Toutes les photos sont d'Eabha Fitzpatrick
Si, comme moi, vous vous délectez de la mauvaise réputation accordée à votre signe (je suis Scorpion) ou avez reçu à Noël Le Petit Livre du Zodiaque, l’application Co-Star est sans doute déjà téléchargée sur votre téléphone.Cette appli (disponible uniquement en anglais) compte plus de cinq millions d’utilisateurs sur la planète Terre et promet « une expérience sociale hyper personnalisée, qui fait entrer l’astrologie dans le 21e siècle ». Elle fonctionne avec des algorithmes et utilise des données de la NASA, les recherches d’astrologues professionnels ainsi que votre thème astral complet (soit votre signe solaire, votre ascendant, votre signe lunaire et celui des huit autres planètes du système solaire) pour vous fournir un horoscope journalier hautement personnalisé. Celui-ci comprend une liste de trois choses à faire et à ne pas faire (Do’s & Don’ts), un petit conseil quotidien, des recommandations sur qui, parmi vos amis Co-Star, est à voir ou à éviter, ainsi que de sages paroles à méditer pour les mois à venir.Mon père vous expliquera sans doute mon addiction à cette app comme une conséquence inévitable de ma décision d’entreprendre des études artistiques, mais c’est probablement parce qu’il est Bélier (eww). En réalité, il y a quelque chose d’assez réconfortant à s’en remettre aux étoiles quand le monde entier semble partir en vrille.Ceci étant dit, il est utile de préciser que les suggestions quotidiennes de Co-Star affichent un certain penchant pour l’impénétrable (que suis-je censée comprendre lorsque je reçois une notification qui me dit « DO : chapeaux en aluminium, DON’T : cloches et sifflets » ?!?) Pour votre plus grand plaisir et ma propre humiliation, j’ai donc décidé de passer une semaine à suivre les conseils de cette app afin de voir si ma vie en deviendrait vraiment plus éclairée sur le plan spirituel.· DO : Terrains de jeux, Saltos, Faces B.· DON’T : Lattes, Vieux pull, Mauvaises habitudesPutain de saltos. Il n’aura fallu que quelques heures aux étoiles et à Co-Star pour menacer de détruire mon intégrité journalistique. Bon à savoir : mes articulations ont la sale habitude de craquer en signe de protestation quand je tape trop vite sur mon clavier, alors je n’ai même pas osé imaginer comment elles auraient réagi à la moindre tentative de gymnastique. Aussi, notez que je mesure 1,80 m. J’ai tendance à promener cette taille supérieure à la moyenne avec la grâce d’un veau nouveau-né. Je peux donc vous assurer que je n’ai pas essayé de faire de salto.J’ai plutôt décidé de me contenter de retrouver l’enfant qui sommeillait en moi. Je suis allée trainer au parc, découvrant que les planètes n’étaient visiblement pas omniscientes : il pleuvait à verse. Le terrain de jeu détrempé sur lequel j’ai débarqué ressemblait plus à un lieu où des ados s’étouffent sur leur premier joint qu’à un portail qui me permettrait de communiquer avec mon inner-child. Mais il en était ainsi : les étoiles avaient parlé et je me devais de leur répondre.Rétrospectivement, le fait que le parc ait été désert a été une bénédiction ; j’imagine que personne n’aurait eu envie de voir une meuf 21 ans gesticuler sur les barres de singe. Au bout d’un moment, ma gaucherie à la Bambi s’est quand même un peu estompée. Le fait de tournoyer dans un bol en plastique géant jusqu’à en avoir la nausée a libéré en moi une joie pure et enfantine dont je ne soupçonnais même pas l’existence.Jour 2 : « Essaie d’avoir une réaction »Pour embrasser mon instruction « New Wave », j’ai mis mon tee-shirt Specials et lancé une playlist Spotify This Is New Wave dans mes écouteurs. Je me sentais ultra-cool, et même un peu edgy. Ce délicieux sentiment a cependant été rapidement