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LE NUMÉRO EMBARGO

La petite maison

Depuis quelques planches opportunément posées sur les branches d’un séquoia, à 30 mètres de haut en bord de mer, la vue panoramique sur la baie de San Francisco n’a rien à envier à celle dont...

Voici David, là-haut

Depuis quelques planches opportunément posées sur les branches d’un séquoia, à 30 mètres de haut en bord de mer, la vue panoramique sur la baie de San Francisco n’a rien à envier à celle dont jouirait, disons, un appartement chic dans les buildings du quartier de Russian Hill. La seule différence est le facteur vent. Quand il se lève, la tour résidentielle ne bouge pas, alors que l’arbre… si.

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C’était l’été 2007. Je me trouvais dans la baie de SF, par une de ces journées qui donnent envie aux New-Yorkais comme moi d’abandonner la routine sadomaso de leurs souffrances urbaines. Je me tenais au pied d’un arbre, les doigts couverts de taches juteuses couleur mûre. La cueillette n’était qu’une diversion impromptue. Notre but premier : l’escalade d’un séquoia à la cime duquel une cabane secrète nous attendait. Avec le recul, mon amie Raluca s’est demandé s’il n’était pas plutôt possible de trouver des manières plus productives de passer notre dimanche, comme, oh, lire le journal. Je m’étais résignée au fait que nous n’avions pas vraiment le choix en la matière. Lorsqu’on vous emmène au pied d’un conifère centenaire au milieu de la forêt, et qu’on vous met une corde entre les mains avec pour instruction « on se retrouve au ­penthouse », rentrer à la maison pour faire les mots croisés du dimanche n’a pas vraiment sa place parmi les alternatives envisageables.

Quelques semaines plus tôt, le petit ami de Raluca, David Freitag, avait entendu parler de la maison. Sur un coup de tête, il avait ­appelé son architecte d’origine pour lui demander la permission d’escalader l’arbre. C’est Josiah Clark, un écologiste de la région de SF, qui avait répondu. «

En quoi est-ce que ça vous regarde ?

», avait-il lancé. Quand David lui avait expliqué qu’il était gréeur professionnel de cirque et de théâtre, Josiah avait répondu : «

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On se retrouve là-bas dans dix minutes.

»

En haut de l’arbre, David avait découvert une plateforme rudimentaire à base de matériaux recyclés que des années d’exposition aux UV avaient détériorés. «

Mon cerveau de gréeur est juste devenu fou en imaginant toutes les possibilités. Je me suis dit, “on pourrait construire quelque chose de plus grand et de plus solide ; on peut encore améliorer la vue, et faire venir des amis en toute sécurité”. Ça m’obsédait.

»

Pour ne pas déranger les gens autour et garder secrète la position de la maison, David a travaillé en silence, renonçant à tout outil électrique – couper, percer, bâtir, il a tout fait à la main. Le matin, quand les environs étaient encore déserts, il grimpait furtivement à l’arbre. C’était un rêve devenu réalité pour ce géographe reconverti dans les métiers de la scène. «

Je n’ai pas pu m’arrêter avant d’avoir terminé,

a-t-il affirmé

. C’était comme si j’avais enfin trouvé l’art que j’étais destiné à créer.

»

Josiah Clark, Andrew Scavullo et David Freitag construisant des choses et d’autres

«

Qui se lance en premier ?

» À cette époque, David avait derrière lui sept ans d’expérience professionnelle en gréage, et dix-huit d’escalade. Je me suis portée volontaire. Il m’a harnachée dans une ceinture de ­sûreté ajustée comme une couche-culotte SM – lanières multiples, accès facilité à l’entrejambe – et a commencé à me donner les instructions. D’abord, il a fait passer une corde autour d’une branche « basse » sur laquelle il est grimpé ; de là, il a escaladé en tête les deux cinquièmes de l’arbre, soit la moitié de la longueur de la corde. Puis il est redescendu en rappel pour me donner de l’élan. Je me suis hissée maladroitement, avec l’aisance d’un phoque hors de l’eau, jusqu’à la première branche, à six mètres du sol. Ma main droite était agrippée à une poignée ­ascensionnelle nouée sur mon baudrier, qui retenait la corde automatiquement après chacune de mes poussées vers le haut.

