FYI.

This story is over 5 years old.

LE NUMÉRO DU CONFLIT MORAL

Music reviews

Meilleur album : The Spits - Pire album : Mac Miller

THE SPITS

MAC MILLER

NATE YOUNG

THE BATS

Ça défonce. Juicy J a 40 ans et est probablement le premier rappeur à s’en rendre compte. Il ne prend plus aucune décision, laisse les beatmakers préférés des moins de 22 ans lui produire des morceaux, invite des mecs qui le confondent avec Dieu – c’est limite comme s’il n’était pas là et que la vie continuait avec lui et sans lui, une sorte de cerveau dans une cuve qui parle de rates et de meurtre depuis les limbes de la conscience. Si seulement les baby-boomers pouvaient aussi s’écarter du game comme lui, peut-être qu’on aurait enfin la chance de vivre des trucs intéressants genre, une dictature.

Publicité

ARTHUR JOCKENHAUER

MAC MILLER

Blue Slide Park

Rostrum

WIZ KHALIFA

Bombay & Doobies

TrapTV

Non, c’est casse-couilles votre truc. Je capte pas pourquoi c’est « ça » le vrai rap d’aujourd’hui. Avant, c’était des mecs qui s’en battaient plus les couilles que vous et qui menaient une vraie vie de hors-la-loi dans laquelle se déployait une putain d’esthétique virile marquée par les films de gangsters et un héritage hétéro-funk lui-même influencé par les films de gangsters, mais d’avant. Plus, des pantalons de bonhommes et des règlements de compte en caisse. Là c’est quoi leurs revendications de grosses feignasses shitées qui aiment jouer à la console et radoter (sans y croire) sur d’hypothétiques meufs avec lesquelles ils aimeraient bien échanger leurs fluides ? Le rap c’est devenu le chômage sérieux.

MAÎTRE VIEUX

S’il est nécessaire et sain de se foutre de la gueule des

wiggers

chaque jour de sa vie, on devrait aussi étendre cette hygiène de haine aux Blancs non

wiggers

qui pensent tirer leur épingle du jeu juste parce qu’ils parlent de leur vie de merde d’employé de vidéoclub. On s’en fout de votre honnêteté ! Les mecs sincères, ils meurent dans les films, ils se suicident dans les livres, et ils pinent jamais dans la vie. En plus de ça la musique est horrible, on dirait No Doubt.

JIMMY MORE HELL

Après la grisante anthologie « Bazzerk » consacrée au kuduro angolais (et par extension portugais et français) sortie cet été, Jess & Crabbe ont envoyé pour Noël, toujours sous le nom Bazzerk, un EP gratuit spécial logobi, ce genre chorégraphico-musical inventé par les prépubères des cités françaises issus de la « dernière vague d’immigration subsaharienne », qui grosso modo consiste à plaquer des accords d’eurodance Fruityloopsée sur des beats de coupé décalé infernaux, puis à pratiquer un style de danse irréel, entre tecktonik relax, coupé-décalé et passements de jambes répétés mille fois en centre de formation de foot pour les moins de 15 ans. Le résultat est si miraculeux qu’il me redonnerait presque foi en la fonction historique de la dance music – allez donc le choper et soutenez tous ces gens.

Publicité

ÉTIENNE MINOU

PAWN

Tone Sketch

Progressive Form

BOO WILLIAMS

Home Town Chicago

Another Day

Cet album semi-séminal paru en 1996 chez Relief Records est réédité par le tout nouveau label Another Day Records, qui semble décidé à donner une seconde chance aux seconds couteaux et grands oubliés de la seconde vague de Chicago house. L’ensemble est bien produit, certains morceaux sont étonnamment avancés pour l’époque, mais on va pas se mentir, vu d’où je suis, avec mes préjugés et mon aversion des clubs, c’est pas de la house, c’est de la techno, avec des grosses basses pour caisson Blaupunkt. Cette seconde vague correspond historiquement au moment où la fête est retournée en performance physique, et où Chicago regarde New York qui regarde Detroit qui regarde Berlin, autant dire que c’est pas mon Chicago. Je préfère la première vague des années 1980, la house mélodique, chantée et narrative des Larry Heard, Frankie Knuckles, et tous ces grands Noirs mélancoliques et salaces qui murmurent des prophéties incohérentes m’invitant à rejoindre un mystérieux «

other side

 » dont je ne sais toujours pas s’il est une métaphore de la drogue, de l’homosexualité ou de la mort.

