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LE NUMÉRO INTERVIEWS

Circuit electric

Je les ai invités pour le dernier fiasco system festival, et le trio portugais Gala Drop a hypnotisé le public avec sa musique electropicale, aussi trippante que les Impressions d'Afrique de Raymond Roussel.

De gauche à droite et de haut en bas : Antonio Variaçoes, icône new wave portugaise des années 1980 ; la vie pré-coloniale selon Gala Drop (la pochette de leur premier LP) ; Nelson et Afonso sous le soleil de Lisbonne ; le DJ/producteur Tiago el Bandito, alias Slight Delay

Je les ai invités pour le dernier fiasco system festival, et le trio portugais Gala Drop a hypnotisé le public avec sa musique electropicale, aussi trippante que les Impressions d’Afrique de Raymond Roussel. Du coup, je leur ai tiré les vers du nez pour savoir où en était le Portugal, niveau musique, bouffe et baignades au paradis. Leur album est autoproduit, il vient de sortir, et c’est une merveille. Vice : À part le prog-rock seventies et le kuduro testostéroné, ça donne quoi l’underground portugais depuis les années 1980 ? Afonso : En dehors de Antonio Variaçoes (qui a touché le mainstream sans rien perdre de son excentricité) et de quelques outsiders, il y a eu plein de musiciens électroniques géniaux comme Rafael Toral et Nuno Canavarro, des pionniers du drone comme Osso Exótico, des improvisateurs comme Manuel Mota, Margarida Garcia, Alfredo Costa Monteiro, de la musique pop-rock zarbi comme Pop Dell’Arte ou Tina and the Top Ten. Dans les années 2000, des groupes d’une lignée psyché free-noise sont apparus : Loosers, Caveira, Frango, Tropa Macaca, Calhau, One Might Add. Et une nouvelle scène club, entre la nu-disco et l’avant-garde, a surgi récemment : Zonk, Slight Delay, Photonz… Les clips de Variaçoes que tu m’as montrés sur YouTube sont hallucinants. Les popstars portugaises sont donc des géants gay et barbus qui font de la synth-pop chelou ? A. : Ce mec-là est un génie et il est énormément respecté, aussi incroyable que ça puisse paraître. Sans doute parce qu’il a gardé dans sa musique des idées intrinsèquement liées à la culture populaire locale. Il n’a pas rejeté sa spécificité portugaise, il l’a assimilée et mixée à des idées nouvelles et un mode de vie (notamment les sapes) émanant sans doute de New York, où il se rendait souvent. Ses paroles ne sont pas si éloignées des poèmes de Pessoa et sa façon de chanter est unique. Il ne connaissait rien à la musique, il était coiffeur, mais il s’enregistrait et demandait ensuite à des groupes de jouer par-dessus. Et les sound systems des favelas ? Nelson : Les favelas existent seulement au Brésil, ici on appelle ça les bairros, un mot soft pour décrire les ghettos. C’est un mouvement spontané de gamins noirs dont les parents sont originaires d’anciennes colonies (Angola, Cap Vert, Mozambique, Sao Tomé). Ils produisent une musique digitale africaine homemade avec des variantes de style : kizomba, funanà, digital samba et kuduro. Parmi les plus originaux, j’en connais bien quatre : Ritchaz & Kéke, ils font du kizomba accéléré avec un flow à la De La Soul en créole ; DJ Marfox, un petit génie qui produit à la fois ses propres instrus et ceux pour Kotalume ; Os N’Gapas et quelques autres. Buraka Som Sistema, les plus connus, n’émanent pas de cette culture ghetto. Ce sont des gosses de riches. Vous faites quoi à part de la super musique que personne ne connaît ? N. : Je suis programmateur musical. Avec Pedro Gomes. On a commencé à organiser des concerts dans un lieu qui s’appelle ZDB, et on a créé une agence de booking, Filho Unico. On s’efforce de faire rentrer dans les mœurs et les habitudes culturelles les musiques actuelles. Afonso, lui, s’occupe de monter des tournées en Europe pour des groupes étrangers. Quant à Tiago, le troisième membre du groupe, il fout le feu aux dancefloors depuis environ quinze ans. Il est DJ résident du Lux Fràgil, le plus gros club de Lisbonne. Il joue aussi dans le groupe Loosers. Il a créé le label Ruby Red et s’est récemment mis à faire des edit et à produire de la disco sous les noms Tiago, Mendes & Alçada et Slight Delay. Vos projets initiaux étaient tout de même plus punk, free et noisy, non ? Vous êtes passés des amphets à l’herbe ? N. : Les drogues n’ont aucun effet sur ma musique, je n’en prends pas. Il y a plein de réminiscences dub et krautrock dans Gala Drop. En même temps, vous ne sonnez comme rien d’autre, contrairement à tous ces groupes neo-kraut à la mode qui ne font que reproduire des formules d’il y a plus de trente ans. N. : Merci. On veut développer un univers qui nous est propre. On se focalise sur l’espace, l’écho, les delays, les percussions tribales, la polyrythmie, les mélodies smooth, les synthétiseurs et autres claviers… Quelle est la plus grande source d’inspiration à Lisbonne ? N. : Les sept collines, la lumière du soleil, le climat… Je ne peux pas m’empêcher de te poser une question Guide Michelin. Quels seraient les endroits à Lisbonne que tu conseillerais ? A. : Os Galegos (le meilleur endroit pour déjeuner), Toma là dà cà (le meilleur endroit pour dîner), Bica (tard dans la nuit), Cinemateca, Praça das Flores (le dimanche). Il y a aussi des plages fabuleuses. Merci pour tous ces bons tuyaux. http://www.myspace.com/galadrop