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LE NUMÉRO MODE 2010

Le général milanais

Comme vous le savez bien (ou peut-être pas, tout compte fait), Milan est plein de ces petites bêtes orangées (ou vertes) qui transportent les gens d’un point à un autre un peu partout dans la ville...

Uniforme des volontaires de l’Unité motorisée allemande

Comme vous le savez bien (ou peut-être pas, tout compte fait), Milan est plein de ces petites bêtes orangées (ou vertes) qui transportent les gens d’un point à un autre un peu partout dans la ville. Elles font partie du décor puisqu’elles sont là depuis les années 1920, et elles sont plutôt charmantes. Ce sont bien sûr les tramways milanais. La ligne de tram n° 29 est l’une des plus connues parce que a) ce tram parcourt la ville en escargot ­jusqu’au centre, b) il est tout le temps plein de charmants jeunes hommes qui s’arrêtent devant des agences de mannequins, et c) c’est le moyen de transport préféré de Il Generale. C’est un homme de 50 ans que les usagers ont pu croiser, avec un peu de chance, alors qu’il était habillé en scribe égyptien, ou le jour d’après en fantassin de la Garde impériale allemande. Quelquefois, il porte aussi ce genre d’uniforme de samouraï qui lui donne un air de crevette énervée. « Et pourquoi s’habille-t-il de cette façon ? », vous avez envie de nous demander. Et nous pourrions vous répondre : « Eh bien, pourquoi vous habillez-vous de manière aussi ennuyeuse ? Vous pensez que vous ne portez pas de costume, vous ? » Nous avons rencontré Michele, alias Il Generale, alias Miguel, alias Michael, alors qu’il promenait ses chiens (Leo et Anibel) dans la rue, et nous lui avons demandé de porter certains de ses meilleurs costumes. Apparemment, il change de style toutes les semaines. Lorsque nous l’avons rencontré, il était en pleine semaine « militaire ». Vice : Salut Michele. Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
Michele : Je suis dog-sitter et ragazzo-immagine. Nous devrions préciser, pour que les non Italiens suivent, qu’un ragazzo-immagine est en ­général un joli jeune homme payé par les organisateurs d’événements et autres RP pour aller dans les fêtes et faire de l’effet. Oui, nous avons un terme spécifique pour ces gens-là.
Oui, ils me payent pour aller dans des soirées. Je me fais 30 euros par nuit, dans lesquelles je dois être habillé soit en militaire, soit en costume ethnique. Comment vous vous êtes trouvé cette passion pour les costumes ?
Ça a commencé lorsque j’ai effectué mon service militaire obligatoire. J’ai passé tout mon temps dans la Marine. Je me suis pas mal engueulé avec les officiers parce que j’étais incapable de suivre leurs règles. Comment ça ?
Eh bien, d’une part, il est impossible de customiser les uniformes, et à chaque fois que j’avais une permission il me gueulaient dessus parce que je voulais porter mes vêtements civils. Ils disaient que j’étais habillé comme un hippie parce que je préférais les combinaisons camouflage couleur terre aux uniformes de la Marine. En plus de ça, quand j’étais gosse, j’étais fasciné par les cow-boys, et ado, c’était les arts martiaux. Je portais des chemises et des espadrilles comme Bruce Lee, je sortais dans la rue et je jouais à me battre avec mes cousins – on criait des « AH ! », « OOH ! » « OH ! ». J’ai aussi eu ma période glam. Je me suis teint les cheveux en rouge et j’avais des talons de 30 centimètres. J’adorais David Bowie. Pour son style ou sa musique ?
La musique était bien, mais j’ai toujours été plus intéressé par ses vêtements. Vous étiez adolescent dans les années 1970, une période de l’histoire italienne où les gens vous jugeaient, socialement et politiquement, en fonction de ce que vous portiez.
Oui. C’était une époque révolutionnaire et je voulais jouer mon rôle. Mais je n’étais pas politisé. J’aimais juste les uniformes – les vestes communistes eskimo et les chemises boutonnées des riches fascistes. Mes amis ne savaient pas quoi faire de moi parce qu’un jour je m’habillais comme un fasciste, et le suivant j’avais l’air communiste. Au bout du compte, les deux sont des uniformes. Ils étaient plus décontractés, mais c’étaient des uniformes. Comment vous décidez de ce que vous allez mettre le matin ?
J’ai mes périodes. Des semaines thématiques. Parfois c’est la Turquie, à d’autres moments les généraux SS, l’Égypte antique, les pharisiens du Jérusalem antique ou les brigadiers français. Parfois, je choisis ce que je vais porter en fonction de la date. Le 25 avril de chaque année, je m’habille toujours en Soviet. Pour commémorer la Rencontre sur l’Elbe, je présume. Est-ce que la façon dont vous vous habillez vous a déjà causé des problèmes ?
À une époque, je sortais avec une fille qui m’a dit que si je voulais que ça continue entre elle et moi, je devais changer de style. Je me suis senti rejeté, mais je n’ai pas changé. Assez ­souvent, on se fout de ma gueule, mais tout aussi fréquemment, on me complimente. Les gens ­m’appellent le Transformer.

