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Société

La radicalisation violente pourrait être contrée par la religion, pas l’inverse

La spiritualité permettait aux personnes d'aller chercher d'autres solutions que la violence, lorsque qu'elles sont confrontées à des événements de vie négatifs.
Photo : Wikipédia

Souffrir de dépression, avoir été témoin de violence personnelle ou familiale et être victime de discrimination seraient des terreaux bien plus fertiles à la radicalisation que la religion, avance une étude réalisée dans huit cégeps des régions de Québec et Montréal.

Une équipe de chercheurs a sondé près de 1900 étudiants pour saisir d'où provenait l'appui à la radicalisation chez les cégepiens, dont la moyenne d'âge correspond à la population la plus susceptible de se radicaliser.

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Si la radicalisation fait souvent la manchette ces derniers temps, notamment avec la vague détectée au cégep de Maisonneuve, « le soutien à la radicalisation reste minimal au niveau des collégiens du Québec », rappelle la professeure à l'Université McGill, Cécile Rousseau, qui a dirigé les recherches pour le centre de recherche SHERPA. Le rapport indique que 3,2 % des étudiants soutiennent « un peu », « dans une certaines mesure » ou « complètement » l'utilisation d'armes ou de bombes pour se battre contre les injustices. Et entre lancer un pavé et partir pour la Syrie, il y a un large spectre de nuances.

Aurait-on fait fausse route, tout ce temps ?

Contre toute attente, la religiosité n'est pas un facteur poussant à la radicalisation, mais plutôt un rempart contre celle-ci, remarquent les chercheurs. La spiritualité permettait aux personnes d'aller chercher d'autres solutions que la violence, lorsque qu'elles sont confrontées à des événements de vie négatifs.

Photo : Wikimedia Commons

En fait, les individus les plus prompts à se radicaliser sont ceux qui ne s'identifient à aucune religion, qui seraient plus susceptibles d'adopter rapidement un discours religieux extrémiste comme celui de Daesh. Les chercheurs précisent que le radicalisme est moins présent chez les femmes que chez les hommes, et que les nouveaux arrivants sont moins enclins à la radicalisation violente que les immigrants de deuxième génération et les citoyens canadiens.

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Attention profilage : extrémisme n'est pas musulman

Cécile Rousseau est consciente de bouleverser nos croyances en réduisant en charpie le lien entre religion et radicalisation. « Ça secoue nos idées, concède-t-elle, et ça dit "Ah, peut-être il faut regarder le problème de façon différente." »

Selon la chercheure, les résultats de l'étude soulèvent des questions sur le « problème du profilage racial et religieux », qui « augmente la colère des communautés ciblées, et contribue éventuellement à une radicalisation plus grande. »

Il faudrait aussi laisser tomber le profilage, car on n'a pas les bons outils pour faire de la détection. Il faut plutôt considérer le problème dans un spectre plus large. « Si vous regardez au Canada le nombre d'incidents et de crimes haineux commis par des organisations d'extrême-droite et ceux commis par des extrémistes membres d'une religion, les nombres sont comparables, rappelle-t-elle. Les crimes haineux d'extrême-droite, on ne les nomme pas comme étant de la radicalisation violente, même quand ça touche aux personnes. »

Ironie du sort, un centre culturel musulman de Sept-Îles a été retrouvé entièrement vandalisé, en début de journée mardi. Nizar Aouini, un membre du centre, était un des premiers à se rendre sur les lieux après que la police ait alerté le directeur de l'établissement, et il a constaté « un vrai désastre ». Les photos partagées sur son mur Facebook montrent des trous dans les murs, des rideaux arrachés, des objets renversés et détruits.

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Aouini déplore la mésinformation, qui fait en sorte que les « ignorants », ont de fausses conceptions des musulmans, et ont tendance à généraliser. « Une mauvaise personne représente juste elle-même, ou une minorité. On ne peut pas dire que tous les Canadiens sont comme eux, et le contraire aussi pour les musulmans. » Il souligne que rien ne laissait présager de telles actions à Sept-Iles, où les musulmans vivent en harmonie avec le reste de la communauté. Il ajoute avoir reçu plusieurs messages de soutien de la part des Québécois.

Vers des solutions

Puisqu'un véritable profilage du radicalisme est presque impossible à faire, la prévention est de mise. Alors que le rapport indique que plus de deux cégepiens sur cinq rapportent soit de l'anxiété, soit de la dépression, soit les deux, les chercheurs plaident pour une plus grande disponibilité des ressources psychosociales dans les collèges du Québec.

Il est également impératif de miser sur l'inclusion et le vivre-ensemble. Le quart des étudiants avoue avoir été témoin de propos racistes et haineux envers son groupe d'appartenance, quel qu'il soit (orientation sexuelle, genre, religion, etc.), «ce qui souligne l'importance de continuer à intervenir dans ce domaine.» On demande aussi à ce que le personnel des milieux de l'éducation, de la santé et des services sociaux soient mieux sensibilisés à la radicalisation, et à déboulonner les mythes tenaces.

Le groupe avance également des pistes de réflexion. Sans proposer de solution, les chercheurs invitent les établissements et les étudiants à se concerter pour que l'expression religieuse et la spiritualité soient soutenues par des programmes de prévention, tout en tenant compte de la « nécessaire neutralité religieuse des établissements d'enseignement public ».

Suivez Justine de l'Église sur Twitter.