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Fabien Cousteau : Ça peut sembler fou avec du recul – mais quand on est tout petit, on n'a pas encore appris à avoir peur. Tout a commencé la veille de mon quatrième anniversaire. Un ami de mes parents était assis au fond de la piscine avec une bouteille d'oxygène, et lisait tranquillement le journal – oui, on a des amis un peu étranges. J'étais curieux de voir ce qu'il faisait, donc j'ai mis un masque et ma petite bouteille et je suis descendu au fond de la piscine en apnée. On a partagé son détendeur et respiré à tour de rôle. On est resté assis 20 minutes à s'entraîner. Ça a fini par attirer l'attention de mes parents – une semaine plus tard, on est allé sur l'île de Catalina et j'ai plongé pour la première fois dans l'océan. C'était mon quatrième anniversaire. Tout a commencé très naturellement.
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Dans la BD préférée de mon enfance, Tintin avait une brillante idée : se camoufler en requin. Et j'ai pensé : « Pourquoi ne pas amener un peu de la fantaisie de l'enfance dans ma vie ? » Je me demandais aussi comment ce serait de se camoufler et d'interagir avec l'animal le plus craint de la planète.Comment l'avez-vous fabriqué ?
J'ai fait en sorte que le sous-marin soit flexible car je voulais pouvoir nager comme un poisson, ce qui est technologiquement et mécaniquement difficile à imiter. Ensuite, il devait être discret et se mouvoir de sorte que les autres requins puissent le considérer comme un des leurs. On l'a fabriqué avec des matériaux qui ne sont pas fait pour les sous-marins. Le Lexan est un espèce de plastique à l'épreuve des balles mais suffisamment flexible pour que l'on puisse en faire une ossature. Ensuite, on a utilisé des tiges d'acier inoxydable pour donner la forme et se protéger, avant d'enrober le tout dans une gaine en Inflex, un matériau utilisé par les prothésistes pour imiter la peau. Il m'a fallu trois ans et demi pour le concevoir.Fabien jeune avec son grand-père, Jaques Cousteau. Photo : Anne-Marie CousteauVous vous êtes fait deux-trois frayeurs, non ?
Un peu plus que deux ou trois ! Une des pires m'est arrivé de nuit. Je voulais voir ce que les requins faisaient la nuit sans présence étrangère. Donc je suis sorti avec le sous-marin, qui devait être connecté avec mon équipe à la surface. Mais j'ai perdu toute communication avec eux. Et au pire moment – alors que nous nourrissions les requins à plus d'un kilomètre du bateau – la propulsion (du sous-marin) s'est arrêtée. J'étais seul à peut-être 25 mètres de fond et à 320 kilomètres des côtes. J'avais deux choix ; soit ancrer le sous marin sur le fond – il faut se rappeler que c'était un sous-marin inondable et que j'étais donc en équipement de plongée à l'intérieur – et sortir nager jusqu'à une île située à un peu moins de 200 mètres, ou bien refaire surface et espérer que je ne dérive pas dans l'océan Pacifique.
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Lorsque vous rentrez pour la première fois dans l'habitat, qui est le seul de ce type dans le monde, vous remarquez que l'air est plus épais, plus lourd à respirer. Nous subissions trois fois la pression atmosphérique, donc l'air est sirupeux. Vous êtes dans un environnement fermé, quelque chose qui fait environ la taille d'un bus, d'environ treize mètres de long et trois mètres de large. Et avec tous les équipements, le couloir se réduit à 50 cm et vous devez cohabiter là-dedans avec six personnes, pendant un mois. Disons que ce n'est pas un endroit recommandable pour les claustrophobes.La pression à cette profondeur joue avec vos sens. On perd le goût et l'odorat. Et vous sentez les variations de pression de la surface, donc lorsqu'il y a une grosse tempête, c'est un peu comme pour un plongeur : l'habitat, au contraire d'un sous-marin, est ouvert sur l'environnement. Dans un habitat, vous devez créer une pression atmosphérique identique à celle de l'extérieur. Même au fond de la mer, vous allez sentir les variations de pressions provoquées par une tempête ou la houle.
