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Jeune et gay dans un gang londonien

Ou comment « casser du pédé » en étant soi-même pédé.

La culture des gangs de Londres est connue pour son machisme et sa misogynie. Mais, au delà des apparences, il est évident que les gangsters sont tout aussi susceptibles que les gens ordinaires d'être gays. Les individus concernés préfèrent ne pas l'afficher ouvertement, sous peine de se faire tabasser. C'est en tout cas ce que m'a confié un jeune gangster gay, après lui avoir prouvé que je ne travaillais pas pour le un journal qui, selon lui, déteste cordialement les Noirs - et que je n'étais pas en mission d'infiltration pour un autre gang.

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Daily Mail -

J'ai pu rencontrer Ty [nom changé] grâce à mon ami Mike, un travailleur social. Mike passe ses journées à rencontrer les membres de gangs qui se sentent piégés par leurs semblables et ne peuvent plus s'en éloigner. Ty est membre d'un des plus grands gangs du sud de Londres depuis 5 ans et se trouve être, comme je l'ai déjà dit, gay.

Nous nous sommes rencontrés dans un café du centre-ville de Londres. Après avoir englouti son burger, il m'a expliqué qu'il avait rejoint son gang alors qu'il était encore au collège. « La plupart des autres membres vivaient dans le quartier. Ma mère me disait tout le temps de ne pas les approcher parce qu'ils étaient source d'ennuis. Mais je ne l'ai pas écoutée. Pour être honnête, j'avais envie de traîner avec eux. Quand on a 13 ou 14 ans, on veut toujours être pote avec ce genre de types. »

C'est à cette époque qu'il a eu sa première expérience sexuelle - avec une femme. « On est allé à une soirée, où se trouvait une fille beaucoup plus âgée que moi. Elle m'a emmené dans une chambre et on a fini par coucher ensemble », m'a-t-il raconté. À l'époque, Ty avait 13 ans, même si sa grande taille lui donnait l'air plus vieux.

Si cette soirée a permis à Ty de gagner l'estime des autres membres du gang, lui a détesté l'expérience. « Je n'ai pas vraiment aimé, mais je me suis dit que c'était normal la première fois. Mais quand j'y repense aujourd'hui, j'ai encore envie de vomir », m'a-t-il confié.

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Ty s'est longtemps interrogé sur sa sexualité. Contrairement aux autres garçons de son âge, il ne fantasmait pas sur les filles de son école ou de son gang. Il a préféré garder ce secret pour lui et a appris à répéter les remarques scabreuses qu'il entendait. Pendant les soirées, il essayait de choper le plus de filles possibles. C'était le meilleur moyen de ne pas se faire griller.

Malheureusement, ce n'est pas la pire chose qu'il ait dû faire afin de continuer à être perçu comme hétéro. « Les leaders du gang détestent vraiment les gays, a-t-il continué. Ce mot est même une insulte qu'ils utilisent contre les membres d'autres gangs ou des gens qu'ils détestent -peut-être parce qu'ils viennent d'une famille religieuse, comme moi. Parfois, ils disaient qu'ils voulaient aller 'casser du pédé' et certains m'ont dit qu'ils seraient prêts à tuer leurs propres enfants s'ils devenaient des 'suceurs de queues'. J'étais obligé de faire semblant d'être d'accord avec eux - si je refusais de me soumettre, ils auraient considéré mon comportement comme insultant et j'aurais fini avec au moins une ou deux côtes cassées. Je n'avais pas vraiment le choix. »

Il m'a également raconté qu'il avait lui-même participé au lynchage d'un couple gay l'année dernière. « On m'a demandé de les frapper et de voler leurs affaires » a-t-il expliqué. Les larmes aux yeux, il m'a avoué qu'il avait vraiment eu honte de son comportement, au point de ne plus pouvoir se regarder dans le miroir. « Si je les revoyais, j'irais m'excuser. Je les ai frappés parce que j'avais peur d'être battu par les autres membres - et cela pourrait encore m'arriver. »

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Ty a découvert son orientation sexuelle grâce à un ami, alors qu'il avait 16 ans. « Nous étions très proches. On jouait tout le temps au football et à la Playstation. On a commencé à passer beaucoup de temps ensemble, quand le gang n'était pas très actif.

Un jour, on a fini par s'embrasser. Au début, bien sûr, c'était bizarre. Mais le malaise s'est progressivement apaisé. Pendant plusieurs mois, on s'est vus en secret - pas seulement par rapport au gang, mais aussi parce que nos familles respectives étaient très catholiques. Si le gang ne m'avait pas tabassé, ma mère s'en serait volontiers chargée. »

Leur relation a duré plusieurs mois. Quand elle s'est terminée, Ty savait qu'il était gay. Il n'en avait pas honte, même s'il avait peur que son gang le découvre. Je lui ai demandé si l'homosexualité était répandue dans les gangs londoniens. Selon lui, c'est très difficile à déterminer. « Même s'il y a de plus en plus de gays dans les gangs, cette présence est noyée par toutes leurs activités machistes. Que ce soit au niveau musical ou même dans leur comportement, on ne peut pas s'affirmer en tant que gay - à moins de chercher les ennuis. »

Selon lui, les gangs comptent bien plus d'homos que ce que l'on pourrait penser. « Je ne suis certainement pas le seul. À mon avis, il doit y avoir pas mal de gangsters homos ou bisexuels, mais, évidemment, personne ne veut l'admettre », dit-il. « Si quelqu'un se déclare ouvertement gay - surtout si c'est un leader -, je ne serais pas étonné qu'une émeute éclate. »

Bien qu'il passe désormais ses journées à apprendre comment monter son entreprise, Ty fait toujours partie du même gang. Pour lui, c'est « impossible » de le quitter, sachant que les autres membres vivent tous à côté de chez lui. Selon lui, il se ferait « pourchasser » s'il partait. C'est donc pour cette raison et sous la pression de membres plus âgés que de nombreux jeunes comme lui sont condamnés à rester au sein de leur gang s'ils ne veulent pas se retrouver à l'hôpital.

@Hkesvani

Collages de Marta Parszeniew réalisé avec des images de poolski, piccadillywilson, swissdave, rasmusknutsson et jikatu.