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Il m’a fallu au moins 45 minutes pour atteindre 25 mètres de ­hauteur, où je suis tombée nez à nez avec la plateforme inférieure : un assemblage sommaire de ce qui ressemblait à un tronçon de grillage, quelques tubes en métal et de vagues morceaux de contreplaqué. J’avais perdu le sol de vue depuis un moment déjà, et l’arbre balançait de quelques centimètres à gauche, à droite… J’ai enlacé de tout mon corps une branche couverte de sève, comme une pin-up de Vargas sur une clé à molette, cherchant un équilibre sur le grillage à mes pieds. David a défait mon équipement, lancé quelque chose comme « ça va aller », et a disparu dans le néant en dessous.

Bien sûr, je n’étais pas totalement convaincue. À vrai dire, je crevais de trouille. Mais alors j’ai vu Yoda, ou plus précisément une petite figurine de Yoda, perchée au bout d’une branche voisine ; et son unicité était auréolée du champ d’énergie rayonnant qui lie tous les êtres vivants. J’ai continué à étreindre l’arbre en silence, et ­patienté avec maître Yoda.

Quand David a enfin émergé avec Raluca, il a insisté pour que nous continuions l’escalade sans équipement jusqu’au penthouse – un assemblage rudimentaire en cours de construction, où nous nous sommes assis, avons décapsulé quelques bières et avalé des barres de céréales. Je me suis descendu une blonde cul sec en espérant qu’elle me calmerait et qu’elle n’altérerait pas, mais j’ignore comment, ma perception de la hauteur. Toujours à la recherche d’une distraction, j’ai demandé à David s’il avait un stylo. Il m’a tendu un marqueur avec lequel j’ai tagué une planche à mes côtés – une simple réaction émotionnelle à l’escalade, et au fait que j’y avais survécu.

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Quelques semaines plus tard, la maison comptait désormais deux étages ainsi que tout un lot d’équipements : des sacs de couchage et des oreillers, des chaises, un jeu de dominos, un réchaud à gaz… Après quelques années, cependant, la cabane a été brutalement détruite. «

Je savais que cela devait arriver

» explique David, sans toutefois révéler la nature exacte de cette fin tragique. Rieur, il ajoute : «

C’est comme pour tout, elle n’allait pas durer éternellement.

»

David en contrebas, depuis une trentaine de mètres de hauteur : on ne voit même plus le sol de là

Aujourd’hui, David est l’heureux propriétaire de la société Beanstalk Aerial Designs et il monte un nouveau projet avec Josiah. C’est ainsi que je me retrouve dans sa vieille remorque en direction de Sonoma, en Californie, où un couple de jeunes parents a recruté Josiah, son agence de conseil en développement durable nommée Habitat Potential et son équipe, pour construire une maison aérienne dans les deux hectares de forêt de leur propriété. Alors que nous remontons l’allée de la résidence principale, Josiah, son ami d’enfance Andrew Scavullo et leur poulain Rob Ward sont déjà en train de traîner leur matériel vers le fouillis luxuriant de la forêt. Avec David, ces quatre bâtisseurs sylvestres forment une équipe de choc. David pend un large rouleau de corde à mon cou, me tend une caisse à outils, et ouvre le chemin le long de la piste boisée. Comme il a plu les deux jours précédents, je garde les yeux rivés sur le sol boueux jusqu’à ce que l’on s’arrête. Et là, je lève les yeux.

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La maison flotte à dix mètres au-dessus de nos têtes comme un vaisseau spatial à l’approche. Son ventre lisse, une plateforme de belles planches de séquoia, est suspendu à douze câbles forés dans des arbres placés en rond de sorcière, et soutenu par des poutres en 6x6 de trois mètres de long, traitées sous pression. Bien qu’il lui manque encore un toit et qu’elle ne soit pour l’instant qu’une sorte de terrasse à ciel ouvert, entourée de trois murs en bois de récupération et parsemée d’autant de fenêtres joliment dépareillées, j’en ai le souffle coupé.

