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LE NUMÉRO AU BORD DU GOUFFRE

Livres et DVD

À l'instar des films de gunfight chinois ou des régimes totalitaires, je n'ai jamais été fan des westerns italiens. Mais au même titre qu'il existe quelques bons films de gunfight, les westerns italiens ne sont pas tous à jeter. À vrai dire, à chaque...

LE JUSTICIER AVEUGLE

Ferdinando Baldi

Wildside

À l’instar des films de

gunfight

chinois ou des régimes totalitaires, je n’ai jamais été fan des westerns italiens. Mais au même titre qu’il existe quelques bons films de

gunfight

, les westerns italiens ne sont pas tous à jeter. À vrai dire, à chaque fois que j’en vois un, je me dis qu’il possède quelques atouts. Pour commencer, c’est un peu snob mais

Le Justicier aveugle

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est un hommage à

Zatoichi

, le justicier aveugle japonais. Ensuite, Ringo Starr est dans le film pour montrer qu’il est bel et bien le plus déconneur des Beatles même s’il est ici beaucoup moins déconneur que dans

Caveman

. Ce mec a eu, quoi qu’on en dise, une vie plus belle que John Lennon, et s’il fallait une preuve, c’est qu’elle continue encore aujourd’hui. Enfin, le film possède son lot de séquences mémorables, dont un simulacre de massacre de cinquante femmes en nuisette de jute dans le désert. Mais 50 femmes en chemise de nuit, des cow-boys barbares, un Beatle à long nez et pas 1 poil de chatte ? J’étais un peu furax !

GÉRARD JUNIOR

LE BAISER DE LA FEMME ARAIGNÉE

Hector Babenco

Carlotta

Christophe Lemaire a eu beau demeurer le ­critique émérite et intègre qu’il était dans les années quatre-vingt, les têtes pensantes du magazine

Starfix

se sont progressivement entachées en réalisant des films honteux – à l’exception de

Silent Hill

. Pourtant, presque trente ans après, le magazine reste une Bible pour moi. C’est là que mes yeux de 10 ans ont découvert

Le Baiser de la femme araignée

, film sulfureux et envoûtant réalisé par Hector Babenco, qui a aussi fait

Pixote

, un des films les plus sordides du monde. Ses images fantasmées m’obsèdent encore, le titre du film est celui qui revient le plus souvent hanter ma psyché et pourtant, je n’ai jamais vu qu’une dizaine d’images de ce film, soit moins de la moitié d’une seconde du film ! Non mais tu imagines la déflagration de 120 minutes de ce truc ?!

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ROMAN POLAMPLOI

MACHINE SOUL

Jon Savage

Allia

Prenez quelques négros égarés au milieu des ­années quatre-vingt, un séquenceur Roland MSK-100 réglé sur un tempo de 120 BPM et des disques de krautrock, de Moroder ou de George Clinton. Ne lésinez pas sur l’émotion que suscite en musique la répétition mécanique. Réglez votre boussole sur une bonne vieille ville industrielle en passe de devenir une erreur totale : Detroit, par exemple. Laissez reposer puis exportez cette ­recette baptisée Techno de l’autre côté de l’Atlantique, chez le frère ennemi : l’Angleterre, le Pays de la Pop, c’est-à-dire du plagiat et de la parodie devenus institutions nationales. Faites écouter cette synthèse réussie entre l’homme et la machine à de jeunes prolos oisifs de Manchester ou ­Sheffield désireux de simuler par la danse l’expérience des chaînes de montage passées. Ajoutez une molécule synthétisée en 1898 nommée MDMA et ­laissez-vous bercer par le bruit sec de vos synapses en train d’éclater sous l’effet conjugué du volume, de la foule et de la drogue. Ah Étienne Menu, ­traducteur de ce beau

Machine Soul

 ! Tu nous avais caché cette fascination pour une époque ringarde où les gens prenaient de la drogue pour danser et sortir plutôt que le contraire.

CLITORINE SARRAZIN

MARSHALL MCLUHAN

Douglas Coupland

Boréal

Je n’ai pas fini le bouquin. J’étais pourtant bien disposé : je m’intéresse à la sociologie de la communication et des médias et n’ai pas détesté ­

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Génération X

, du même auteur, dont vous avez beaucoup entendu parler dans le numéro de Vice consacré à l’année 1994. Ou c’est peut-être parce que le coursier qui m’a apporté le livre m’a agressé, puis a appelé les flics quand je me suis enfermé chez moi avec le colis et le bon de livraison que j’avais, dans ma panique, conservé. C’est un livre d’un Canadien sur un Canadien publié par une maison d’édition canadienne ; je l’ai lu en ethnologue. Une de ses vagues ambitions : créer un nouveau genre de biographie, la « pathographie » – en gros, montrer en quoi la forme du cerveau de ce cher Marshall McLuhan peut nous éclairer sur ses idées. C’est foireux. Je le sais depuis que j’ai lu dans le

Guiness des records

qu’Anatole France avait un tout petit cerveau (mon école primaire s’appelait Anatole France). Quant à McLuhan, c’était un sacré zozo. À une époque troublée où s’affrontaient les tenants de l’école lazarsfeldienne et ceux de Francfort a surgi l’école de Toronto – qui, en fait, se résumait au seul McLuhan. Il fonctionnait à coups d’aphorismes – Wittgenstein aussi a mis des affirmations péremptoires dans son

Tractatus

, mais lui écrivait dans les tranchées. « Le médium est le message », « le village global », on est au courant, mais sans plus. Et, il est temps de le dire, ce n’est pas bien grave : son apport théorique est d’un intérêt limité et a vite été dépassé. Le livre regorge cependant de tidbits qui nous font passer d’une page à l’autre sans trop de souffrance. Il y a même un test de quotient autistique dans le livre, que j’ai effectué dans le secret espoir d’expliquer tous mes problèmes de sociabilité. J’ai malheureusement obtenu un résultat dans la moyenne, ce qui veut dire que je suis juste, globalement, désagréable.

PAUL MOURANT