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LE NUMÉRO HISTOIRE

T-t-t-totally Wired

Depuis quelques années, on nous bassine avec le retour du punk certifié 1977. On cite les Clash, les Sex Pistols, Gang of Four, les Buzzcocks... Que des morts, ou, dans le meilleur des cas, des vieux. Pendant que ces groupes croupissent au Muséum d...

Photos: Olivier Donnet

Vice : On vous catalogue comme un groupe punk et pourtant vous ne l’êtes pas du tout. À la limite, vous seriez plus proches de la No Wave, en tout cas dans la démarche. Graham: Notre point commun avec ces groupes, c’est qu’on a tous fréquenté des écoles d’art. Mais la No Wave est arrivée trois ans après nous. Colin: C’est vrai qu’on préférait les Américains. Patti Smith, les Ramones… Les Ramones, c’était un concept, ils jouaient du heavy bubblegum accéléré. Seulement, ils faisaient toujours la même chose, ils auraient dû sortir un seul album et arrêter. Mais on ne peut pas vraiment dire à un groupe qui commence à marcher d’arrêter au nom du concept. Je trouve quand même que c’est dommage qu’ils aient continué. Vous n’êtes pas dans le même trip—vous avez l’air de ne jamais vouloir rester statiques. Vous vous disiez ça dès le début? Colin : On fait partie de la première génération de groupes qui ont déconstruit la pop. Pour nous, la pop, c’est de la culture, pas de l’entertainment. Ça nous posait problème que Roxy Music ne sorte plus de bons disques. Quand Graham et moi on s’est rencontrés, on a parlé musique et on a trouvé une cinquantaine de groupes qu’on aimait tous les deux. C’est toujours important de progresser. Il faut faire gaffe quand on parle de l’Angleterre en 1977. En 1976, c’était encore possible de monter un groupe punk en Angleterre, il y avait juste les Sex Pistols et les gens qu’ils influençaient directement, comme les Damned. En 1977, c’était déjà fini, digéré. Ça ne servait à rien de faire la même chose. On devait être différents. On a grandi dans cette culture. Prends les mods, dans les sixties. Deux jours plus tard, ils se transforment en hippies! C’est comme ça qu’on voyait les choses. Une de nos forces, c’est aussi qu’on savait ce qu’on n’aimait pas. Ça facilite pas mal de choses. On ne savait pas très bien jouer mais on avait des idées. On a découvert le stop/start, un truc que personne ne faisait. Et quand ça sonnait juste, c’était fantastique. Pour faire du punk, il fallait simplement être bordélique. Et la musique n’était finalement que des plans rock’n’roll joués en accéléré. Colin: Je déteste la musique des années cinquante, surtout le rock’n’roll! Tu sais quoi? Je suis le plus grand ennemi du rock’n’roll! Quand j’avais la vingtaine, j’étais très prétentieux. Je voulais réinventer le rock’n’roll et je me disais qu’il fallait enlever le «roll» final, je me demandais comment tout renverser. Et j’étais convaincu d’être taillé pour le rôle. Il faut avoir 22 ans pour penser comme ça, pour croire qu’on est le plus grand génie de l’Univers. Graham: Et, par chance, tu en as rencontré trois autres [rires]. Vous étiez plus intéressés par l’expérimentation. Mais pas dans le mauvais sens du terme: vous avez l’air de faire ça naturellement, sans l’accompagner de discours pompeux sur votre musique. Graham: Ce qui nous intéresse, c’est le processus, ce qui aboutit à une chanson. Colin: C’est du jeu, sur plusieurs plans, pas seulement les instruments. C’est à la fois stimulant et marrant. Il n’y a aucun intérêt à reproduire ce qu’on a déjà entendu. C’est chiant à mourir. Ça me fait penser à la démarche de Brian Eno. Il n’était pas spécialement virtuose mais avait toutes ces idées. Je crois que tu l’as rencontré, Colin. Colin : Oui, mais c’était avant Wire. C’était à Watford, mon école d’art. Eno travaillait souvent avec un prof, Peter Schmidt. Ils ont fait Oblique Strategies ensemble. Il venait de temps en temps. Il est très fort pour se pointer en arguant d’un projet avec les étudiants, mais en gros il ne fait que jouer son nouvel album. Après les cours, un type me ramenait à Londres en voiture et Eno montait parfois avec nous. Dans la voiture, on discutait, on partageait nos idées. Je n’en ai rien fait à l’époque mais j’ai réalisé par la suite que c’était important. C’est lors de ces conversations que je n’ai plus hésité à me considérer comme un artiste. On échangeait nos idées librement, pas dans un rapport élève/professeur. Ça m’a vraiment libéré.

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Photo : D.R.

