Comment la légalisation du weed pourrait changer le Québec
Photo : Le peuple de l'herbe : cannabusiness au Québec

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Comment la légalisation du weed pourrait changer le Québec

Une chose est sûre, ce sera mieux que la situation actuelle.

Pourquoi parle-t-on tant de weed sur VICE Québec ces jours-ci? Parce qu'en matière de cannabis au Québec, tout est à refaire.

Le cadre législatif actuel qui entoure la consommation de weed a beau être clair – c'est illégal, sauf lorsqu'elle est prescrite par un médecin et que le cannabis est produit par un cultivateur autorisé – son application n'a jamais été aussi arbitraire. En 2013, l'année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, les chances d'être poursuivi en justice au Canada suite à une intervention policière pour possession de pot étaient en pratique un jeu de pile ou face (les données couvrent le Canada entier, pas juste le Québec). Dans 45 % des cas, l'affaire a été « classée » par la police : en gros, on a donné un avertissement. C'est donc dire que l'application de loi sur la possession de cannabis est presque parfaitement arbitraire : une fois sur deux, ça s'arrête là; l'autre fois, le drame se poursuit.

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Et ce n'est pas que les forces policières canadiennes ont adopté une approche laxiste de la possession de cannabis. Au contraire. Il faut retourner au début des années 80 pour trouver un taux plus élevé d'infractions déclarées par la police. De 2003 à 2013, le taux a grimpé de 28 %; comparé au creux atteint en 1991, le taux de 2013 est de 114 % supérieur.

Si la réduction de l'influence et des ressources du crime organisé est – correctement – la première cible de la réforme du gouvernement Trudeau, celle-ci aura aussi l'effet d'enlever aux policiers des pouvoirs qu'ils utilisent de manière discrétionnaire. C'est donc une victoire pour quiconque croit au principe de l'égalité devant la loi.

Reste à voir, cependant, qui va remplir le vide laissé par les motards dans l'industrie du weed – ou s'il y aura effectivement un vide à combler. C'est sur cette question que s'est penchée notre journaliste Simon Coutu dans notre nouveau documentaire Le peuple de l'herbe : cannabusiness au Québec.

On y apprend que les particularités du marché québécois – 90 % des transactions se font sur le marché noir et peu d'entrepreneurs se sont aventurés dans le commerce du weed ici comme ils l'ont fait ailleurs au pays – font en sorte que la province est une page blanche en matière de commerce du cannabis. Tout est à faire. Conséquemment, la ruée verte québécoise excite les fins et le fous, des grosses entreprises comme Canopy Growth, qui cherche à s'établir comme le plus gros producteur légal au pays, à Enrico Bouchard, qui œuvre dans l'ombre depuis plusieurs années et aux « master growers » comme José Dominguez, qui a déjà eu à se frotter au crime organisé même s'il cultive en toute légalité.

Selon Ken Lester, un économiste de l'Université McGill, la plupart des entreprises qui évoluent dans l'industrie du cannabis feront éventuellement faillite, cédant leur place aux meilleures d'entre elles. « Il y avait un millier de constructeurs automobiles en 1924 et, en 1980, il n'en restait que trois. Les mauvaises compagnies échouent et les bonnes gagnent des parts du marché ou rachètent les mauvaises. Généralement, le grand gagnant est une compagnie dont on n'a jamais entendu parler. C'est une petite compagnie démarrée dans un sous-sol. »

Souhaitons que l'avenir donne raison à Lester. Si le marché du cannabis en vient à se comporter comme celui de n'importe quel autre produit de consommation, c'est tout le Québec qui en sortira gagnant. De toute manière, entre le crime organisé et la répression arbitraire, ça ne peut être pire que la situation actuelle.

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