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Nicholas Kardaras : Je pense que Roald Dahl a été très visionnaire sur ce plan. J'ai travaillé avec près d'un millier d'adolescents au cours de ces dix dernières années, et j'ai remarqué que ceux qui avaient été le plus exposés à des écrans durant leur enfance souffraient d'une sorte de « malaise digital ». Ils étaient presque tous « inintéressants et inintéressés », comme j'aime à le décrire. Ils manquaient de curiosité et avaient perdu tout sens de l'émerveillement, en comparaison à ceux dont l'existence dépendaient moins des écrans. Ils ignoraient – ou n'avaient pas envie de connaître – ce qu'il se passait dans le reste du monde. Tous avaient l'air d'être mus par un besoin perpétuel d'être stimulé et diverti par leur téléphone ou leur ordinateur.Le cerveau des enfants se développe lors de moments bien précis, durant lesquels leur imagination est sollicitée lors de jeux créatifs, par exemple. Ces moments voient le corps construire de nombreuses connexions neuronales. Les enfants qui sont uniquement stimulés par un écran ne peuvent pas créer des images d'eux-mêmes aussi facilement que les autres.J'ai grandi dans les années 1970, et j'ai découvert les jeux Atari vers le collège. J'étais à fond dans les jeux vidéo, ce qui ne m'a jamais empêché d'être actif. Selon vous, qu'est-ce qui a changé dans notre exposition aux jeux vidéo ?
La différence entre les jeux vidéo de l'époque et d'aujourd'hui est purement qualitative. Aujourd'hui, les jeux sont plus immersifs, interactifs et réalistes – et je ne parle que des jeux en deux dimensions, ne me lancez pas sur la 3D. Un de mes amis, Andrew Doan – qui est chercheur en addiction pour le Pentagone et la Navy et a beaucoup étudié les jeux vidéo – aime répéter que les jeux qui sortent aujourd'hui dépendent d'industries multimilliardaires qui emploient les meilleurs neuroscientifiques et psychologues comportementaux au monde pour les rendre les plus addictifs possible.
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Un de mes amis a deux enfants qu'il essaie d'emmener un peu partout avec lui. Le truc, c'est qu'ils passent leur temps avec une tablette et des écouteurs sur les oreilles. On les entend rarement, sauf quand ils ont besoin de brancher leur chargeur. Quels sont les effets à long terme de ce type de comportement ?J'ai travaillé avec des centaines d'héroïnomanes, et j'estime qu'il est plus facile de les traiter qu'un enfant vraiment accro aux écrans. – Dr. Nicholas Kardaras
Cela rejoint précisément ce que j'évoquais tout à l'heure : les enfants sont tellement habitués à la stimulation des écrans qu'ils préfèrent s'y exposer de manière prolongée. Si cet effet est plus puissant sur les enfants que les adultes – bien que les adultes accro aux écrans soient difficiles à dénombrer –, c'est simplement parce que les enfants n'ont pas un cortex frontal entièrement développé.
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Je pense en tout cas que l'addiction aux écrans remplit tous les critères cliniques de l'addiction. C'est aussi le cas de la Chinese Health Organization et de nombreux autres pays à travers le monde – les États-Unis sont un peu en retard. Nous n'avons pas de diagnostic « officiel » pour ça, mais cela reste un sujet à étudier. Si les téléphones peuvent constituer une nécessité – parce que soyons honnête, on peut survivre sans téléphone –, ils ne le sont pas pour des enfants.Je pense simplement que l'on devrait laisser le cerveau des enfants se développer avant de les exposer à ces drogues digitales. J'ai travaillé avec des centaines d'héroïnomanes, et j'estime qu'il est plus facile de les traiter qu'un enfant vraiment accro aux écrans. On interagit avec des écrans tout le temps, ce qui n'est pas tout à fait le cas de l'héroïne. D'après mon expérience, je pense qu'il est important de connaître les potentiels dangers d'une telle addiction avant qu'elle ne se développe, parce que c'est une plaie à traiter.Le livre 'Glow Kids' est sorti le 9 août dernier chez St. Martin's Press. Il est disponible ici.Seth est sur Twitter.