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Sexe

Nayland Blake - Partie 1

Vice : T'étais en train de me dire que tu es sur le point de partir pour un week-end très spécial…

Ce mec est un artiste, un adepte du SM, un homme cendrier, un bear et… Putain mais qu’est-ce que tout ceci signifie ? On l’a rencontré pour savoir. Vice : T’étais en train de me dire que tu es sur le point de partir pour un week-end très spécial… Nayland Blake : Grosso modo, c’est un rassemblement annuel de gays. Ça doit faire vingt ans que ça dure.

Ça a un nom ? Oui, mais je ne suis pas censé le dire… On se croirait dans un truc à la Eyes Wide Shut. Eh bien, c’est un événement qui ne fonctionne que sur invitation, et c’est la première fois que j’y vais. Ah, et donc tu veux pas être dégagé de la liste pour l’an prochain. Exactement. OK, parlons maintenant de ces photos de toi par Kern, là. Celle de l’éboueur, par exemple. Tout l’attirail sur cette photo est à toi, c’est l’authentique matos du New York Departement of Sanitation. Pourquoi tu t’habilles comme les mecs qui ont le métier le plus salaud du monde ? L’apparence n’est pas un index d’identité. L’identité est plutôt quelque chose de performatif. Et ces événements auxquels tu te rends regorgent de gens qui jouent avec leur identité. Oui. Tu m’as demandé à quoi ressemblaient les gens qui allaient là-bas. La réponse, c’est qu’ils ressemblent juste à l’Amérique. On a parfois l’impression qu’il y a une espèce de vibe de banlieue, mais genre banlieue vicieuse. Je me suis mis à me demander ce qui se passait vraiment dans les maisons que l’on voit en traversant les faubourgs. C’est ce que beaucoup de gens se demandent. Ça me fait penser à David Lynch. Oui. Tout n’est pas aussi clair qu’on le pense. Je crains que derrière toutes ces portes fermées, il ne se passe rien. J’ai l’impression que l’autocensure sexuelle est un truc énorme chez beaucoup d’Américains. Je ne sais pas. Nous vivons vraiment une drôle d’époque, en partie du fait d’Internet. Un grand nombre d’organismes SM à travers le pays ont constaté une baisse du nombre d’adhésions. Si vous regardez New York, en termes de bars gay, de bars cuir et des lieux dans le genre, il y a eu forte baisse. Beaucoup attribuent ça au fait que les gens se mettent sur le Net maintenant. Même plus besoin d’aller dans les bars. J’avais l’habitude d’attendre le bus devant un bar comme ça, près d’entrepôts de conditionnement de viande. Ça s’appelait le Hellfire Club. Je crois que ça s’appelait également le Manhole. En fait, il y avait deux panneaux. Bon, bref, ça a disparu maintenant. Ça me rend triste. J’aimais bien le fait que cet endroit existe. Ah oui, j’ai passé beaucoup de temps là-dedans. J’y allais pour des cendriers parties. C’est quoi ? Ce sont des gens qui utilisent des pipes et parfois des cigares comme accessoires sexuels. Du genre ? L’un des trucs qui branche pas mal de pervers, c’est le contrôle de la respiration. Comme quand vous asphyxiez quelqu’un ou que vous contrôlez son apport en oxygène. L’un des moyens est de leur faire inhaler de la fumée de cigare. Sinon, on peut utiliser le mégot brûlant ou la chaleur du réservoir de la pipe sur le corps. Ça brûle, non ? Certains aiment bien ça, mais c’est pas une nécessité. Vous pouvez chauffer quelqu’un à blanc sans pour autant lui faire courir le moindre risque de brûlure. Ça implique pas mal de confiance, ce truc-là. Dans un premier temps, il faut avoir une vraie discussion sur ce que vous aimez et sur ce que vous êtes prêt à faire. Ce genre de plan branche surtout des hommes plus mûrs parce que quand vous êtes jeunes, la baise seule vous suffit. OK. Donc à 20 ans, la baise ça fait tout. À 30, vous êtes obligé de partir en vrille. Et vous n’avez peut-être pas les mêmes moyens de persuasion qu’à 20 ans. Genre vous avez tellement la dalle que vous ne réfléchissez pas