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Culture

Dans ma vie de figurant pour le cinéma et la télévision française

D'instructeur militaire à gardien de prison, Gérald Raynaud a participé à près de 150 tournages – et vous ne l'avez jamais vu.

Rien ne me prédisposait à devenir figurant. J'ai réalisé mes premiers pas de comédien sur le tard, en 2006, alors que j'avais 34 ans. Pour vous resituer tout ça, j'étais batteur dans un groupe de punk-rock nommé OC Toons, et les choses marchaient plutôt bien pour nous. Après une tournée de plusieurs semaines en Californie en décembre 2005, nous étions allés enregistrer sept mois plus tard un album à San Francisco, dans le studio de Fat Mike – le chanteur/bassiste de NoFX. J'avais quasiment toutes les heures requises pour devenir intermittent du spectacle. C'est à ce moment-là que j'ai quitté mon job de responsable de magasin. Sauf que quelques mois plus tard, OC Toons a splitté.

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J'avais d'autres groupes en parallèle, mais ils ne tournaient pas suffisamment pour que je puisse m'en sortir. J'ai alors rencontré Pascal Jarlat, un comédien expérimenté, qui est devenu mon partenaire sur scène au sein des Zigomars, un duo circassien. J'ai commencé ma carrière de comédien comme clown, et c'est lui qui m'a formé. On s'est très vite entendu, à tel point que nous avons créé un autre duo comique – Les Bourguignoles – qui m'a permis de découvrir le métier au plus près du public. Je sentais alors que la comédie prenait une place de plus en plus importante dans ma vie. Avec Pascal, nous avons donné plus d'une centaine de représentations de notre spectacle « La Téloche » à travers la France en deux ans et demi. Pas mal, étant donné qu'on se débrouillait nous-mêmes pour trouver nos dates.

Gérald dans la série « Falco »

Par la suite, j'ai voulu tenter d'autres choses comme de participer à des castings pour des tournages. Ma première figuration, je l'ai décrochée en 2009 pour une série historique diffusée sur France 3 : La Commanderie. J'en garde un bon souvenir. Je suis resté quinze jours sur le tournage. L'ambiance, la découverte des plateaux, le plaisir de jouer m'ont donné envie de poursuivre l'expérience.

Bien sûr, cette période n'a pas été facile. Il y a beaucoup d'acteurs en France et se faire une place demande énormément de volonté. Quelques-uns y parviennent facilement parce qu'ils ont un réseau conséquent. Mais pour les autres, cela prend du temps. On enchaîne les castings sans succès, les déplacements sont coûteux – je vis en Bourgogne et je dois régulièrement me rendre à Paris – et il faut faire face à la concurrence. Je me suis déjà retrouvé sur des castings où il y avait 600 candidats présents pour trois rôles. Là, soit tu te dis que ça ne vaut pas le coup et tu rentres chez toi, soit tu saisis quand même ta chance. Moi j'y crois et j'essaye toujours de positiver. Ça finit par payer. Au fur et à mesure, je gagne en confiance et je sais aussi mieux appréhender les rôles auxquels je prétends.

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Gérald dans la série « Profilage »

J'ai dû participer à 150 tournages environ depuis mes débuts. J'ai fait des choses pour la télévision, des courts-métrages mais aussi des films. Des figurations du début, on me propose maintenant des petits rôles avec plus de place. L'année dernière par exemple, j'ai participé au tournage de La Folle Histoire de Max et Léon , le premier film du Palmashow. Une super expérience : les mecs étaient adorables et très pros. Au départ, j'ai été casté pour un rôle d'instructeur militaire puis le réalisateur, Jonathan Barré m'a créé un rôle sur-mesure en ouverture du film. Sur son prochain long-métrage, il m'a même promis une place plus conséquente.

Généralement j'accepte tout ce qu'on me propose. Bien sûr, on doit toujours faire des heures pour renouveler notre statut d'intermittent. Mais je veux aussi varier les projets dans lesquels je m'engage. Même les petites apparitions pour lesquelles je dois faire des centaines de kilomètres en voiture – et les déplacements ne sont pas défrayés – je les accepte. Il y a peu de temps, j'ai donné cinq répliques à Vincent Lindon dans Journal d'une femme de chambre. De toute façon, plus les directeurs/directrices de casting voient votre nom, plus il y a de chance qu'ils vous avertissent des prochaines auditions, voire même qu'ils vous proposent quelque chose de plus concret.

Gérald, en compagnie de Kyan Khojandi sur le tournage de « Rosalie Blum ».

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Bref, je refuse rarement un rôle même si cela m'est déjà arrivé. Je devais notamment participer au pilote d'une série pour Canal+. Le personnage était celui d'un homme obligé de se prostituer pour survivre. Dans le scénario, il y avait des scènes très dures que je ne me voyais pas jouer. Ça allait trop loin pour moi, je pensais à mes enfants… J'ai poliment décliné.

Une fois sur un tournage, vous sentez une différence de traitement entre les acteurs. Un figurant doit se pointer à une heure précise sans savoir quand il devra jouer ni quand il pourra repartir. Il faut attendre, prendre son mal en patience. Pour les comédiens en revanche, tout est planifié. C'est déroutant au départ, et puis on s'aperçoit vite que c'est un raisonnement qui obéit à la logique. Les budgets sont serrés – surtout pour la télévision – et il faut veiller à réduire au maximum la présence des comédiens sur les tournages dont les cachets sont plus élevés que ceux des figurants. Selon le barème défini par l'ACFDA (Association des Chargés de Figuration et de Distribution Artistique), un figurant sans dialogue doit être payé au minimum 105 € pour une journée de tournage pour le cinéma (84 € pour la télévision) tandis qu'un acteur avec un rôle identifiable va lui toucher 400 € (277 € pour la télévision).

Après, même sur les grosses productions les relations avec les acteurs principaux sont bonnes. Vincent Lindon, par exemple, est un type vraiment adorable. Même chose pour Kyan Khojandi que j'ai côtoyé sur le tournage de Rosalie Blum l'an dernier. Juste avant une prise, il est venu me voir pour m'encourager, me taper dans la main. Des bons souvenirs de ce genre, j'en ai plein. C'est encourageant. Il m'est arrivé une fois de tomber face à un réalisateur odieux avec ses équipes mais c'est un cas de figure très rare. Je n'ai pas envie de m'épancher là-dessus.

Gérald, en compagnie de Vincent Lindon, sur le tournage de « Journal d'une femme de chambre ». Toutes les photos sont publiées avec son aimable autorisation

Au final 2015 a été une super année pour moi puisque j'ai décroché douze rôles, notamment sur des séries télés comme Boulevard du Palais, Falco ou Profilage. Sur Falco j'ai même obtenu un rôle récurrent : cinq jours de tournage comme gardien de prison. Cette année c'est un peu moins simple mais mes prestations s'améliorent et mon CV s'étoffe avec des références qui parlent aux directeurs de castings. Même si le chemin est encore long avant d'accéder aux premiers rôles, j'y crois de plus en plus.