FYI.

This story is over 5 years old.

LE NUMÉRO QUI FAIT FROID DANS LE DOS

Paye ton boule

Comme tout pimp qui se respecte, le gouvernement de Bonn, en Allemagne, ne plaisante pas avec l'argent. Les putes doivent payer. Cependant, la nature douteuse de

Illustration : Hannah Kunkle Comme tout pimp qui se respecte, le gouvernement de Bonn, en Allemagne, ne plaisante pas avec l’argent. Les putes doivent payer. Cependant, la nature douteuse de ce commerce a rendu la tâche du percepteur des impôts difficile. La ville a donc investi dans des machines qui ressemblent à des distributeurs de billets pour attribuer des permis de prostitution temporaires. Les prostituées doivent acheter des tickets à 6 € auprès de ces parcmètres du sexe afin de passer leurs nuits à baiser contre de l’argent en toute légalité. Si cette nouvelle taxe est sans précédent, l’Allemagne tente pourtant de réguler l’industrie du sexe depuis les années vingt. Même les nazis coincés du cul (qui affirmaient être contre la prostitution) avaient des bordels reconnus par l’État pour les soldats et les prisonniers VIP des camps de concentration. Nous avons discuté avec l’historienne allemande Atina Grossman de cette vieille histoire de putes et d’impôts. VICE : Jusqu’à présent, les filles qui travaillaient dans des bordels étaient les seules professionnelles du sexe à s’acquitter de diverses cotisations. D’ailleurs, elles sont toujours les seules à payer des impôts progressifs sur leurs revenus. En tirent-elles un certain prestige, en comparaison avec les putes de rue qui payent le parcmètre ?
Atina Grossman : Historiquement, il y a toujours eu un hiatus entre les deux. Les prostituées « sauvages », que nous appelons putes de rue, avaient le droit de faire des passes çà et là. Et puis, il y avait celles qui bossaient dans des bordels, plus professionnelles, et qui disposaient même parfois d’un médecin attitré. Pensez-vous que la logique qui a fait naître cette drôle de machine soit typiquement allemande ?
Il faut être dans un certain état d’esprit pour avoir cette idée. Tout doit être bien en ordre. Si tout le monde paye des impôts, on ne peut pas permettre à un groupe d’y échapper. Cette pratique s’inscrit dans une société où payer des impôts est reconnu d’intérêt public, contrairement aux États-Unis. La population allemande paye des taxes mais attend beaucoup de l’État en retour. À présent qu’elle génère des ­revenus fiscaux, l’industrie du sexe est-elle devenue plus légitime ? Pourquoi les défenseurs des prostituées y sont-ils opposés ?
En Allemagne, et depuis les ­années vingt, l’industrie du sexe est assez organisée. Je pense que ces groupes veulent bien payer leur part d’impôts. Mais ce qui tracasse certains d’entre eux, c’est le côté sectorisé de ces mesures. Ils ont l’impression de se faire marginaliser.