lui en donne 20. Ça lui permet de tenir le temps qu’il ait sa paie. Pensez à ceux qui vivotaient entre deux paies, comment ils s’en sortent depuis la récession. C’est triste, surtout que les riches continuent à s’enrichir.

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INTERVIEW ET PHOTOS PAR

ZARATUSTRA VÁZQUEZ

Le Monte de Piedad national a été fondé en 1775, cinquante ans peu ou prou avant que le Mexique ne déclare son indépendance. Son siège, un bâtiment immense acquis au XIXème siècle, se situe en plein cœur de Mexico City. Le broker José Luis Arregin nous a expliqué la façon dont fonctionne ce glorieux système : des clients à court d’argent mettent leurs trucs au clou pour la moitié de leur valeur en liquide. Si le propriétaire ne rembourse pas son prêt à temps, son bien est vendu, mais il récupère l’autre moitié du fric. Trop beau pour être vrai, non ? Parce que je connais plein de gens qui affirment qu’ils n’ont jamais vu la couleur de cet argent. Mais la plupart de ceux qui m’ont dit ça carburent à l’herbe.

Vice : Vous pouvez nous raconter une histoire étrange, là, tout de suite ?

José Luis Arregín :

Une fois, quelqu’un m’a amené les cendres de son père. On ne peut pas prendre des trucs comme ça, mais l’homme a insisté, sa mère venait de mourir, il avait désespérément besoin de cet argent pour l’enterrer, son corps reposait encore dans sa chambre. On a inscrit l’urne funéraire en tant que « sablier sans piédestal ». Et, quelques jours plus tard, le type est revenu la récupérer.

Vous vous êtes déjà fait entuber ?

Non, on est bien préparés. Mais on voit souvent des gens qui se sont fait avoir. Récemment, un type est venu mettre au clou sa Rolex, il avait la facture qui montrait qu’il l’avait payée plus de 7 000 euros, sauf que c’était une fausse. Il est devenu fou, il a hurlé sur tout le monde. Il nous a accusés d’essayer de le voler, il nous disait qu’on n’était que des merdes. Il a causé un beau scandale mais on a réussi à lui faire admettre la dure réalité.

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On vous a déjà confié un animal vivant ?

Un jour, un type a ramené un lion.

Il le tenait en laisse, c’est ça ?

Il l’a amené dans un van. Il a fait la queue, et quand ça a été son tour, il a demandé à l’expert de sortir pour constater l’état du lion. Je crois que le lion allait bien, mais, à l’évidence, on n’a rien voulu savoir.

Le pauvre. Il devait penser que l’aideriez.

On le fait ! On a ouvert une succursale sur la côte, et un marin s’est présenté avec une mâchoire de requin sur laquelle il avait fixé des cordes de guitare. Ça sonnait très bien. L’homme nous a dit qu’il avait un problème d’argent, et que c’était la seule chose de valeur qu’il possédait. Ça a touché notre expert, il l’a enregistré en tant que « harpe ».