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société

Comment Montréal serait devenue la quatrième plus grande consommatrice de crystal meth

C’est qu'on en consomme probablement sans le savoir.
Photo de Fredrik von Erichsen/EPA

Il y a plus d’une décennie, Montréal faisait face à une épidémie de méthamphétamine. Aussi appelée crystal meth, cette drogue de synthèse est dangereusement addictive et peut être près de 1000 % plus puissante que la cocaïne. La consommation de cette drogue avait connu un déclin pendant un moment dans la métropole, selon des experts consultés. Mais voilà que des données compilées par le Groupe central d'analyse des eaux usées, une agence européenne, révèlent que les eaux usées de Montréal auraient le quatrième plus haut taux de méthamphétamine au monde.

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Le crystal meth est relativement absent du discours public, surtout en ces années où la crise des opioïdes semble prendre toute la place. Alors comment se fait-il que Montréal soit la quatrième ville avec la plus importante consommation de méthamphétamine au monde?

Attention aux nuances, me prévient le Dr Pierre Côté, médecin omnipraticien et fondateur de la Clinique médicale du Quartier latin. « Je pense qu'il faut faire attention, car il peut y avoir plusieurs drogues coupées avec des méthamphétamines, donc il faut nuancer les choses. » D'après lui, la meth est arrivée à Montréal plus tard que dans les autres grandes métropoles, au début des années 2000, un peu après Vancouver et Toronto. Ce retard s'explique par le fait que la meth n'est pas une drogue particulièrement payante. Il valait donc plus la peine pour le crime organisé à Montréal de continuer à vendre de la cocaïne, par exemple. « C'est une question de contrôle de marché. »

À Montréal, comme dans plusieurs autres villes, cette substance est particulièrement associée à la communauté LGBTQ+ et au phénomène du chemsex. Le chemsex est une pratique qui consiste à avoir des relations sexuelles sous l'influence de drogue. À cause de sa puissance et de ses effets euphoriques, le crystal meth s'est taillé une place de choix dans ces pratiques. « À la clinique, j'ai une clientèle LGBTQ importante, qui consomme de la meth à une plus haute fréquence que plusieurs autres communautés, et il y a un lien important avec les comportements sexuels, m'explique le Dr Côté. C'est une drogue extrêmement sournoise, car elle est puissante au niveau de sa force et de sa capacité à inciter une dépendance. »

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La méthamphétamine est une drogue de synthèse, c’est-à-dire qu’elle est le résultat de manipulations chimiques. Pour la produire, on mélange des amphétamines à d’autres produits chimiques, souvent toxiques, afin de rendre le produit plus puissant. Les laboratoires clandestins où l’on fabrique le crystal meth non seulement sont dangereux, mais produisent aussi de nombreux déchets toxiques.

Bien entendu, la consommation de crystal meth n'est pas réservée aux cercles LGBTQ+ ou au chemsex; c'est une réalité qui touche plusieurs autres communautés. Le réseau montréalais Cactus s'attarde aussi au phénomène de la propagation de la meth. Si des gens viennent parfois utiliser leur centre d'injection supervisée afin d’en consommer par injection, la directrice générale du réseau, Sandhia Vadlamudy, s'accorde avec le Dr Côté pour dire que la circulation d'autres drogues coupées avec de la meth pourrait expliquer la position de Montréal dans le palmarès.

« On a participé à une étude qui a analysé l'urine de 175 participants, au mois d'août 2017, chez Cactus et chez d'autres groupes de réduction des méfaits, m'explique-t-elle. On a détecté la présence de méthamphétamine dans l'urine de 74 personnes, qui aurait été consommée dans les trois jours précédents. Mais lorsqu'on a questionné les participants sur les drogues qu'ils pensaient avoir pris, seulement 14 ont dit avoir consommé de la meth. » Cela laisse croire que la méthamphétamine est assez présente dans l'élaboration d'autres drogues.

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Si la méthamphétamine est aussi répandue, comment se fait-il que nous n'en parlions pas autant que, par exemple, le fentanyl? Et si c'est un phénomène qui touche de manière disproportionnée la communauté LGBTQ+, qu'est-ce qui explique qu’il ne fasse pas partie du discours public?

Le Dr Côté m'explique que c'est en partie parce qu'il faudrait éviter de circonscrire le problème à la communauté LGBTQ+. On sait que la désinformation à propos de l'épidémie de VIH a eu pour conséquence d'ostraciser cette communauté. Associer la crise des méthamphétamines à ce segment de la société pourrait avoir les mêmes effets. La clinique du Dr Côté a d'ailleurs mis sur pied un site web, Meth et réalité, où on peut trouver de l'information à propos de la substance et de la réduction des méfaits. Cactus, de son côté, travaille avec des consommateurs de meth et vend des pipes au prix coûtant, car l'organisme a noté dans les deux dernières années une demande accrue.

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Le phénomène de la méthamphétamine au Québec semble toujours présent. En janvier 2018, la Sûreté du Québec a saisi 14 000 tablettes de meth chez un homme de Laval. Si, comme le prétend le Dr Côté, le crime organisé était au début réticent à vendre et distribuer cette drogue, il semble qu’elle se soit maintenant trouvé une part de marché assez importante. Déjà en 2013, près de 48 000 Canadiens en consommaient selon Statistique Canada. Peu d’initiatives gouvernementales s’attardent à cette réalité, mais plusieurs organismes, comme Cactus et RÉZO, un organisme de santé et mieux-être pour hommes gais et bisexuels, offrent de l’information et de l’aide afin de réduire les méfaits de la consommation de la meth.

Billy Eff est sur internet ici et .