Andrew, qui est entrepreneur agréé et enregistré en Californie pour ses études d’ingénieur, nous explique qu’il n’y a pas de règles ni de normes en ce qui concerne les maisons dans les arbres. «

Les codes de construction sont extrêmement étroits et dépourvus d’imagination,

précise-t-il.

Nous avons tout fait selon les normes, mais cela n’a pas été possible pour la suspension.

» Pour cette partie, ils ont «

procédé par déductions éclairées

». Je m’agrippe à l’échelle et grimpe.

Vue du toit de la maison à 25 mètres de hauteur

En 1995, Josiah entamait son premier cycle à l’Université de Santa Cruz. L’établissement était en pleine pénurie de logements, forçant des foules d’étudiants à prendre d’assaut les vieilles maisons du quartier dans des guerres au plus offrant. «

On se disait, “mec, c’est débile”

», raconte Josiah. Avec Andrew, qui se spécialisait comme lui en sciences de l’environnement, ils avaient décidé de se mettre en colocation. Ils avaient aussi rencontré des gens de Earth First, qui avaient construit une maison dans les arbres derrière la fac, dans les 150 hectares de la réserve du campus. Elle avait fini par être découverte et détruite, mais cela avait suffi à les inspirer tous deux. Ils s’étaient résolus à camper en attendant de trouver un logement ; une nuit, alors qu’ils dormaient dans un pré, Josiah s’est tourné vers Andrew, pensif : «

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En fait, en y passant autant de temps et sans dépenser plus d’argent, on pourrait carrément construire des maisons dans les arbres. On pourrait

habiter

dans les arbres.

» Il y a eu une longue pause, et Andrew lui a répondu : «

Ouais, faisons ça

. » Le matin suivant, ils ont jeté leurs demandes de logement à la poubelle. Ils ont trouvé un séquoia de deux mètres de diamètre, né d’une repousse secondaire, dont le tronc s’était divisé en deux. Ils y ont construit deux planchers en porte-à-faux, entourés d’un filet de ping-pong de 20 centimètres de haut sur chaque tronc, ainsi qu’un énorme hamac qui se balançait au-dessus d’un gouffre de 30 mètres. «

C’était une solution très créative à une crise du logement très sérieuse

», raconte Andrew.

C’était au mois d’août, ils savaient qu’ils avaient trois mois de beau temps devant eux. Bien entendu, la tempête a frappé lors de leur première nuit. «

J’ai regardé autour de moi, les cimes des séquoias tremblaient,

se souvient Josiah

. On se serait cru dans la vigie d’un vaisseau de la marine, et je me suis dit, “c’est pas vrai, dans quoi est-ce que je me suis fourré, à habiter dans cette cabane qui roule et qui tangue à 30 mètres du sol. Je suis tellement dans la merde”. Puis, je me suis redressé et je me suis dit : “Ok, j’ai confiance dans les vis, j’ai confiance dans les câbles – donc si cet arbre doit s’effondrer aujourd’hui alors qu’il tient depuis des centaines d’années, j’imagine que je suis destiné à mourir comme ça.” Et je n’ai jamais plus éprouvé de difficultés à m’endormir là-haut

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. »

Je lève un sourcil. Il me rassure : ce n’était pas un vœu morbide. «

Tous les matins, je me réveillais avec le soleil qui se levait sur la baie de Monterey. Certains jours il était orange, d’autres bleu azur, gris, doré, rose… Je restais médusé à chaque fois. C’est là que j’ai trouvé cette volonté de me lever tous les jours un peu plus tôt

. »

Andrew avait cours à 8 heures du matin trois jours par semaine ce semestre-là. Il se levait, fourrait son sac de couchage dans une boîte hermétique, descendait en rappel sur 30 mètres à travers le dais de feuillage, sautait sur son vélo et filait.