forcément avant d’accepter de faire quelque chose. Les personnes plus âgées, plus habituées, sont plutôt à l’aise dès qu’il s’agit d’exprimer ce dont elles ont envie. Beaucoup de ceux qui ont des valeurs plus traditionnelles diraient que le SM est pervers ou inutile, mais j’ai toujours eu l’impression que vous, les mecs, êtes un peu plus évolués que nous. Il y a une espèce d’honnêteté envers soi-même qui va de pair avec les pratiques vicieuses. Vous êtes psychologiquement en avance ! [Rires] Il y a aussi tout le concept d’après-sévices. Et les gens ont de multiples façons de tout arrêter si ça ne se passe pas bien. Est-ce qu’il y a des mots de passe ou c’est une légende ? Ah oui, absolument. Vous en avez un ? Tout dépend d’avec qui je joue. Lorsque j’ai commencé là-dedans j’étais hyper stressé et intimidé, et je m’adressais à n’importe qui, du genre : « Il faut qu’on se mette d’accord sur un mot de passe. » Une ou deux fois on m’a répondu : « Tu sais quoi, STOP, ça marche bien d’habitude. » D’accord, jusqu’à ce qu’on reproduise une scène de viol ou des trucs du genre. Ouais, si vous êtes sur le point de vous faire un plan qui peut déraper. Mais généralement, il y a plus de partage et de discussion en amont du plan cul que dans la vie ordinaire. Ne le prends pas mal, mais je ne conçois pas comment une femme peut s’entendre avec un mec normal. On n’est pas les rois de la communication. Je suppose que dans beaucoup de relations traditionnelles, il peut y avoir un certain manque de discussion. Et c’est lié à l’espoir que ça va marcher. Genre vous allez rencontrer la personne idéale et vous ferez tout bien et vous saurez que c’est elle. Un des trucs intéressants chez les pervers, c’est que c’est un milieu très autocontrôlé. Si quelqu’un est un connard, ça se sait. Est-ce que l’inverse est vrai ? Y a-t-il des gens qui disent sur d’autres des trucs du genre « écoute, si tu veux super bien baiser, il faut que tu rencontres Joe » ? Il y a des gens dont les compétences sont valorisées, et il y a beaucoup de cours d’apprentissage lors des événements comme celui que je t’ai mentionné. Par exemple, avec le caning (l’art de frapper quelqu’un avec une canne), vous devez savoir ce que vous faites. Vous devez savoir où vous pouvez frapper en toute sécurité. Ceux qui sont vraiment bons dans un domaine peuvent faire ce qu’ils veulent sans se soucier de quoi ils ont l’air, quel que soit leur sexe, peu importe. C’est comme le fait d’avoir un permis spécial pour conduire un poids lourd. Ouais. Ainsi, quelqu’un qui est vraiment bon en bondage aura des femmes, des hommes, n’importe qui voudra être ligoté. Vous pensez que ceux qui ne sont pas là-dedans passent à côté de quelque chose ? Certaines personnes sont-elles seulement destinées à faire du va-et-vient-gicle-une-goutte ? Je parle en mon nom, là. C’est très lié à ma démarche artistique, qui est fondée sur la recherche de moi-même. Donc pour certains ça peut vraiment être une super expérience, mais pour d’autres, je ne sais pas. Ça peut devenir contraignant ? Ouais, si vous ne faites pas un peu d’introspection, vous n’en tirez pas plus de profit qu’avec quoi que ce soit d’autre. Et ce truc d’éboueur ? J’ai grandi dans la petite bourgeoisie, j’ai reçu une certaine éducation et mes préférences fétichistes vont aux ouvriers. Je trouve que l’éboueur est beau. Et l’un des trucs cool dans le fait d’être queer c’est que vous pouvez tripper sur quelque chose et même y ressembler. C’est pour ça que j’ai eu quelques problèmes avec la communauté cuir, qui a des fondements militaires. C’est une idée rigide des comportements sociaux. Je trouve ça risible, mais beaucoup de ces mecs sont dans le trip costume militaire et uniforme de flic. Je dois être beaucoup trop pseudo-hippie. En fait, porter des fringues d’éboueur, c’est une façon de pasticher les pervers fringués en militaires.