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ain't it fun

Au cas où vous vous demanderiez ce que je fous en costume, je bosse aux pompes funèbres

Je sais, je suis resté beaucoup trop silencieux depuis mon dernier article. Désolé, mon emploi du temps en tant que croque-mort est particulièrement chargé.

Adrien, avec une clope.

Salut à vous, monde du vivant. Je sais, je suis resté beaucoup trop silencieux depuis mon dernier article. Désolé. Une raison à cela ; mon emploi du temps en tant que croque-mort est particulièrement chargé. C'est la deuxième fois que je fais ce job dans ma vie, mais c'est la première fois que ça ne me dérange pas. Le principal avantage – entre deux mises en bière, un Salve Regina et une crémation au Père Lachaise – tient dans le fait que j'ai le droit d'écouter des tonnes de musique sur la route, mollement affalé dans le corbillard. En revanche, j'évite d’écouter l’intégrale de Cannibal Corpse au travail parce que : A. le metal c'est toujours à chier. B. avouez-le, ce serait un cliché de merde.

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Les clichés font d'ailleurs partie des pires problèmes lorsqu’on est croque-mort. Des rumeurs circulent à votre propos ; vous êtes soit un asocial patent, un vampire célibataire ou l'un de ces gothiques foireux ayant choisi un emploi de nuit au funérarium pour passer plus de temps avec ses potes refroidis. La conséquence est toujours la même : les gens normaux ont systématiquement du mal à accepter qu'un mec de leur entourage puisse être croque-mort.

Pourtant, les pompes-funèbres ne sont pas un repère d’ex-taulards en goguettes et une chambre mortuaire n’est pas à un abattoir où ce genre de pratiques est monnaie courante. Je me considère comme quelqu’un de normal : je dispose d'un portefeuille Moneo étudiant, je ne me nourris pas de viande crue et je ne porte pas de bonnet L’Étrange Noël de monsieur Jack. Pourtant, en travaillant sur un autre article, j’ai pris conscience d’une chose ; en tant que genre musical, le punk rock s’appuie souvent sur des thèmes associés à des problématiques similaires à celles du fait d'être croque-mort – l’ennui, la peur du chômage et dans certains cas, la mort.

Du coup, j’ai dû reconnaître qu’outre l’envie d’être autre chose qu’une machine à scanner des yaourts chez Franprix, je suis aussi devenu employé des pompes funèbres parce que la mort m’intriguait et pire, me PASSIONNAIT. Et même si l'on peut lui trouver beaucoup de côtés négatifs, j'aime vraiment mon boulot. À ce point que j'écris ceci depuis le boulot. Voici des morceaux qui certifient la relation entre mon job et cette chose informe qu'on appelle punk rock.

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NEW BOMB TURKS - MR. SUIT

Respect pour les familles et les défunts oblige, la tenue de rigueur lorsqu’on est croquemitaine professionnel est le costard-cravate. Je n’ai aucun problème avec cette idée. En revanche, celui-ci a la fâcheuse tendance de me faire passer pour un connard friqué lorsque je rentre chez moi en banlieue – et donc, de m’attirer des emmerdes. En reprenant ce morceau de Wire, les New Bomb Turks permettent de soulager ma rancœur, en attendant le jour où l'on pourra enfin bosser en creepers.

THE BRIEFS - NEW SHOES

J’écoute souvent les Briefs au travail parce qu’ils sont la parfaite représentation de cette catégorie de types qui ne grandiront jamais – et donc, n'auront jamais de travail. Je n’ai jamais vu une concentration aussi forte de couleurs pastels, de pois et de lunettes de soleil à montures colorées au sein d’un groupe. Par conséquent ils peuvent facilement égayer une triste journée hivernale passée à transporter des humains décédés à travers la zone 4 de la RATP et me faire oublier que je porte une paire de pompes trouées qui prennent l’eau quand il pleut.

YOUTH AVOIDERS - BOREDOM AIRLINES

Être croque-mort demande de la concentration, du bon sens et un certain capital santé – je vous assure que porter le cercueil d’un mec de 150 kilos au dessus des 30 marches menant à l’entrée de l'église peut s'avérer relativement douloureux. Néanmoins, attendre en ruminant constitue tout de même la composante principale du boulot. Le punk foisonne de groupes explorant le thème de l’ennui mais les Youth Avoiders sont mon groupe de choix lorsqu’il m’arrive de m’endormir dans le « corbi » quelque part devant un cimetière de Haute-Normandie.

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THE SWANKYS - LIFE STYLE

Les Swankys ont sorti le meilleur titre de punk japonais de l’Histoire. Ce morceau, pour une raison que je ne m'explique pas, me rappelle aussi que les Japonais ont toujours été chelou. Ils ne font d'ailleurs pas exception à la règle lorsqu’il s’agit de rites funéraires, avec par exemple le Kotsuage, cérémonie infâme en forme de jeu où il convient de tenter de choper – avec des baguettes – les os calcinés du défunt à sa sortie du four crématoire.