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Uniforme des Forces spéciales antiterroristes allemandes

Combien d’uniformes complets possédez-vous ?
Des centaines. Parfois, je rajoute juste des petits détails sur un uniforme pour changer totalement de look. J’achète des petits accessoires sur les marchés ou dans les friperies et comme ça, je peux customiser mes costumes moi-même. J’aime suivre les tendances, mais jamais sans y ajouter ma propre touche. Et comment vous vous tenez au courant ?
Principalement en regardant des documentaires à la télé ou des documents historiques, des journaux d’époque. J’ai remarqué qu’à chaque fois que vous changez d’uniforme, vous parlez une langue­différente. Hier, par exemple, vous portiez un uniforme de l’armée allemande et vous avez dit « auf Wiedersehen » lorsque nous nous sommes séparés.
Bien sûr, parce que j’essaie d’interpréter le look que j’ai. Mon rêve ultime, ce serait d’être acteur. Une fois, j’ai voulu me faire embaucher comme figurant à l’Opéra, mais la queue était ­tellement longue que je suis finalement rentré chez moi. Tous ces gens étaient dégoûtants. Ils n’en avaient rien à faire des costumes, ils pensaient juste au pognon. Qui sont les gens les plus stylés de l’Histoire, selon vous ?
J’adore les chevaliers de la Renaissance italienne, comme Ettore Fieramosca et Bartolomeo Colleoni. Mais l’armure est bien trop lourde. Il vous faudrait un cheval, également.
J’aime aussi les hussards. Tout cet or… Et les ninjas. Même si c’étaient des assassins. Il y a des personnages qu’il vous est impossible d’interpréter ?
J’ai des problèmes avec les Japonais. Je suis grand, alors qu’ils sont tout petits. Je ne fais pas un samouraï très crédible. Pourquoi vous portez une crête en ce moment ?
Récemment, je me suis intéressé aux vétérans du Vietnam, comme dans Taxi Driver. Il s’agit d’une coiffure tactique. Racontez-moi l’histoire la plus drôle qui vous soit arrivée ces derniers temps.
Une fois, j’étais dans le même parc qu’aujourd’hui et je suis tombé sur un mec qui avait perdu son chien. J’ai essayé de l’aider, mais quand je me suis approché il m’a fait : « Dégage espèce de pédé, j’ai pas besoin de toi ! » J’étais habillé en garde médiéval. Je portais du léopard. C’est pas très drôle. Quel connard celui-là.
Ouais. Une autre fois j’étais dans un autre parc et j’ai aperçu un groupe de Brésiliens en train de se battre. J’étais habillé comme dans CHiPs et l’un d’entre eux a couru vers moi en criant : « À l’aide, police ! » Ce genre de choses, ça m’arrive souvent. Quand je porte des ­uniformes de flic, les dealers dans les parcs fuient en m’apercevant. Est-ce que vous portez des fringues normales quelquefois ?
Seulement chez moi. Je porte des survêtements. Mais jamais je ne sortirai de chez moi avec un truc de ce genre sur le dos !

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Uniforme de la Police cantonale suisse

Uniforme de la Garde civile espagnole

Uniforme des Patrouilles d’autoroute américaines

Uniforme de la police de Chicago

La Xe Flottiglia MAS italienne (unité de nageurs de combat de la Marine royale italienne créée sous le régime fasciste)

L’Armée de libération de la Russie

L’Armée de l’air du Commonwealth (Michele dit que c’est un mélange d’uniformes australien et anglais et trouve cette tenue « plutôt décontractée »)

Aviateur (une « tenue décontractée »)