«

Du moment où j’accrochais les mousquetons au moment où je m’asseyais dans l’amphi pour mon examen, ou quoi que ce soit d’autre, il me fallait, disons, neuf minutes

», raconte Andrew. Et ils trouvaient au campus de quoi satisfaire la plupart de leurs besoins – casiers, douches à la salle de sport, repas, bibliothèque… «

Les gens nous demandaient : “Mais que faites-vous là-haut ?” Rien, rien du tout. On s’assoit simplement, et on observe. C’était fabuleux. Et ces bruits la nuit… Tu sais qu’il y a des salamandres qui vivent à des dizaines de mètres de hauteur, dans les branches des séquoias ?

»

J’essaie d’imaginer le son d’une salamandre et je sèche.

«

Oh, elles ne font pas de bruit,

précise Andrew

. Tu reviens à la maison après les cours, et tu trouves des salamandres qui se baladent sur la plateforme, à 30 mètres de haut dans un arbre, avec le chant des oiseaux et des coyotes le soir. Parfois, tout tanguait avec le vent, mais c’en était presque hypnotisant, en un sens.

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»

Rob Ward en train de poncer les flancs de la maison pour teindre le bois des murs extérieurs

D’après Josiah, ils avaient rejoint de fait une communauté d’habitants des bois – au total, ils connaissaient cinq autres personnes qui vivaient dans les arbres sur la réserve du campus. «

Quand les autres rentraient dans leurs dortoirs, nous, on retournait là-haut dans la forêt.

» Bien sûr, c’était un peu inquiétant – à peine quinze ans plus tôt, le Trailside Killer avait assassiné sept personnes sur des sentiers de randonnée dans les comtés de Marin et de Santa Cruz – mais ils veillaient les uns sur les autres. «

J’ai fini par réaliser que quoi qu’il puisse arriver dans les bois, ce n’était jamais aussi effrayant que ce qui se passait dans le reste de la société

. » Jamais Andrew n’a été plus en phase avec le temps que pendant les trois mois qu’il a passés dans son arbre. «

C’était à la mi- voire fin octobre. J’étais en cours de bio quand la bruine a commencé. J’ai eu cette sorte de pincement au cœur, comme si je sentais que ma vie allait devenir beaucoup plus compliquée. »

« Le premier hiver que nous y avons passé, il n’a presque pas plu,

se souvient Josiah

, qui a habité onze mois dans l’arbre. On se disait, “génial, c’est trop facile”. Et ça a été l’année d’El Niño. C’était l’extrême inverse, il pleuvait en permanence. Quand le temps est devenu menaçant, les filles nous ont sortis de là. »

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« C’était essentiel,

ajoute Andrew

. Quand tu es saoul, pour faire huit kilomètres de côte à vélo puis pour escalader un arbre de 30 mètres avec des branches mortes – de nuit –, c’est plutôt important d’avoir sous la main une copine avec un petit crash pad ; et maintenant, c’est ma femme.

»

Dès qu’ils sont partis, d’autres ont pris leur place. «

Ça marche vraiment comme un nid dans la forêt,

explique Josiah

. Une cavité s’ouvre, le pivert creuse un trou, l’utilise un an, plie bagage, et l’année d’après la place est libre pour qu’un autre vienne s’installer.

»

La maison dans toute sa majesté, suspendue dans un cercle de trois séquoias tout aussi majestueux

Rob descend de l’échelle d’un bond et atterrit sur le plateau. «

Holà, on ne saute pas

, lance Andrew depuis la planche ondulée qu’il découpe pour le nouveau toit translucide.

Il faut faire attention à la charge dynamique

. »

Voilà le calcul, en bref : un piton de 12/20 cm inséré perpendiculairement aux veines d’un bois de construction peut résister en toute sécurité à des charges de plus de 700 kg. Associé à des câbles de 2/10 cm, qui supportent 550 kg chacun, il est plus que prudent d’estimer que chaque câble et chaque système de connexion à œillets soutenant la structure peut résister à une charge de 450 kg. Ainsi, avec douze câbles et boulons d’ancrage, Andrew estime que l’assemblage peut soutenir ses 1 400 kg de bois avec un supplément approximatif de 700 kg de charge humaine. Cependant, personne n’a encore adapté ces calculs à des constructions en bois vivant. «

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Évidemment, nous ne recommandons pas l’utilisation de la structure par grand vent, ou pour des soirées dansantes,

précise-t-il

. Cependant, il est toujours possible de diminuer le risque en travaillant moins en hauteur.