C’est votre premier album sans Bruce Gilbert. On peut parler de son départ? Graham: Ce sera une réponse incomplète sans le point de vue de Bruce. Il ne voulait plus trop faire de concerts. Il a même proposé qu’on le remplace pendant une tournée aux États-Unis. Quand il est parti, il n’a pas voulu en discuter, pour qu’on n’essaye pas de le convaincre de rester. Colin: C’était vraiment imprévu. Il fallait décider de ce qu’on allait faire. C’était la pire façon d’arrêter Wire. On a décidé de continuer, on en avait envie. La question était: comment? Du coup, il y a eu un creux entre 2004 et 2006. Et maintenant, on se retrouve à Leuven, à deux jours de la tournée. C’est une continuation. Ç’aurait été autre chose si vous vous étiez arrêtés pendant vingt ans. D’ailleurs, qu’est-ce que vous pensez des reformations de groupes comme Gang of Four, qui se contentent de rejouer leurs vieilles chansons? Colin: J’ai pas écouté. Et alors, qu’est-ce que ça donne? Euh… Colin: C’était en 2005, non? Pour moi, c’est l’année où l’on a arrêté de faire la différence entre le nouveau et l’ancien. Les jeunes groupes sonnaient comme les vieux groupes, mais en pire. On voyait votre nom partout. Colin : On a influencé pas mal de gens. La britpop, par exemple. Je n’osais pas en parler… On peut parler un peu de ce qui s’est passé avec Elastica? Ils vous ont bien pillés, non? Colin : Vers 1995, j’étais à fond dans la drum’n’bass. La britpop, rien à foutre. C’est l’époque où le NME est devenu mainstream. On mangeait de la britpop partout. Un jour, un pote me téléphone et me dit: «Tu vas pas croire ce que j’ai vu à “Top of the Pops”.» Il parlait de Justine Frischmann. Et il a ajouté: «Elle mériterait une bonne claque.» J’en revenais pas. Puis le NMEm’appelle et me demande ce que j’en pense. Elle leur aurait dit que j’étais d’accord pour qu’elle utilise ma chanson, alors que je ne la connais même pas! Je leur réponds: «Je n’aime pas la britpop. Du moment qu’on me paye les droits, rien à foutre.» En plus, c’est vrai, je ne lui ai jamais parlé! C’est ma chanson et Elastica l’a samplée. Je peux te le prouver. Je te crois. Graham: On a fait une tournée en 2002 et Momus a fait notre première partie à San Francisco. Il a fait un cut-up d’Elastica par Wire! Ça, c’était marrant. Mais ce qu’a fait Elastica est vraiment stupide. Colin: Ce qui m’a fait vraiment fait chier, c’est cette attitude pourrie, du genre «je connais tout le monde, j’en ai parlé à Wire». Je vais être vulgaire, mais c’est une connasse de bourge. Son père lui a acheté un groupe de rock. Lui non plus je peux pas le sentir, d’ailleurs, c’est un gros con. Mais Bruce a bien joué avec Justine Frischmann, non? Robert: En fait, c’est moi qui ai joué avec elle. Bruce a posé dans un lit avec elle. Mais ne te fais pas d’idées, c’était juste pour un magazine. Tu m’as fait peur. En parlant de Bruce, beaucoup de gens pensent que c’était lui qui faisait tout à la guitare. Colin: C’est marrant que tu parles de ça. On travaille avec une nouvelle guitariste, Margaret Fiedler, de Laika. On a fait une liste de titres et quelqu’un nous a demandé si on arriverait à le faire sans Bruce, alors que c’était moi qui jouais sur toutes ces chansons. Bruce est un super guitariste, mais les riffs les plus mémorables, c’est moi qui les jouais. Mais on me connaît d’abord comme le chanteur de Wire, on ne peut pas recevoir tous les honneurs.

Photo : Adam Scott

Qu’est-ce que vous pensez de tous ces groupes qui se sont réclamés de vous ces dernières années? Colin: Bloc Party, Franz Ferdinand? C’est déjà vieux. Ce qui est bien avec ces groupes, c’est qu’ils détestent tous Elastica. On dirait qu’ils veulent être connectés à Wire, je ne sais pas pourquoi. Il y a une chanson de Bloc Party que j’aime bien, mais ils sont atroces en live. Tu connais Hot Chip? Qu’est-ce que c’est que cette merde? Ils sont allés à la Elliott School. C’est l’école de mon fils. Il y a plein de groupes qui viennent de là: Burial, les Maccabees… La presse les adore, mais moi je ne comprends pas ce qu’on leur trouve. Et si on parlait des choses que vous aimez? Colin: Moi, j’aime bien parler des trucs que j’aime pas [rires]. Les Liars? Colin: En 2002, je les ai vus neuf fois. En live, ils sont fantastiques. Angus est un chouette type. Graham: J’aime bien Melt Banana. Colin: Tout le monde me parle de Holy Fuck. J’aime bien, ça me rappelle Neu!. Je découvre pas mal de trucs sur le Net. Vous restez à la page… Colin: C’est pas nouveau! En 1979, on avait proposé à EMI, notre maison de disques, de se lancer dans les clips. Ils ont refusé. Ils nous ont répondu que ça ne marcherait jamais. Du coup, on s’est barrés, ils n’avaient plus rien à nous apprendre. Tu sais, en école d’art, on avait entendu parler d’un truc qui s’appelle les médias. On voulait vendre notre travail et on savait que c’était le meilleur moyen. On aurait pu toucher un autre public. Notre idée, c’était de faire un spot à la télé. Ça se serait appelé «30 secondes d’art», un truc si bizarre que tout le monde s’en serait souvenu! C’était vraiment nouveau à l’époque. Ç’aurait été la meilleure pub du monde! Graham: Et on s’est fait griller par Duran Duran [rires]. Colin: Si EMI nous avait écoutés, on aurait envahi MTV. C’est peut-être mieux comme ça, non? Colin: Peut-être. C’est vrai qu’on ne voit que de la merde aujourd’hui. Vous pensez vraiment qu’il n’y a rien de valable en 2008? Graham: Loin de là. Ma fille a 15 ans et elle écoute des trucs hallucinants. Tout est disponible, il faut juste bien choisir. Colin: À Londres, il y a une scène dubstep vraiment intéressante. Vous allez vous y mettre aussi? Colin: Qui sait?