JOE SMOOTHIE

Je savais que j’aurais dû parier sur la pérennisation du sous-courant « shoegaze glitché » issu de la vague indietronica. Les Japonais se sont emparés de cette esthétique facile à placer en synchro pub mais également idéale pour accompagner des sessions cocooning en capsule-hôtel ou se faire croire qu’on traverse une phase profondément mélancolique. Comme il refuse de prendre la moindre distance avec la matière sonore qu’il fétichise, Pawn alias Hideki Umezawa se sert des glitches et de la reverb abusée exactement comme si c’était des beats et des effets normaux, acceptés, standard. Et du coup le disque simule tellement bien le classicisme qu’on finit par l’écouter comme un album enregistré en 1978 pour la BO d’un remake japonais d’un film de Rohmer avec Béatrice Romand.

Publicité

BRANDADE & MONICA

OBN IIIS

The One And Only

Tic Tac Totally

C’est du garage punk d’Austin qui fait penser aux Stooges, à Sabbath et même aux Ramones, et ce que j’avais pas du tout vu venir, c’est que ça défonce complètement. On dirait du rock érudit des années 1970 mais joué par des illettrés nés en 1993. C’est de la musique plus conne que moi qui me donne envie d’être arrogant et aussi d’être en sueur, de me faire virer d’un concert et de me remettre à signer Michel Rockhard.

MICHEL ROCKHARD

THEE OH SEES

Carrion Crawler

In The Red

Cool, du bon garage sans nuances, j’ai l’impression d’être à un des ces concerts où je me promettais d’aller avant d’y renoncer alors que je m’y serais probablement amusé comme jamais. Je mettrai probablement six mois à écouter ce disque en entier, piste par piste, mais ça sera autant de fêtes par substitution. C’est parfait pour les gens comme moi qui se désengagent progressivement de la musique et continuent de donner le change, pour que personne ne se rende compte qu’ils ne ressentent plus rien et se sentent chaque jour un peu plus divisés par zéro dans les bornes d’un ensemble vide.

MARCO POLIO

RADAR EYES

Miracle 7”

HoZac

J’aime bien cette récente vague de pop au milieu du marécage boueux sans fond qu’est le garage-punk. Ça prouve que les mecs ont 1. encore envie de piner, 2. qu’ils ont renoncé au seul truc auquel ils avaient juré de prêter allégeance jusqu’à la fin des temps, à savoir : être lourd. Bon, c’est pas fin pour autant, les paroles tournent quand même autour du fait de « crasher une party » et de « pisser dans la cheminée », mais c’est bien qu’après trente ans de musique à sens où tout est systématiquement commenté, théorisé, relu et chiant, on revienne à la simplicité sereine d’un morceau d’une minute trente des Ramones.

Publicité

JIMMY MORE HELL

THE SPITS

The Spits V

In The Red

« Oooh, les Spits parodient la pochette de Coldplay ! Ces bananes ! Ils sont comme une colocation de mecs qui font des pyramides de canettes et se donnent des surnoms genre «le Trou» ! On les aime bien parce qu’ils sont trop cons ! »

Gneugneugneu

eh ben non connards, vous n’avez rien compris. Ça défonce et c’est la seule chose que j’aie envie d’écouter. En fait, le monde aurait été meilleur si ces millions de disques de Coldplay avaient dès le départ contenu des albums des Spits, et ça vaut aussi pour tous les disques de tous les groupes comme, je sais pas, les Black Keys ? C’est ça que vous écoutez ? Franchement, j’ai aucune idée de ce que vous pouvez bien écouter en dehors des Spits. Et de toute façon, si c’est pas les Spits, je m’en branle.

ANDRE CUNT-SPONVILLE

Les étudiants anglais sont cons, ils lavent jamais leurs draps, ils se déguisent pour un oui ou pour un non, ils boivent de la bière à la cannelle et mangent de la nourriture ethnique tous les midis, et ils ont une explication pragmatique pour tout. Mais pendant ces quelques mois de désinvolture nihiliste entre le moment où ils quittent leurs parents fantasques et le moment où ils se transforment en banquiers placides, ils écoutent du meilleur hardcore que nos futurs intellos-précaires et fonctionnaire territoriaux à nous.

JULIEN CRACK

TUBELORD

R O M A N C E

Pink Mist

Imaginez un huis clos introspectif de Michael Bay qui suit un adolescent alternant entre des phases de dépression et de rage – deux effets secondaires de l’anti-acnéique Roaccutane – tandis qu’il hésite à acheter le jeu vidéo

Publicité

Halo 2

dans la galerie marchande d’un hypermarché de ville moyenne dont les hauts-parleurs diffusent exclusivement « Bring Me To Life » d’Evanescence. J’irais voir ce film. Pourquoi pas. Cet album, là, en revanche, il me fait chier.