LA PESTE - BETTER OFF DEAD

Travailler dans les pompes funèbres est un putain de révélateur du mensonge et du cynisme qui règnent au sein des familles françaises ; celles-ci font souvent trop d'éloges lors des obsèques pour que quiconque ait envie de pleurer la personne disparue. Sans vouloir médire, je rêve du jour où quelqu’un osera dire la vérité sur Mamie et son appétit sans limite pour la délation et la xénophobie. Puis cette putain de barbe piquante qui brûle les joues de tous les membres de la famille chaque année, aussi.

THE FREEZE - I HATE TOURISTS

Le truc cool lorsqu’on est croque mort dans Paris, c’est que le job offre de fait la possibilité de visiter des édifices religieux renommés dans le monde entier, genre le Saint Sulpice ou la basilique du Sacré Cœur. Comme ces églises jouent un rôle déterminant dans l'intrigue du Da Vinci Code, elles attirent des nuées de touristes décérébrés qui n’ont souvent rien à foutre de la cérémonie se déroulant pourtant devant les lentilles de leurs appareils photos. Lorsqu’un visiteur italien explose les fleurs funéraires de sa vilaine paire de chaussures à bouts carrés en me sortant une excuse tristement improvisée, j'ai salement envie de lui péter la gueule. Je retiens pourtant ce sentiment tout au fond de moi et repart en direction d'un autre arrêt du Lonely Planet Paris, tout sourire dehors.

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ELECTRIC EELS - YOU'RE FULL OF SHIT

J'ai remarqué que même dans le deuil, les gens conservaient leur statut de grosses merdes. Souvent, on se fait marcher dessus comme si l'on était des putains de laquais. Bon joueur, je pense que les gens qui pleurent un proche sont déboussolés, déprimés et qu'ils ne se rendent pas forcément compte des messages qu'ils peuvent véhiculer quand ils nous appellent amicalement « garçon » ou « petite merde ». Seulement, sur certains convois, la méchanceté ou l'égoïsme sont tels qu'on peut avoir du mal à se contenir. Je veux dire, j'ai vu un vieux faire un malaise puis se chier dessus dans une église sans que personne ne bouge vraiment.

THE STITCHES - HILLSIDE STRANGLER

Je n’ai toujours pas foutu les pieds à lIML, même si je survole régulièrement le bâtiment avec la ligne 5 en allant bosser. Les légendes urbaines foireuses qui courent au sujet de l’institution font régulièrement ressortir des mots-valises comme « tous pourris », « meurtre inexpliqué » ou « mystérieux accident voyageur ». Les Stitches, pour leur part, sont avec les Briefs et les Gaggers l’un des groupes-phares du revival Killed By Death. Même si ce morceau donne dans le cliché le plus vil, je les inclue dans cette liste parce que j’aime aussi faire peur aux pépés bien pensantes de ma fac en parlant de dépouilles de victimes perpétrées par des serial killers insensibles, monstrueux et ridicules à la Guy Georges.

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STRIKE UNDER - ELEPHANT'S GRAVEYARD

Écouter ce morceau avant d'inhumer quelqu'un rappelle que les cimetières humains sont, d'une certaine manière, des cimetières d’éléphants mais avec des humains. Des hordes de corbillards et de familles s’y pressent pour faire enterrer leurs proches, ce spectacle faisant penser, lors des jours d’affluence, à une énorme usine avaleuse de cadavres. Aussi, les cimetières sont dotés de gardiens qui pourraient très bien avoir inspiré les créateurs de Zelda et ils sont aujourd'hui parsemés de tombes standardisées en marbre rose saumon, celles-ci donnant simultanément envie de pleurer, se cacher sous une table et vomir son intestin grêle.

DEAD BOYS - DOWN IN FLAMES

Stiv Bators, le chanteur des Dead Boys, est mort dans l'oubli ; renversé par une voiture à Paris un jour de 1990, il a été par la suite incinéré au crématorium du Père Lachaise. Un jour, un collègue m’a raconté ce qu’il avait vu par le judas lors d’une crémation en ce même lieu. Je ne vais pas m'attarder sur les détails de la quasi liquéfaction du cerveau lorsqu'il est soumis à une température avoisinant les 6000 degrés, mais je vous recommande d'y réfléchir à deux fois si vous aussi voulez carboniser la structure organique qui vous servait autrefois de corps – c’est la pratique la plus proche de la barbarie absolue, et ce même si celle-ci est aujourd'hui adoptée par de plus en plus de gens en France.

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