»

«

Si ce n’est pas très haut, ça ne nous intéresse pas

, affirme Josiah, pour qui ce projet est déjà relativement bas du fait de la probabilité que des enfants l’utilisent.

Plus l’escalade est longue, plus la vue est belle, plus l’on est isolé, plus c’est extrême. Quand on grimpe aux arbres, on veut aller toujours plus haut. Mais,

continue Josiah

, si on y réfléchit, c’est sans doute toujours plus sûr que de conduire sur ­l’autoroute ou que de traverser un carrefour très fréquenté.

»

Josiah insiste sur le fait que pour lui, la construction de maisons aériennes n’est pas une affaire d’argent. Mal réalisée, elle peut endommager les arbres. Cela nécessite beaucoup d’observation et de recherches ; il n’y a pas de recette miracle pour trouver le bon arbre. «

C’est comme choisir la bonne région pour réintroduire une espèce rare, ou peut-être un peu comme choisir une petite amie,

dit-il.

De nombreux arbres sont superbes en apparence mais pourris à l’intérieur, ou manquent de texture. Parfois cela vient du fait qu’ils ont essuyé des tempêtes, parfois ils sont simplement malades. Au contraire, certains ont été étouffés et privés de lumière, mais cela ne les a rendus que plus forts.

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»

Il désigne des entailles de nids de piverts, montrant comment ils finissent par former des nœuds. «

Par conséquent,

raisonne-t-il

, des vis et des boulons ne vont pas tuer un arbre. Cela n’arrive que lorsqu’on le ­taillade ou qu’on le comprime, ou qu’on le contamine avec une maladie.

»

À vrai dire, cette maison dans les arbres est tout sauf conventionnelle. Au départ, Josiah avait suggéré de la construire sur des pilotis entre les arbres, comme nombre de celles que j’avais vues dans les livres illustrés sur le sujet. Mais David ne considère pas celles-ci comme de vraies maisons aériennes : «

À quoi leur servent les arbres, alors ? Elles sont faites pour fonctionner comme de vraies maisons, avec des rideaux, des canalisations, et toutes ces conneries

. »

Il souligne qu’ils ne sont certes pas les premiers à suspendre leurs maisons aux arbres comme un hamac, mais que les autres emploient généralement des fiches plus épaisses, et plus de métaux. «

Elles sont sans doute mieux conçues, j’imagine,

concède-t-il

; mais elles n’auront jamais un aspect aussi délicat, aussi aérien, aussi flottant que celle-ci.

Une maison ne devrait faire qu’un avec son arbre. Les séquoias sont le berceau de toutes sortes de formes de vie dans les feuillages. Suspendre la maison comme un berceau lui donne plus d’énergie cinétique ; à vrai dire, cela la rend plus vivante.

»

Ici, au cœur de la flore viticole et des ruisseaux clairs, nos portables n’ont pas de réseau, le monde extérieur s’estompe, le temps s’arrête. Au cours d’une pause déjeuner, je me souviens soudain : à trois heures ce matin, j’ai reçu un texto d’urgence de mon voisin, dont la terrasse donne sur la fenêtre de ma cuisine, à New York. Lorsque je le rappelle, il m’informe à regret que mon appartement a pris feu en pleine nuit. J’apprends rapidement que les dégâts sont suffisamment sévères pour rendre l’endroit inhabitable. Par plusieurs petits miracles, il n’y a pas eu de blessé. Et tandis que je m’étends sur le dos, observant la canopée depuis la maison aérienne de nos rêves collectifs, au son du chant du grand pic, je me sens bien, tout simplement. Mieux que bien.