DAVID FETA

SMASHING PUMPKINS

Siamese Dream

(Deluxe Edition)

Virgin

Les Smashing Pumpkins font partie du panel de sujets qui s’étend de l’affaire Dreyfus à l’affaire Strauss-Kahn et sur lesquels j’ai toujours évité d’avoir un avis, mais comme mes supérieurs se piquent de rebâtir ma culture sur les ruines de mes valeurs je me résignais à découvrir

Siamese Dream

au XXIe siècle en préparant une chronique douce-amère sur le thème des mythes fondateurs d’une génération X qui a vieilli et fait le compte de ses espoirs déçus, avec peut-être une vanne sur le marché unique. Malheureusement, c’est faux. Je suis forcé de constater que ce groupe a toujours été un connard chauve au visage de poupée robot affublé d’une casquette de guérillera lesbienne et d’une écharpe fine. J’ai l’impression de retrouver le père que je n’ai jamais connu et de me rendre compte, effaré, que c’est un prof de clarinette de droite. J’ai l’impression d’avoir toujours haï l’indie rock.

MARECHAL T-PAIN

DIVE

Human

Captured Tracks

Le guitariste de Beach Fossils s’est apparemment égaré dans la brume atlantique au cours d’une promenade dominicale longue de deux ans sur du sable humide qui colle aux chaussures bateau et vient d’émerger à Brooklyn où le label de Blank Dogs lui a filé une couverture, un bol de soupe et une guitare pour monter un autre groupe au nom océanique, un peu jangle pop, un peu électro, et nostalgique d’une époque un peu plus définie (New Jersey 2009). Je lui mets un smiley parce qu’il y a quelque chose d’apaisant à constater que la vie des autres n’avance pas non plus.

Publicité

G.W. PABST BLUE RIBBON

DJANGO DJANGO

S/T

Because

Je devrais pas me moquer de ces types parce qu’il ont sûrement fait leurs preuves dans le circuit Emergenza et qu’ils pourraient tous me mettre une raclée au billard en moins de deux avant de me menacer de me filer un coup de main lors de mon prochain déménagement, mais ça faisait hyper longtemps que j’avais pas pensé au groupe « Syd Matters ».

LADY DE NANTES

THE BATS

Free All the Monsters

Flying Nun

Les Bats sortent un album hyper bien et c’est normal parce que c’est ce qu’ils font depuis 1987, d’ailleurs la seule différence notable avec l’époque

Daddy’s Highway

c’est que là ils se marrent un peu moins, probablement parce qu’entre-temps ils ont passé vingt-cinq années à élever des enfants. Si vous voyez pas qui c’est, c’est un des groupes de la mystérieuse scène indie néo-zélandaise influencée par le Velvet, le vent et le fait d’être les seuls mecs sensibles au pays des danses d’avant-match grotesques, et vous allez sans doute pas tarder à vous rendre compte qu’en fait vous avez déjà entendu leur tube « Made Up in Blue », parce que c’est le seul morceau qu’on a passé plus souvent que « This Is How We Do It » de Montell Jordan dans toutes les soirées qu’on a organisées en partenariat avec des marques pas possibles au cours des trois dernières années.

SLAVOJ ZIZOU

DOLDRUMS

Empire Sound

No Pain In Pop

« Doldrums » est un terme désuet du lexique maritime désignant une zone de convergence intertropicale, mais on s’en fout. Ne tombons pas dans le panneau, ces gens ne s’intéressent à rien, leur manager qui est probablement aussi leur dealer de weed et leur voisin de palier leur a assigné un univers arbitrairement, après leur avoir expliqué l’importance d’avoir un « univers » et avoir roulé un joint dans l’ascenseur. Je vous le dis en vérité, tout ça sonne comme une comédie musicale de Baz Luhrmann sur un couple héroïque formé d’un chevalier déchu du garage et d’une catin du trip hop dans une Gotham Sin City ravagée par le dubstep. Laissez l’océan à Alain Bombard, aux ­méduses immortelles et aux Seapunks.

Publicité

MARCO POLIO

SUNBEARS!

You Will Live Forever

New Granada Records

Pendant les deux premières minutes j’ai pensé que ce disque se contenterait d’être gentiment chiant comme une petite copine indie ou un Bingo Brain, mais apparemment il avait des ambitions autrement plus élevées et c’est finalement avec une aisance désarmante et une niaiserie jamais démentie qu’il a gravi un à un les échelons menant au non-fun absolu. Vraiment, j’ai du mal à imaginer qu’on puisse être aussi chiant que ces mecs, je suis sûr qu’ils sont du genre à dire que non, désolé mais, vraiment,

South Park

, c’est trop vulgaire pour être marrant.