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À chaque fois que l'on veut sortir travailler, on a simplement à enfiler notre équipement de plongée, à descendre les escaliers et nager une fois dans l'eau. On gagne un temps monstre : on pouvait bosser et rester aussi longtemps que l'on voulait à l'extérieur. Je pouvais plonger pendant 12 heures si j'en ressentais l'envie, ce qui n'est pas possible depuis la surface.C'était vraiment l'objet de la Mission 31, pouvoir rester plus longtemps sous l'eau, aller plus profondément et plus loin. Nous avons produit l'équivalent de trois ans et demi de recherche en 31 jours. Nous avions aussi des technologies modernes, ce qui nous permettais de communiquer en temps réel par Skype depuis le fond de l'océan directement avec des étudiants. En fait, j'avais même une meilleure connexion au fin fond de la mer ! Nous pouvions discuter avec plus de 70 000 étudiants sur les six continents.Pour le moment l'Aquarius est le seul habitat sous-marin et laboratoire du monde. Dans le futur, pourrions-nous coloniser le plancher océanique? Des gens pourraient-ils vivre pour une période prolongée ou même en permanence sur le fond marin ?
C'était le rêve de mon grand-père. Pourrions-nous construire l'Atlantis ? Pourrions-nous bâtir un réseau sous marin ? Je suis l'un de ceux qui pensent que c'est possible technologiquement parlant. Physiologiquement, nous ne pouvons certainement vivre sous l'eau pendant une période prolongée, mais les défis ne sont finalement pas différents de ceux des voyages spatiaux ; l'absence des proches et le fait d'être dans un environnement trop méconnu de notre espèce.
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Mon chien, et le vin. C'est très français, mais la nourriture m'a manqué aussi. Matin, midi et soir, nous ne mangions que de la nourriture lyophilisée. En partie à cause des effets de la pression sur l'oxygène, cuisiner au gaz n'était pas possible. La seule manière de se faire manger était avec de l'eau chaude ou un micro-ondes.Pourrions-nous faire pousser de la nourriture sous l'eau ?
Oh, très certainement, en aquaponie par exemple. Pour faire pousser des légumes dans un environnement dépourvu de terre, il faut simplement suspendre les racines une solution d'eau. Vous pouvez faire pousser des laitues, toutes sortes de légumes.
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Ouais, si c'est une pratique durable, il est possible de récolter des fruits de mer et de prélever des animaux.
Absolument. Nous allons publier 12 articles scientifiques au sujet des enjeux climatiques. Je ne peux rien en dire tant qu'ils ne seront pas parus. J'aurais aimé, mais mes associés m'en voudraient vraiment, donc malheureusement je dois rester silencieux. Mais nous pouvons déjà vous promettre qu'il y aura quelques nouveautés excitantes : des choses que personne n'a jamais vues, pensées ou comprises jusqu'à présent – que ce soit à propos de la dynamique des remontées d'eau froide, de la raréfaction des prédateurs ou des conséquences de la pollution sur le corail qui est à la base de la chaîne alimentaire. Il y a des répercussions très profondes que nous avons découvertes et que nous ne connaissions pas avant. C'est très excitant.Le monde sous-marin représente plus de 99 % de l'espace de vie sur la planète et concentre 93 % de la biodiversité. Nous avons exploré moins de 5 % de ce monde. Que pourrions-nous trouver d'autre là bas ?
Des nouvelles ressources, des nouveaux traitements pour des maladies auxquelles nous faisons face comme Ebola ou le cancer, des nouvelles espèces – la liste est longue. Imaginez simplement ce à quoi nous rêvons quand on pense à l'exploration spatiale, aux genres de chose que l'on pense pouvoir découvrir. Je pense qu'à court terme, les océans vont nous offrir encore davantage. C'est incroyable. Sous l'océan se trouvent des choses à découvrir de nombreuses générations à venir.@georgia_c_rose