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LE NUMÉRO QUI FAIT FROID DANS LE DOS

Dark Souls

Y'en a, longtemps ils se sont couchés de bonne heure. Moi, longtemps je me suis demandé ce qui m'attirait dans un jeu aussi ingrat que Demon's Souls. Longtemps je me suis demandé pourquoi

Éditeur : Namco Bandai

Plates-formes : PS3, 360

Y’en a, longtemps ils se sont couchés de bonne heure. Moi, longtemps je me suis demandé ce qui m’attirait dans un jeu aussi ingrat que

Demon’s Souls

. Longtemps je me suis demandé pourquoi je m’entêtais à essayer de passer le premier niveau d’un jeu – clef essentielle pour en apprécier toutes les délices – qui revenait à traverser 200 mètres d’un château avant de finir empalé sur une lance ou transpercé par une flèche. Longtemps j’ai pensé à son fonctionnement (ça m’arrive de penser à ça quand j’arrête de penser à mes collaboratrices ou aux stagiaires du magazine) et comment il arrivait à m’entraîner dans une entreprise que je savais vaine. Puis un jour j’ai pensé à

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Aguirre ou la colère de Dieu

, probablement à cause de l’armure cabossée que Klaus Kinski partage avec le chevalier de

Demon’s Souls

(j’en aurais d’ailleurs peut-être moins chié en choisissant le personnage du magicien, mais alors je n’aurais jamais pensé à

Aguirre

). Et quand je pense à

Aguirre

, je pense immédiatement à ma meuf qui résume si bien le film de Herzog : « Jamais plus je veux voir un film de Herzog ! » Herzog. Proust. Épreuve. Le temps perdu. Et la mort. Une belle synthèse qui définit l’essence de

Demon’s Souls

et de son successeur récent :

Dark Souls

. Derrière ce masque d’ingratitude – parce qu’en plus, il n’est pas très au point techniquement –, je vous le dis, l’ennui, la répétition, la mort, tous ces principes peu inspirants dans la vraie vie, ne sont que les outils que From, les développeurs, utilisent pour permettre à leur jeu d’offrir au joueur un plaisir infini qu’on ne retrouve plus aujourd’hui qu’à de rares exceptions (il faut penser à

Ninja Gaiden

ou le récent

Catherine

que j’évoquerai plus tard) dans sa forme vidéoludique. Le plaisir par la souffrance. L’apprentissage par la chute. L’élévation par le vide. Sérieux, c’est pas moi qui ai inventé ces concepts débiles mais très pertinents. Et

Dark Souls

tout comme son prédécesseur se fait le chantre d’un épisme de la souffrance perpétuelle. D’ailleurs, dans

Dark Souls

, on joue un zombie en armure, un mec en train de pourrir, ce que quelques-uns des personnages qu’on croise ne manquent pas de nous rappeler. Certains vendeurs nous méprisent parce qu’on n’a pas assez d’âmes (la monnaie d’échange du jeu) pour acheter des trucs qui nous permettraient pourtant de battre un boss qui un peu plus tôt, surgi de nulle part, nous avait massacré du haut de ses 4 mètres et de sa hache géante. Mais j’y suis retourné encore, et ­encore. Je ne rentre pas dans le système fondamental du jeu qui lui aussi n’a que mépris pour son utilisateur. Combien de fois ai-je dû me battre contre des abrutis qui me disaient qu’ils n’allaient pas au cinéma pour s’ennuyer. J’ai envie de leur dire d’aller se faire foutre, tout comme au mois d’octobre, je vais envoyer chier tous les connards qui vont me demander si j’ai aimé

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Modern Warfare 3

(alors que dans le genre, l’excellent Rage est sorti un mois plus tôt) alors que j’essaierai de leur expliquer que

Dark Souls

est l’un des rares jeux qui pourra vraiment les instruire sur une clef de voûte essentielle de leur existence. Un jeu dans lequel chaque coup d’épée compte. Dans lequel tu es poussé à avancer dans des dédales de pierre à la sortie desquels, seule la mort te l’apprendra, une fois, mais peut-être trois, se cache un monstre géant qui te fera perdre toutes tes âmes dûment gagnées et que tu ne pourras peut-être même pas récupérer si par malheur, en y retournant, tu oublies de dresser ton bouclier au moment opportun. Ou tu oublies simplement que derrière cette corniche se tapissent quatre squelettes qui vont te tomber dessus sans crier gare. Et te tuer. Je ne parle même pas des autres joueurs qui, s’ils le décident, peuvent te tomber dessus sans prévenir et te planter leur épée dans le dos. Ou t’indiquer par le biais d’un message que tu peux sauter alors qu’en fait… Tu tombes. Et. Tu meurs. C’est là que

Dark Souls

est tellement fort. Il arrive à faire rire des mécanismes de cruauté incessante que ses développeurs sadiques ont inventés. Et parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se ferment si vite que je n’ai pas le temps de me dire : « Je meurs. »

ICO/SHADOW OF THE COLOSSUS HD

Éditeur : Sony Computer Entertainment

Plates-formes : PS3

Dans le genre atmosphérique mais beaucoup moins sadique et de fait, beaucoup moins pédagogique, Sony a l’excellente idée de ressortir les deux premiers jeux de Fumito Ueda optimisés pour la PS3. Je n’ai jamais eu l’occasion d’évoquer Ueda dans les pages du magazine parce que son dernier jeu est sorti avant même que VICE paraisse en France et que son nouveau ne sortira jamais. Ueda est peut-être le producteur de jeu dont tous les critiques s’accordent à dire qu’on est là en face d’un auteur à nul autre pareil. Il faut voir la façon dont il transcende

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Zelda

dans

Ico

et le concept du shoot’em up à boss gigantesque dans

Shadow of the Colossus

. Si on devait comparer, on dirait que son nouveau jeu est à peu près aussi attendu que

Tree of Life

était attendu. Il est donc peut-être préférable de se plonger dans les deux premiers opus de Ueda, Malick étant devenu super con après

La Balade sauvage

et

Les Moissons du ciel

. Et les deux premiers jeux de Ueda sont aussi fondamentaux que ces deux films-ci.