MEINONG THREAT

RADICAL DADS

Mega Rama

Uninhabitable Mansions

Je me demande comment c’était pour les critiques de musique d’avant Internet. Qu’est-ce qu’ils faisaient pendant un album chiant ? Est-ce qu’ils buvaient du café soluble en fixant le mur de la cuisine, immobiles, concentrés sur les lyrics ? Est-ce qu’ils enchaînaient les clopes à la fenêtre dans le vague espoir d’entrevoir leur voisine nue ? Est-ce qu’ils feuilletaient un grand quotidien national format papier ? Une fois le disque fini, devaient-ils le garder comme un irritant rappel physique de ces minutes perdues ? Inimaginable. Peut-être ouvrira-t-on bientôt dans les musées des métiers disparus une section après « rempailleur » pour rendre hommage aux rock critics, forçats du son qui conduiront des classes de CE2 apathiques dans un voyage ressemblant à s’y méprendre à un monologue incohérent d’anecdotes et de plaintes à travers une époque qui n’a somme toute jamais rien été d’autre qu’un dimanche de janvier.

Publicité

JEAN YANNE CURTIS

WILCO

Speak Into the Rose

dBmp Records

Vingt-trois minutes pour un disque qui compte seulement quatre morceaux ? Bravo les connards de Wilco ! J’avais jusqu’ici toujours refusé d’écouter vos disques parce que votre nom me fait penser au film

Willow

et que c’est un des deux cents mauvais souvenirs d’enfance avec lesquels je compose comme je peux, mais du coup là je comprends encore moins qu’auparavant comment des gens ont pu sérieusement penser un jour que vous étiez un des meilleurs groupes du monde. Faut vraiment avoir eu 20 ans dans les années Arnaud Viviant pour avoir pu soutenir des conneries pareilles et s’en être ensuite tiré à si bon compte.

LE MASQUE ET CE PIPE

NATE YOUNG

Stay Asleep

(Regression Vol. 2)

NNA Tapes

C’est le side-project d’un des mecs de Wolf Eyes, groupe que je déteste au moins autant que la scène dont ils sont les dignitaires. Ça me fait d’autant plus mal de reconnaître que c’est bien. Ou plutôt, ça confirme mes théories à propos de la trajectoire des mecs du noise qui commencent leur vie de musicos sordide dans le hardcore, continuent à faire chier jusqu’à 29 ans dans un groupe inécoutable, commencent à produire des trucs ambient OK à partir de 30 ans et sortent des disques valables sur les coups de 35 ans. Si mes calculs sont exacts, Young devrait avoir quelque chose comme 38 balais, là.

YOUNG DRONE

CO LA

Daydream Repeater

NNA Tapes

Mon programme, après avoir écouté cette tape dans laquelle on se propose sobrement de relire « Be My Baby » des Ronettes à l’aune des

Publicité

Gymnopédies

d’Erik Satie, c’est d’honorer la promesse que j’ai faite à ma meuf d’aller acheter des meubles avec elle, de finir en vitesse

La Jalousie

avant la tombée de la nuit et d’espérer qu’à partir de demain plus personne ne me fera jamais chier avec les notions de distinction, de culture et d’intelligence.

HUBERT MENSCH

ENSEMBLE ECONOMIQUE

Crossing the Path, by Torchlight

Dekorder

Je me demande ce que le mec d’Ensemble Economique a pu rater dans sa vie pour infliger aux gens cette musique complètement ni faite ni à faire. Franchement, le concept de « musique quelconque » a parfois ses bons moments, mais il faut tout de suite l’oublier dès qu’on essaie de mettre ça « en scène », avec un découpage dramaturgique hyper visible qui embarrasse tout le monde et des tentatives de mélanges de genres faussement audacieuses qui donnent juste mal à la tête.

INSPECTEUR MENU

TAKAHISHA HIRAO

Non-Sites

TwistedTreeLine

Je suis pas très proche de mon frère, disons que si on prend des nouvelles une fois par mois ça nous va très bien quoi. Il est économiste de la construction, il a acheté un appart. Il se veut anticonformiste alors qu’il l’est pas tant que ça, il joue encore à la console alors qu’il a 24 ans. Sa copine est à l’étranger depuis trois ans. J’aurais adoré avoir une sœur, on aurait pu se raconter plein de trucs, se disputer ! Là avec mon frère on se dispute mais c’est pas la même chose, il s’énerve dès qu’on n’est pas d’accord avec lui. Il a des idées arrêtées sur tout.

UN GARÇON