écrasé deux heures après le début de mon service par le père d’un client qui essayait d’être drôle : « Chouette t-shirt, je parie que vous ne connaissez que “A Message to You Rudy”. » Comme le statut de rédactrice free-lance ne m’a malheureusement pas encore propulsée tout en haut de l’échelle sociale, je suis toujours prête à échanger ma dignité contre un pourboire. Malgré l’envie irrésistible de lui dire d’aller se faire foutre, j’ai opté pour un mielleux : « Merci, monsieur ! Mais j’adore vraiment tout ce qu’ils font. La nourriture vous convient ? »Arrivée chez moi trop énervée pour continuer mes réflexions sur les permutations, j’ai punaisé quelques posters sur mon mur vide. C’est probablement la seule chose qui m’a rapproché de la spiritualité ce jour-là.Jour 3 : « Sois aussi honnête que possible »Furieuse de voir revenir les permutations, j’avais décidé de me concentrer sur l’instruction générale, à savoir « honnêteté ». Spoiler : L’alcool a rendu cette injonction dix fois plus facile. Ce qui, pour un œil non averti, a pu passer pour un déversement de confidences trop intimes chuchotées à l’oreille de personnes fraîchement rencontrées était en fait un engagement inébranlable envers mon travail journalistique.Sans surprise, je me suis réveillé en plein stress, deux minutes avant mon premier cours — sauf que mon appartement refluait maintenant le vieux rade (si vous êtes la personne qui a renversé du Prazsky sur mon canapé mercredi dernier, c’est le moment de vous dénoncer).D’habitude, j’aurais envoyé à mon prof un bref mail d’excuse expliquant que « je ne pouvais pas assister au cours d’aujourd’hui parce que [insérer ici un petit problème de santé] ». Or, cette technique malhonnête m’était formellement interdite. J’ai donc expliqué au prof que mon absence n’était pas due au COVID, mais bien à une violente gueule de bois et aux instructions d’une application qui m’invitait à « éviter les PowerPoints ». Il ne m’a jamais répondu. Jour 4 : « Est-ce que vous pensez à garder le sourire ? »Co-Star, si tu lis ceci, voilà enfin une liste de choses à faire qui m’a semblé digne d’intérêt ! Et même si la douche chaude a dû passer à la trappe puisque mon coloc était arrivé en premier dans la salle de bain, une toilette tiède et un plateau de sushis m’ont apporté un bonheur ultime comparé à cette injonction à l’honnêteté et ces notions mathématiques traumatisantes.Jour 5 : « Faites-vous entendre »Encore une fois, les étoiles ont été douloureusement claires sur ce qu’elles attendaient de moi. Pour rester dans le thème de la semaine tout en tentant de trouver l’amour, je me suis donc rendue sur Grafton Street — la zone commerciale la plus fréquentée d’Irlande — avec une publicité personnelle d’inspiration astrologique accrochée sur la poitrine.Après quelques regards perplexes et des inconnus me filmant pour le plaisir fugace de leur communauté TikTok, j’ai réalisé que je n’obtiendrais pas la réponse passionnée que j’espérais. La preuve irréfutable que les Scorpions sont vraiment le signe le plus détesté de la planète. Comment ai-je trouvé cette expérience ? Profondément dégradante.JOUR 6 : « Vous recherchez l’abstraction ? »Pour le meilleur ou pour le pire, cette semaine aura au moins contribué à diminuer mon sentiment de honte de moi. Après avoir cherché l’amour sur Grafton Street, faire une roue (ou, techniquement parlant, une demi-roue) m’a semblé être un jeu d’enfant. J’ai même eu droit à une salve d’applaudissements de la part d’un groupe qui passait par là… Pékin 2022, me voici.Jour 7 : « Essayez de voir les choses sur le long terme »
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Jour 1 : « Affronte ton passé »
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